Par une requête enregistrée sous le n° 20NC01868 le 16 juillet 2020, le préfet du Doubs demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 7 janvier 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 août 2019 par lequel le préfet du Doubs l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui remettre une autorisation provisoire de séjour dans le délai de cinq jours ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui remettre une autorisation provisoire de séjour dans le délai de cinq jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il ne pourra pas effectivement bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé dans son pays d'origine ; l'arrêté du 2 août 2016 méconnaît dès lors le 11° de l'article L. 313-11 et le 10 de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cet arrêté méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les signatures apposées sur l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne satisfont pas aux règles du référentiel général mentionné à l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, non plus qu'aux dispositions de l'article 1367 du code civil, de l'article 1er du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique ainsi que des articles 26, 28 et 29 et des annexes I et II du règlement (UE) n° 910/2014 du parlement européen et du conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 août 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 14 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 910/2014 du parlement européen et du conseil du 23 juillet 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- le décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Goujon-Fischer premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant albanais, est entré en France, selon ses déclarations, le 16 juillet 2016. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 15 mars 2017, confirmée par la cour nationale du droit d'asile le 21 septembre 2017. Le 7 décembre 2017, M. A... a sollicité du préfet du Doubs la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " pour raisons de santé, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 18 avril 2018, le préfet du Doubs a rejeté cette demande, a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français et a fixé son pays de renvoi. Par un jugement du 27 novembre 2018, le tribunal administratif de Besançon a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet du Doubs de réexaminer la situation de l'intéressé. Par un arrêté du 2 août 2019, le préfet du Doubs a, une nouvelle fois, refusé à M. A... la délivrance d'une carte de séjour temporaire, a prononcé à son encontre une nouvelle obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 7 janvier 2020, par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 2 août 2019 :
En ce qui concerne le refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 1367 du code civil : " La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte. / Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique : " La fiabilité d'un procédé de signature électronique est présumée, jusqu'à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en oeuvre une signature électronique qualifiée. / Est une signature électronique qualifiée une signature électronique avancée, conforme à l'article 26 du règlement susvisé et créée à l'aide d'un dispositif de création de signature électronique qualifié répondant aux exigences de l'article 29 dudit règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l'article 28 de ce règlement ". Selon l'article 26 du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE : " Exigences relatives à une signature électronique avancée Une signature électronique avancée satisfait aux exigences suivantes : / a) être liée au signataire de manière univoque ; / b) permettre d'identifier le signataire ; c) avoir été créée à l'aide de données de création de signature électronique que le signataire peut, avec un niveau de confiance élevé, utiliser sous son contrôle exclusif ; et d) être liée aux données associées à cette signature de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable ".
3. Ainsi que le rappelle le préfet en défense, la signature, par les membres du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de l'avis émis par ce dernier en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est apposée électroniquement au moyen de l'application Thémis. Pour apposer cette signature, les membres de ce collège doivent, dans un premier temps, se connecter au réseau interne de l'Office avec un identifiant et un mot de passe personnel, puis à l'application " Thémis " avec un autre identifiant et un autre mot de passe, où ils valident l'avis émis par le collège. Cette l'application génère à la suite un avis en format PDF qui ne peut être modifié ou contrefait, puis cet avis est diffusé aux membres du collège pour une ultime validation. Compte tenu de ces garanties, ce procédé de signature doit être regardé comme bénéficiant de la présomption de fiabilité prévue par les dispositions combinées de l'article 1367 du code civil, du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 et du décret du 28 septembre 2017. Si M. A... soutient, d'une part, qu'il n'est pas établi que les avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration satisferaient aux règles du référentiel général mentionné à l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives et, d'autre part, que le dispositif prévu par les article 28 et 29 ainsi que les annexes I et II du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 et du décret du 28 septembre 2017 serait " absent des certificats communiqués par l'Office français de l'immigration et de l'intégration ", il ne précise pas sur quels points ni pour quels motifs le procédé de signature mis en place par l'Office ne répondrait pas aux exigences de ces textes. Ainsi, il n'assortit pas ces derniers moyens des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
4. Il ressort des pièces du dossier que l'avis émis le 6 juin 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au sujet de la situation de M. A... et des nécessités de sa prise en charge médicale porte les signatures des docteurs Ignace Mbomeyoi, Christian Netllard et Anne De-Prin. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que cet avis doit ainsi être regardé comme revêtu de la signature de ses auteurs. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le refus de séjour opposé par le préfet du Doubs est intervenu au terme d'une procédure irrégulière.
5. En second lieu, Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat ".
6. Il ressort de l'avis émis le 6 juin 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que celui-ci a estimé que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. M. A... se prévaut de certificats médicaux dont il ressort qu'il a subi un accident vasculaire cérébral en 2010 avec récidives en 2011 et 2012, qu'il en conserve des séquelles sous forme de troubles de la mémoire et d'une hémiparésie gauche, qu'il bénéficie d'un traitement contre l'une hypertension artérielle et est en outre diabétique. Il serait également à haut risque cardiovasculaire en raison de son état vasculaire et de son tabagisme. Toutefois, comme l'a jugé à bon droit le tribunal, le requérant n'établit ni par ces certificats, ni par l'attestation d'un pharmacien albanais faisant état de fréquentes ruptures de stocks des médicaments qui lui sont prescrits, ni enfin par celle d'une commission de santé auprès du ministère de la santé et de la cohésion sociale de la République d'Albanie selon laquelle il a été recommandé à l'intéressé de se faire soigner à l'étranger, qu'il ne pourrait pas effectivement bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié à son état de santé. Par suite, en refusant de délivrer à M. A... la carte de séjour temporaire qu'il avait sollicitée, le préfet du Doubs n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, M. A... n'est pas fondé à soutenir que son état de santé faisait obstacle à son éloignement en application du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
8. M. A... reprend en appel ses allégations selon lesquelles, en cas de retour en Albanie, il encourrait des risques de subir des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du fait des représailles subies par sa famille à la suite du meurtre perpétré par un de ses cousins sur sa propre épouse. Toutefois, il n'apporte pas d'éléments précis et probant de nature à établir le bien-fondé de cette crainte, alors au demeurant que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A....
Sur les frais liés à l'instance :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 20NC01868