Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 août 2021, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. A... devant le tribunal administratif.
Elle soutient que
- M. A... n'a pas établi que son transfert en Roumanie l'exposerait à des traitements inhumains et dégradants ; il n'est pas non plus établi que la Roumanie ferait obstacle à ce qu'il dépose une demande de réexamen de sa demande de protection internationale en dépit du rejet de sa première demande et que le renvoi vers son pays d'origine serait inéluctable.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Jeannot, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que les moyens invoqués par la préfète du Bas-Rhin ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant afghan né le 1er juin 1988, est entré en France après avoir transité par la Bulgarie et la Roumanie, en vue de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. L'examen des empreintes digitales de l'intéressé a révélé que celles-ci avaient été enregistrées par les autorités bulgares et roumaines. Le 1er juillet 2021, une demande de reprise en charge a été adressée aux autorités roumaines lesquelles ont explicitement donné leur accord le 15 juillet 2021. Par un arrêté du 23 juillet 2021, la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin a ordonné la remise de M. A... aux autorités roumaines. Par un arrêté du même jour, la préfète l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. La préfète du Bas-Rhin relève appel du jugement du 12 août 2021 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé ces arrêtés.
Sur le moyen d'annulation retenu par le jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. (...) ". Aux termes de l'article 17 du même texte : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
3. M. A... a soutenu devant la première juge avoir subi des violences de la part des autorités roumaines et craindre subir de tels traitements en cas de retour dans ce pays. Si l'intéressé au cours de ses auditions devant l'administration a affirmé avoir fait l'objet de violences policières au cours de son voyage, il les a imputées à des agents bulgares et n'a jamais fait mention d'un séjour en Roumanie. S'il a affirmé avoir subi une fracture de la jambe et du crâne, il n'a pas imputé ces blessures à des violences policières. En tout état de cause, il ne saurait être sérieusement soutenu que les autorités de la Roumanie, Etat membre de l'Union européenne, auraient une politique systématique de tortures et de violences à l'égard des demandeurs d'asile. Par suite, M. A... ne justifie pas être exposé à de tels traitements en cas de transfert en Roumanie.
4. M. A... a également soutenu craindre d'être éloigné vers l'Afghanistan pour y subir des traitements inhumains et dégradants dès son retour en Roumanie, dès lors que sa demande d'asile dans ce pays a déjà fait l'objet d'un refus. Mais, l'arrêté attaqué a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Roumanie et non dans son pays d'origine. Si les autorités roumaines ont rejeté la demande d'asile présentée par M. A..., il ne ressort pas des pièces du dossier que cette circonstance ferait obstacle à ce que l'intéressé conteste, devant les juridictions roumaines compétentes, la légalité de cette décision d'éloignement, ni qu'il puisse demander auprès des autorités roumaines un nouvel examen de sa situation au regard du droit à l'asile, l'intéressé n'établissant ni que les autorités de cet Etat feraient structurellement ou systématiquement obstacle à l'enregistrement et au traitement d'une nouvelle demande d'asile, ni qu'une telle demande ne serait pas examinée par ces mêmes autorités dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités roumaines, qui ont d'ailleurs accepté la reprise en charge de M. A..., n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de l'intéressé, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour dans le pays dont il a la nationalité. Par suite, c'est à tort que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé, pour erreur manifeste d'appréciation, la décision de transfert et par voie de conséquence, l'arrêté d'assignation à résidence.
5. Il y a toutefois lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... en première instance.
Sur les moyens communs aux deux arrêtés :
6. Les arrêtés attaqués ont été signés par M. C... en vertu d'une délégation de signature de la préfète du Bas-Rhin du 8 février 2021, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les arrêtés attaqués ont été pris par une autorité incompétente.
7. Les arrêtés attaqués comportent l'énonciation des motifs de fait et de droit sur lesquels l'administration s'est fondée afin de prendre les décisions attaquées. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation seront écartés.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a pu s'expliquer au cours de la procédure administrative sur sa situation ainsi que son état de santé et exprimer son souhait de ne pas être éloigné vers la Roumanie. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne sera écarté.
Sur les moyens propres à l'arrêté de remise aux autorités roumaines :
9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre en langue pachto les éléments d'information requis par l'article 4 du règlement n° 604/2016/UE du 26 juin 2013 préalablement à l'arrêté de remise aux autorités roumaines. Par suite, le moyen invoqué de ce chef sera écarté.
10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a eu un entretien individuel avec un agent de la préfecture de Moselle le 22 juin 2021 avec l'assistance d'un interprétariat téléphonique en langue pachto. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2016/UE du 26 juin 2013 sera écarté.
11. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité préfectorale, se méprenant sur l'étendue de sa compétence, se serait refusée à examiner la situation personnelle de M. A.... Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit sera écarté.
Sur la légalité de l'assignation à résidence :
12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à invoquer par la voie de l'exception l'illégalité de la décision de remise aux autorités roumaines à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté d'assignation à résidence.
13. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Bas-Rhin est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé les arrêtés du 23 juillet 2021 par lesquels elle a décidé du transfert de M. A... en Roumanie et l'a assigné à résidence. Il y a lieu par suite d'annuler le jugement attaqué et de rejeter les demandes de M. A... présentées devant le tribunal administratif de Nancy.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, verse à l'avocat de M. A... une somme sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au titre des frais qu'il aurait exposés dans la présente instance s'il n'avait pas été admis à l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2102291 du tribunal administratif de Nancy du 12 août 2021 est annulé.
Article 2 : Les demandes de M. A... présentées devant le tribunal administratif de Nancy sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de M. A... tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
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N°21NC02314