Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 mai 2016, M. E...et Mme D...C..., représentés par MeB..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement no 1404359 du 9 mars 2016 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a limité leur indemnisation au titre de la servitude à la somme de 1 815,70 euros ;
2°) de condamner la commune de Carspach à leur verser la somme de 27 615,75 euros, augmentée des intérêts au taux légal ;
3°) de condamner la commune de Carspach à leur verser une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme C...soutiennent que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal a fixé lui-même le montant de leur indemnisation en réformant la décision du juge de l'expropriation, alors que la fixation de l'indemnité ne relève que de la compétence juridictionnelle de ce dernier ;
- le tribunal a dénaturé les pièces du dossier en se fondant, pour limiter leur droit à indemnisation, sur une liste de parcelles cédées figurant dans le plan de cession de l'EARL C..., alors que cette liste n'identifie aucune parcelle comme ayant été cédée ;
- le tribunal a mal apprécié leur intérêt pour agir, alors que M. C...était titulaire d'un bail sur les parcelles exploitées à la date du fait générateur du dommage ;
- la demande d'indemnisation est fondée dès lors que la servitude pèse sur toutes les parcelles en cause.
Le 6 décembre 2016, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître du litige.
Par des mémoires, enregistrés les 13 décembre 2016 et 5 janvier 2017, M. et Mme C... concluent aux mêmes fins et par les mêmes moyens que précédemment.
Ils soutiennent, en outre, que le litige ne peut que relever de la compétence de la juridiction administrative.
Par un mémoire, enregistré le 20 décembre 2016, la commune de Carspach, représentée par la Selarl Soler-Couteaux - Llorens, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître du litige et, subsidiairement, qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement,
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique,
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rees, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour M. et MmeC..., ainsi que celles de Me A..., pour la commune de Carspach.
Considérant ce qui suit :
1. Le 27 février 2006, le préfet du Haut-Rhin a pris, au bénéfice de la commune de Carspach, un arrêté portant déclaration d'utilité publique des travaux de dérivation des eaux souterraines, instaurant des périmètres de protection et autorisant l'utilisation de l'eau en vue de la consommation humaine. M. E...et Mme D...C..., qui déclarent exploiter les parcelles cadastrées section 47 n° 24, 25, 26, 27 et 28 au lieudit Pirlenmatte et section 33 n° 24 au lieudit Kohlmatte, toutes frappées par la servitude de captage des eaux ainsi instituée, ont présenté à plusieurs reprises, en vain, des demandes d'indemnisation à la commune de Carspach.
2. Le 17 décembre 2012, ils ont demandé au juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Colmar de fixer le montant des indemnités devant leur être versées. Par un jugement du 20 février 2014, devenu définitif, le juge de l'expropriation a, d'une part, renvoyé les parties à se pourvoir devant qui de droit en ce qui concerne les contestations sérieuses portant sur la prescription quadriennale, la qualité et l'intérêt pour agir de M. E... et Mme D...C...et l'inclusion de la parcelle cadastrée section 33 n° 24 au lieudit Kohlmatte dans le périmètre de protection rapprochée du forage de l'Elsberg, d'autre part fixé les indemnités, à titre alternatif eu égard à l'incertitude relative à cette parcelle, aux sommes de 27 616,75 euros ou 26 173,27 euros.
3. Se prévalant de ce jugement, M. et Mme C...ont présenté le 15 avril 2014 une nouvelle demande indemnitaire à la commune. Cette dernière n'y ayant pas donné suite, M. et Mme C...ont saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la condamnation de la commune à leur verser une somme de 29 876,69 euros correspondant à l'indemnité fixée par le juge de l'expropriation, augmentée des intérêts de retard déjà échus.
4. M. et Mme C...relèvent appel du jugement du 9 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune de Carspach à leur verser la somme de 1 815,70 euros, en tant qu'il a limité à ce montant leur indemnisation au titre de la servitude litigieuse.
Sur la compétence juridictionnelle :
5. Aux termes de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " En vue d'assurer la protection de la qualité des eaux, l'acte portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines mentionné à l'article L. 215-13 du code de l'environnement détermine autour du point de prélèvement un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété, un périmètre de protection rapprochée à l'intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d'installations , travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux et, le cas échéant, un périmètre de protection éloignée à l'intérieur duquel peuvent être réglementés les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols et dépôts ci-dessus mentionnés (...) ".
6. Aux termes de l'article L. 1321-3 du même code : " Les indemnités qui peuvent être dues aux propriétaires ou occupants de terrains compris dans un périmètre de protection de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines, à la suite de mesures prises pour assurer la protection de cette eau, sont fixées selon les règles applicables en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. / Lorsque les indemnités visées au premier alinéa sont dues à raison de l'instauration d'un périmètre de protection rapprochée visé à l'article L. 1321-2-1, celles-ci sont à la charge du propriétaire du captage ".
7. Il résulte de ces dispositions que les litiges relatifs aux indemnités pouvant être dues aux propriétaires ou occupants de terrains compris dans un périmètre de protection de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines, à la suite de mesures prises pour assurer la protection de cette eau, sont jugés comme en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique et relèvent donc de la seule compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
8. La demande présentée par M. et Mme C...devant le tribunal administratif de Strasbourg tend à la condamnation de la commune de Carspach, propriétaire du captage, à leur verser l'indemnité fixée par le juge de l'expropriation. Il n'appartient, ainsi qu'il a été dit au point 7, qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire de connaître du litige ainsi soulevé.
9. Dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement du 9 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg s'est, implicitement mais nécessairement, reconnu compétent pour connaître de la demande des requérants et, statuant par voie d'évocation, de rejeter cette demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Carspach qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. et Mme C...demandent au titre des frais exposés par eux en appel et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de M. et Mme C...au profit de la commune de Carspach en application des mêmes dispositions.
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1404359 du tribunal administratif de Strasbourg du 9 mars 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme C...devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Carspach tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E...C...et à la commune de Carspach.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 16NC00861