Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 juin 2021, Mme B... A..., représentée par Me Berry, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 février 2021 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 10 décembre 2020 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- la décision méconnaît les dispositions du 10 ° de l'article L. 511-4 et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la préfète a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et signalement dans le système d'information Schengen :
- la décision attaquée est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit ;
- la préfète a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision méconnaît l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lambing a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., née en 1987 et de nationalité géorgienne, est entrée régulièrement en France le 26 novembre 2019. Elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. N'ayant pas déposé de demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai imparti, par arrêté du 10 décembre 2020, la préfète du Bas-Rhin lui a retiré son attestation de demandeur d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an avec signalement dans le système d'information Schengen. Mme A... relève appel du jugement du 12 février 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 10 décembre 2020.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, la requérante reprend en appel les moyens qu'elle avait invoqués en première instance tirés du défaut de motivation de la décision litigieuse et du défaut d'examen particulier. Il y a lieu d'écarter ces moyens à l'appui desquels la requérante ne présente aucun élément de fait ou de droit nouveau, par adoption de motifs retenus à juste titre par le premier juge.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". De plus, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) "
4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du certificat médical du 18 novembre 2020, que Mme A... souffre d'une sclérose tubéreuse de Bourneville sévère qui nécessite un traitement par everolimus ainsi que d'un suivi multidisciplinaire rapproché. L'intéressée se prévaut d'une attestation médicale d'un hôpital géorgien du 24 décembre 2020, produite par note en délibéré en première instance, qui indique que le diagnostic de sa maladie rare a pu être posé et que Mme A... était suivie par un oncologue et un neurologue. Il est également précisé que la requérante a besoin de traitements sympathiques et palliatifs, sans autre précision, et que " les méthodes modernes de son traitement ne sont pas disponibles en Géorgie ". Cependant, ce seul document ne permet pas d'établir que l'absence de traitement pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ou que l'évérolimus ne serait pas disponible en Géorgie. Par suite, Mme A... n'établit pas qu'elle ne pourrait pas bénéficier en Géorgie de la prise en charge médicale requise pour la pathologie dont elle souffre. Il n'est pas non plus justifié qu'elle serait en incapacité de voyager. En outre, la circonstance que le préfet était informé de son souhait de déposer une demande de titre de séjour pour raisons de santé depuis février 2020 est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors qu'il appartenait, en tout état de cause, à l'intéressée de produire, dès le stade de sa demande d'asile, tout document utile relatif à sa situation personnelle. Mme A... n'établit pas non plus que les services de la préfecture auraient refusé d'enregistrer sa demande de titre de séjour à la suite de son rendez-vous du 6 mars 2020. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10 ° de l'article L. 511-4 et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... était en France depuis seulement un an à la date de la décision attaquée. Elle n'apporte aucun élément quant aux risques qu'elle encourt en cas de retour dans son pays d'origine. Au regard de ce qui a été dit au point précédent, il n'est pas établi que Mme A... ne pourrait pas être prise en charge médicalement dans son pays d'origine. La requérante ne justifie pas d'attache familiale en France. Il s'ensuit que le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français et signalement dans le système d'information Schengen :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. ' (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code alors en vigueur : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office (...). L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. "
8. Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.
9. Mme A... soutient que sa présence en France ne représente pas une menace pour l'ordre public, que sa demande d'asile est en cours d'examen et qu'elle est gravement malade. Il ressort des termes même de l'arrêté que le préfet s'est fondé sur la durée de présence en France de la requérante, sur la circonstance qu'elle a sollicité son admission au titre de l'asile sans toutefois introduire de demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans un délai de vingt-et-un jours, et qu'elle n'a pas d'attaches familiales en France.
10. D'une part, il ressort de ce qui a été dit au point 4 que Mme A... ne justifie pas souffrir d'une pathologie qui empêcherait son éloignement dans son pays d'origine et il n'est pas démontré que le traitement qu'elle suit ne pourrait pas être poursuivi ou remplacé par un traitement équivalent en Géorgie. D'autre part, s'il n'est pas contesté que Mme A... ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'elle n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, laquelle n'aurait pas été exécutée, il était loisible au préfet, sur le fondement des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile d'interdire à Mme A... le retour sur le territoire pendant un an au regard de sa durée de présence sur le territoire et de la nature et de l'ancienneté de ses liens en France, sans méconnaître ces dispositions. En outre, le droit au maintien sur le territoire du demandeur d'asile est conditionné par l'introduction d'une demande complète auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans un délai de vingt-et-un jours en application de l'article R. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en se référant à cette circonstance, le préfet doit être regardé comme opposant à la requérante l'irrégularité de sa situation sur le territoire français, son attestation de demande d'asile ne lui donnant plus le droit de se maintenir en France. Le préfet pouvait par suite légalement lui opposer ce motif. Enfin, en se bornant à produire la preuve du dépôt de son recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile le 15 décembre 2020, sans apporter aucun élément sur les suites qui en ont été données depuis, la requérante ne justifie pas qu'une demande d'asile serait en cours d'instruction, faisant obstacle à ce qu'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français soit prononcée à son encontre. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
11. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point précédent, et eu égard à la situation particulière de Mme A..., les décisions attaquées ne sont pas entachées d'une erreur d'appréciation.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
12. La requérante reprend en appel le moyen qu'elle avait invoqué en première instance tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ce moyen à l'appui duquel la requérante ne présente aucun élément de fait ou de droit nouveau, par adoption de motifs retenus à juste titre par le premier juge.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Lambing, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2022.
La rapporteure,
Signé : S. LAMBING Le président,
Signé : J. MARTINEZ
La greffière,
Signé : C. SCHRAMM
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. SCHRAMM
2
N° 21NC01753