Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 août 2019, M. A... C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er avril 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté du 1er avril 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision de refus de séjour :
- la décision méconnait les stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- la décision doit être annulée en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2021, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 décembre 2019.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988, tel que modifié par l'avenant du 19 décembre 1991, entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne en matière de séjour et de travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., né en 1982 et de nationalité tunisienne, est entré régulièrement en France en 2012. Après avoir sollicité un titre de séjour salarié, l'intéressé a fait l'objet d'un refus assorti d'une mesure d'éloignement le 14 mai 2012, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Strasbourg le 18 septembre 2012. Le 16 novembre 2017, M. C... a déposé une demande de titre de séjour en se prévalant de sa durée de séjour et son intégration. Par arrêté du 1er avril 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 11 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 1er avril 2019.
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Selon les stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".
3. M. C... se prévaut d'une présence en France depuis 2008 et des liens forts qu'il a avec sa soeur résidant en France, ainsi que de son intégration. Cependant, en se bornant à produire une carte de transport délivrée le 3 novembre 2011 et un certificat médical du 5 avril 2013, M. C... n'établit pas une présence continue en France antérieurement à 2014. Sa présence en France n'est dès lors établie que depuis quatre ans à la date de la décision attaquée. Il n'apporte en outre aucun élément quant à l'intensité de ses liens avec sa soeur demeurant en France. Il n'est par ailleurs pas dépourvu d'attaches familiales en Tunisie où résident ses parents et quatre autres membres de sa fratrie. En outre, M. C... est titulaire depuis 2009 d'une carte de séjour italienne régulièrement renouvelée jusqu'au 11 septembre 2020. L'intéressé a également obtenu la délivrance d'une carte d'identité italienne. Ces éléments tendent à démontrer qu'il disposait nécessairement d'attaches en Italie ayant justifié le renouvellement de son titre de séjour et la délivrance d'une carte d'identité. Dans ces conditions, le requérant n'établit pas que la décision attaquée porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée au but en vue duquel cette mesure a été édictée. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour (....) se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. ". Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 stipule que : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié ". Aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule (...) ".
5. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 31314 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord.
6. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
7. D'une part, comme s'en prévaut le ministre, à l'appui de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour du 14 novembre 2018, M. C... n'a sollicité la délivrance d'un titre de séjour que sur le fondement des stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code en se prévalant de sa situation de salarié. En application des principes rappelés aux points précédents, le préfet a, dans l'arrêté attaqué, régulièrement opposé à l'intéressé l'inapplicabilité des dispositions de l'article L. 313-14. En outre, M. C... n'ayant pas invoqué dans sa demande les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien, il ne peut utilement se prévaloir de leur méconnaissance.
8. D'autre part, il ressort des termes même de l'arrêté que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est motivée par la circonstance qu'aucune considération humanitaire ni aucun motif exceptionnel ne justifiait la délivrance à M. C... d'un titre de séjour en qualité de salarié. Elle trouve un fondement légal dans l'exercice par le préfet du pouvoir de régularisation discrétionnaire dont il dispose, ainsi qu'il a été dit au point 7. Il ressort des pièces du dossier que M. C... produit un contrat de travail conclu avec la société " Prestige coiffure " le 1er septembre 2014 pour un emploi en qualité de coiffeur à temps partiel à compter du 5 septembre 2014. Le préfet a relevé que M. C... exerçait cet emploi qu'à temps très partiel et qu'il n'établissait ni disposer d'une qualification particulière ni qu'il serait le seul à pouvoir l'occuper. Le requérant ne justifie pas de circonstances exceptionnelles ou humanitaires justifiant son admission exceptionnelle au séjour au titre d'un emploi par l'octroi d'un titre de séjour en qualité de salarié. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste en appréciant l'opportunité de la régularisation de sa situation administrative.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
9. Ainsi qu'il est dit au point précédent, le refus de délivrer un titre de séjour à M. C... n'est pas entaché d'illégalité. Le moyen, soulevé par voie d'exception, tiré de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit, par suite, être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
10. Le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français dirigé contre cette mesure ne peut être que rejeté eu égard à ce qui vient d'être jugé.
11. Il résulte de tout ce qui précède, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 19NC02595