Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2018, M. C... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1802223 du 10 juillet 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son avocat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. B... soutient que :
En ce qui concerne le refus de séjour :
- la décision n'a pas été signée par une autorité compétente ;
- la décision n'est pas valablement motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- la décision est entachée d'un vice de procédure, dès lors que le préfet n'a pas procédé à la consultation préalable de la commission du titre de séjour et l'a ainsi privé d'une garantie substantielle ;
- la décision a été prise en méconnaissance des stipulations du deuxième paragraphe de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le cinquième paragraphe de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision n'est pas motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- la décision n'est pas motivée ;
- elle porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2019, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Rees, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B..., ressortissant algérien né en 1994, est entré en France le 19 avril 2015. Le 11 juillet 2017, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien en qualité de conjoint de Française. Par un arrêté du 29 janvier 2018, le préfet de la Moselle a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.
2. M. B... relève appel du jugement du 10 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
En ce qui concerne le refus de séjour :
3. En premier lieu, par un arrêté du 30 octobre 2017, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture de la Moselle du même jour, le préfet de la Moselle a donné à M. Carton, secrétaire général de la préfecture, délégation pour signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département hormis certaines matières limitativement énumérées, parmi lesquelles ne figure pas la police des étrangers. En outre, cet arrêté ne subordonne pas l'exercice de cette délégation de signature par le secrétaire général de la préfecture à l'absence ou à l'empêchement du préfet. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait.
4. En deuxième lieu, l'arrêté contesté, qui énonce de manière précise et circonstanciée les motifs de droit et de fait sur lesquels s'est fondé le préfet pour refuser d'admettre au séjour M. B..., est régulièrement motivé. Le bien-fondé des motifs ainsi énoncés ne peut être utilement discuté pour remettre en cause la régularité de cette motivation.
5. En troisième lieu, les énonciations de l'arrêté contesté permettent de vérifier que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation de M. B....
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention ''vie privée et familiale'' est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. [...] 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 9 du même accord : " (...) les ressortissants algériens venant en France pour un séjour inférieur à trois mois doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa délivré par les autorités françaises. / Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français (...), les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises ".
7. M. B... fait valoir que son passeport est revêtu d'un visa Schengen, délivré par le consulat d'Espagne à Oran et valable du 5 avril au 4 juillet 2015, et produit l'attestation d'une compagnie aérienne indiquant qu'il a embarqué le 19 avril 2015 sur un vol de Barcelone à Paris. Toutefois, aucune de ces pièces ne permet, au regard des stipulations précitées, de justifier de son entrée régulière en France. Par suite, et alors même qu'il remplirait les autres conditions prévues par le paragraphe 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien précité, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de cet article en refusant de l'admettre au séjour.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12 ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ". Il résulte de ces dispositions de procédure, qui sont applicables aux algériens mentionnés par les stipulations de l'accord franco-algérien équivalentes aux dispositions auxquelles elles renvoient, en particulier celles du paragraphe 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, qui sont équivalentes aux dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui en remplissent effectivement les conditions. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, M. B... ne remplit pas les conditions du paragraphe 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, faute de justifier de son entrée régulière sur le territoire français. Dès lors, le préfet n'a pas entaché sa décision d'un vice de procédure en s'abstenant de consulter préalablement la commission du titre de séjour.
9. En sixième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... a sollicité son admission au séjour également sur le fondement du paragraphe 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, et le préfet n'a pas spontanément examiné sa situation au regard des stipulations de ce paragraphe. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut qu'être écarté comme inopérant.
10. En septième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision litigieuse, M. B... séjournait depuis moins de trois ans en France. Il y est entré à l'âge de 21 ans, après avoir jusqu'alors vécu dans son pays d'origine, où il n'allègue pas être dépourvu d'attaches familiales et personnelles. Son mariage avec une ressortissante française, le 17 juin 2017, est intervenu à peine six mois avant la décision contestée, et selon ses déclarations, leur relation était elle-même récente, puisqu'elle remontait à janvier 2017. Par ailleurs, s'il fait valoir que son épouse était enceinte à la date à laquelle il a présenté sa demande de titre de séjour, il ne l'établit pas. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il lui a refusé le séjour, alors qu'il demeure loisible à l'intéressé de revenir régulièrement en France après avoir accompli dans son pays d'origine les formalités nécessaires à ce retour. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
12. En huitième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point précédent, l'erreur manifeste d'appréciation alléguée n'est pas établie.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance (...) d'un titre de séjour a été refusée à l'étranger (...) ; / . La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ".
14. D'une part, il résulte de ces dispositions que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, désormais codifiée aux articles L. 211-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, ne peut être utilement invoqué à l'encontre d'une décision énonçant une obligation de quitter le territoire français. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 4, la décision relative au séjour est régulièrement motivée. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
15. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de séjour.
16. En troisième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 11, l'erreur manifeste d'appréciation alléguée n'est pas établie.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
17. En premier lieu, il ressort de l'arrêté contesté que le préfet y énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il s'est fondé pour fixer l'Algérie comme étant le pays à destination duquel le requérant pourra être reconduit d'office. Le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision manque ainsi en fait et doit être écarté.
18. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que, s'il retourne en Algérie, M. B... sera dans l'impossibilité de revenir régulièrement en France pour y solliciter à nouveau son admission au séjour, ou de façon alternative de reconstituer sa cellule familiale dans son pays d'origine. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir qu'en fixant l'Algérie comme pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, le préfet a porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
N° 18NC03077 2