Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 mai 2015, MmeB..., représentée par
MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1500076 du tribunal administratif de Besançon du
7 avril 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Territoire de Belfort du 5 janvier 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Territoire de Belfort, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, de réexaminer sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué, qui ne répond pas au moyen tiré de la méconnaissance, par l'obligation de quitter le territoire français, des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est entaché d'irrégularité ;
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est fondée sur une décision de refus de titre de séjour illégale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'erreur d'appréciation dès lors qu'elle ne présentait pas de risque de se soustraire à l'obligation de quitter le territoire, le préfet ne justifiant pas lui avoir notifié une précédente mesure d'éloignement et la famille étant dans l'attente de l'audience de la Cour nationale du droit d'asile concernant sa demande d'asile ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2015, le préfet du Territoire de Belfort conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 29 octobre 2015.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Di Candia.
1. Considérant que par arrêté du 5 janvier 2015, le préfet du Territoire de Belfort a rejeté la demande de titre de séjour présentée par MmeB..., de nationalité arménienne, lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ; que Mme B...relève appel du jugement du 7 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'il ressort des termes de la demande de première instance enregistrée au greffe du tribunal administratif de Besançon le 16 janvier 2015 que
Mme B...a soulevé un moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai prise à son encontre méconnaissait les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le tribunal n'a pas visé le moyen ainsi présenté et n'y a pas répondu ; que son jugement a, dès lors, été rendu dans des conditions irrégulières et doit, par suite être annulé ;
3. Considérant qu'il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Besançon ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
4. Considérant, en premier lieu, que la décision contestée comporte de manière suffisamment précise l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé ; qu'elle satisfait dès lors aux exigences de motivation de la loi du
11 juillet 1979 alors applicable à la date de la décision attaquée et dont les dispositions ont été reprises par le code des relations entre le public et l'administration ;
5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui "; qu'aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;
6. Considérant que si Mme B...fait valoir qu'elle a suivi un parcours scolaire assidu et sérieux et qu'elle a développé des liens stables et intenses avec des camarades de son âge, il ressort des pièces du dossier que ses parents et son frère font également l'objet d'une mesure d'éloignement ; que l'intéressée a vécu la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine où résident sa tante, son oncle ainsi que sa grand-mère et où elle n'établit pas être dépourvue de toute attache privée ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment du fait que Mme B...a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement par arrêté du 10 juillet 2013, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'enfin, le préfet du Territoire de Belfort n'a pas commis d'erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :
7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de séjour doit être écarté ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, il y a lieu d'écarter le moyen de Mme B...tiré ce que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) " ; qu'aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale (...) " ;
10. Considérant que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ayant statué sur la demande d'asile finalement le 4 novembre 2013 selon la procédure prioritaire, la requérante ne bénéficiait, en vertu de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du droit de se maintenir en France que jusqu'à la notification de cette décision ; que, si la saisine de la Cour nationale du droit d'asile n'a pas, en ce cas, de caractère suspensif, le droit à un recours effectif n'implique pas que l'étranger puisse se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision rendue par cette juridiction, devant laquelle, au demeurant, il est à même de faire valoir utilement l'ensemble de ses arguments dans le cadre d'une procédure écrite et dispose de la faculté de se faire représenter à l'audience par un conseil ou par toute autre personne ; qu'ainsi, la requérante n'est en tout état de cause pas fondée à se prévaloir de la violation des stipulations combinées des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
11. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement " ; que le préfet du Territoire de Belfort a pris à l'encontre de Mme B..., laquelle avait initialement renoncé à demander l'asile après avoir atteint l'âge de la majorité, un arrêté le 10 juillet 2013 portant refus de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ; que le préfet du Territoire de Belfort justifie avoir notifié cet arrêté, contrairement aux allégations de la requérante, le 19 juillet 2013 ; que Mme B...doit ainsi être regardée comme n'ayant pas déféré à l'exécution de cette précédente mesure d'éloignement au sens du 3° d) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à compter de la date à laquelle lui a été notifiée la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 avril 2014 et comme présentant ainsi un risque qu'elle se soustraie à nouveau à l'obligation qui lui est faite par l'arrêté attaqué de quitter le territoire ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que ce dernier texte stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
13. Considérant que Mme B..., dont la demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 avril 2014, soutient qu'elle encourt le risque de subir des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Arménie ; que, toutefois, elle n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle se trouverait personnellement exposée à un risque réel, direct et sérieux pour sa vie ou sa liberté en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 5 janvier 2015 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire et fixant le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
16. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l 'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
17. Considérant que l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de Mme B...une somme en application de ces dispositions ; que par suite, les conclusions de la requérante tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1500076 du tribunal administratif de Besançon du 7 avril 2015 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme B...devant le tribunal administratif de Besançon est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Territoire de Belfort.
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N°15NC00892