Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 septembre 2017, M. B... C..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Doubs du 23 décembre 2016 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays vers lequel il pourra être reconduit d'office ;
2°) d'annuler cet arrêté du 23 décembre 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui remettre une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours, ou tout du moins de réexaminer sa situation et de lui accorder une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à son bénéfice et une somme de 600 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard aux risques qu'il encourt en cas de retour dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2017, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 27 septembre 2017.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lambing.
1. Considérant que M.C..., né en 1976 de nationalité congolaise (République démocratique du Congo), serait entré irrégulièrement en France en octobre 2012 selon ses déclarations ; qu'il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 août 2013 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 25 septembre 2014 ; qu'il a déposé le 4 août 2014 une demande de titre de séjour en raison de son état de santé et a obtenu une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade ; qu'il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour le 23 septembre 2016 ; que par arrêté du 23 décembre 2016, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ; que M. C...relève appel du jugement du 16 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Doubs du 23 décembre 2016 ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ;
3. Considérant qu'il appartient au juge administratif d'apprécier, au vu des pièces du dossier, si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
4. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du certificat médical d'un psychiatre produit par le requérant, que M. C...souffre d'un syndrome post-traumatique et de délires psychotiques à la suite des événements qu'il dit avoir vécu dans son pays ; qu'il bénéficie d'un traitement médicamenteux, composé d'un neuroleptique de seconde génération (risperdal), d'un anxiolytique (lorazepam), d'un antipsychotique (tercian), d'un antiparkinsonien (lepticur) et d'un médicament limitant la sécrétion acide de l'estomac (omeprazole) ; que dans son avis rendu le 12 octobre 2016, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge médicale devant être poursuivie pendant une durée de douze mois, dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que le préfet du Doubs, qui n'était pas lié par cet avis, a refusé de délivrer le titre de séjour demandé par M. C...au motif qu'un traitement approprié à l'état de santé du requérant était en réalité disponible en République démocratique du Congo ;
6. Considérant que pour remettre en cause la présomption d'indisponibilité des soins en République démocratique du Congo résultant de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet du Doubs a produit, en première instance, deux courriels du conseiller santé du ministère de l'intérieur du 14 mars 2016 et de l'ambassade de France à Kinshasa du 19 novembre 2015 adressé à la préfecture de Côte d'Or ; qu'il est indiqué que la pathologie psychiatrique est prise en charge dans les grandes villes, des psychiatres consultant notamment dans des cabinets en libéral ; que pour la première fois en appel, le préfet produit un courriel du conseiller santé du ministère de l'intérieur du 15 novembre 2017, qui précise que les médicaments risperdal, lorazépam et oméprazole sont disponibles en République démocratique du Congo ; que le médicament tercian peut être selon lui remplacé par un médicament contenant la molécule chlorpromazine ayant les mêmes propriétés que la cyamémazine, composant le médicament prescrit à M.C... ; qu'il en est de même pour le lepticur, dont les propriétés de la tropatépine sont identiques à celles de molécules disponibles ; que les propositions de substitution ne sont pas contestées par le requérant ; que ces documents établissent que l'organisation du système de santé congolais permet de prendre en charge les pathologies mentales ;
7. Considérant que M. C...produit des articles de presse et une fiche de la commission européenne relative à son pays ; que ces documents généraux sont relatifs aux infrastructures médicales et aux épidémies, sans aucune précision quant à la prise en charge des maladies psychiatriques ; que le rapport de la Confédération suisse de décembre 2014 dont le requérant se prévaut, établit qu'en 2011, un traitement adéquat pour les troubles mentaux était disponible dans deux grandes villes de la République démocratique du Congo, Kinshasa qui dispose d'un centre neuro-psychopathologique et Matete ; que M. C...faisait état des problèmes liés à la disponibilité des médicaments tout en admettant qu'il existait des neuropsychiatres ; qu'il était précisé que les neuroleptiques atypiques de seconde génération étaient rarement disponibles ; qu'en appel, M. C... produit un certificat médical du département de psychiatrie de la faculté de médecine de Kinshasa du 10 juillet 2017, qui atteste de la prise en charge de l'intéressé au centre neuro-psychopathologique en décembre 2010 et des restrictions d'accès de son traitement actuel en raison de leur coût ;
8. Considérant que les éléments produits par le requérant ne remettent pas en cause les pièces produites par le préfet, attestant de l'existence de structures adaptées et de la disponibilité de traitements, corroborées par la circonstance que le requérant a été effectivement pris en charge par le centre neuro-psychopathologique de Kinshasa en 2010, où il résidait, référencé comme une structure délivrant un traitement adéquat pour les troubles mentaux ; que la disponibilité de son traitement médicamenteux actuel ou de molécules aux propriétés équivalentes n'est pas sérieusement remise en cause ; que, dans ces conditions, le préfet doit être regardé comme apportant des éléments suffisants pour considérer que les structures permettant la prise en charge des pathologies dont souffre M. C...existent en République démocratique du Congo et que le traitement médicamenteux dont il a besoin y est également disponible ; que par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
9. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que ce dernier texte énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;
10. Considérant que M. C...soutient qu'en raison de son appartenance à l'Eglise armée, il a été pris à partie par la police en 2006 et qu'il a quitté son pays après avoir appris les violences subies par son beau-père et sa femme ; que par ses seules allégations, l'intéressé ne justifie pas de l'existence de risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour dans le pays dont il possède la nationalité, alors qu'au demeurant sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 août 2013 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 25 septembre 2014 ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Doubs du 23 décembre 2016 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays vers lequel il pourra être reconduit d'office ; qu'il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 17NC02350