Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 mars 2021 M. A..., représenté par Me Chebbale demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 1er décembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur le refus de titre :
- il méconnait les dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de l'absence dans son pays d'origine du traitement médicamenteux indispensable à la prise en charge de ses pathologies et de l'impossibilité d'accéder aux traitements alternatifs qui existeraient ;
- il méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnait les stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Malgré une mise en demeure de produire du 28 décembre 2021, la préfète du Bas-Rhin n'a pas produit d'observations en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 18 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant géorgien, né le 12 novembre 1986, est entré sur le territoire français selon ses déclarations le 19 avril 2018 afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié le 7 mai 2018. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 22 mars 2019, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 18 novembre 2019. Le 4 novembre 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé. A la suite d'un avis défavorable du collège des médecins de l'OFII le 31 mars 2020, la préfète du Bas-Rhin a, par un arrêté du 22 juillet 2020, refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. M. A... fait appel du jugement du 1er décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration allant dans le sens de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ainsi que la disponibilité du traitement approprié. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
3. Par un avis du 31 mars 2020, que la préfète du Bas-Rhin s'est approprié, le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de M. A..., qui souffre de problèmes psychiatriques, notamment d'un syndrome de stress post-traumatique, ainsi que d'épilepsie à crise généralisée génétiquement déterminée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que, eu égard à l'offre de soin et aux caractéristiques du système de santé dans le pays d'origine, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Géorgie. Ni les certificats médicaux produits par le requérant, ni le rapport de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés du 30 juin 2020, qui fait seulement état, de manière générale, d'insuffisances du système de santé dans ce pays, tout en mentionnant la présence de 23 établissements comportant des services psychiatriques, ni le rapport du ministre de la santé géorgien de 2007, ne suffisent à démontrer que l'intéressé ne pourra pas effectivement y bénéficier d'un traitement approprié. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le lien entre sa pathologie et les événements qu'il dit avoir vécus dans son pays serait tel qu'il ne permettrait pas, dans son cas, d'envisager un traitement effectivement approprié dans ce pays. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Si M. A..., ressortissant géorgien, est entré en France en avril 2018 seulement, à l'âge de 34 ans et que son épouse et ses trois enfants mineurs l'y ont rejoint, il ressort des pièces du dossier que son épouse dont il est divorcé depuis le 28 février 2020 serait en Grèce avec les deux plus jeunes enfants du couple. Même si le requérant suit des cours de français depuis novembre 2019, participe à des actions de bénévolat, produit une promesse d'embauche du 18 février 2020 en contrat à durée indéterminée à temps complet et que son fils ainé, âgé de 12 ans à la date de la décision attaquée, est scolarisé en 6ème et s'intègre dans la société française par la pratique du judo, ces circonstances, dans la mesure où il n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale ou personnelle dans son pays d'origine où résideraient ses parents et sa sœur, sont insuffisantes pour fonder une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels la décision attaquée a refusé de l'admettre au séjour. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées doit être écarté.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le fils du requérant ne pourrait pas poursuivre sa scolarité, ni que le fait de retourner dans son pays d'origine avec son père le séparerait de sa mère et du reste de la fratrie qui ne résident déjà plus en France. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
8. En cinquième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées aux points précédents, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la préfète s'est livrée à une appréciation manifestement erronée des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".
11. Pour les mêmes raisons que celles indiquées précédemment, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 de ce code, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, doivent être écartés, ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste qu'aurait commise la préfète dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de l'intéressé.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
13. Si M. A... soutient que son renvoi en Géorgie l'exposerait au risque de subir des traitements contraires aux stipulations et dispositions précitées en raison de l'altercation qu'il a eue avec un soldat qui a conduit à la mort de celui-ci, et compte tenu des agressions que lui et son fils ainé y auraient déjà subies, il n'apporte aucun élément concret à l'appui des risques actuels qu'il y encourrait en cas de retour. Du reste, celles-ci n'ont pas été jugées crédibles par les instances chargées de l'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- M. Rees, président-assesseur,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mars 2022.
La rapporteure,
Signé : M. BarroisLa présidente,
Signé : S. Vidal
La greffière,
Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 21NC00865