Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 juin 2017, la SAS Ets Pagot Caput, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1401556 du tribunal administratif de Besançon du 11 avril 2017 en tant qu'il a par son article 2 rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010, et des majorations correspondantes, qui ont été maintenues à sa charge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- dans sa proposition de rectification du 13 juin 2013, qui portait sur les exercices clos en 2010 et en 2011, l'administration a remis en cause des provisions pour dépréciation du stock de matériel comptabilisées à la clôture de ces exercices pour les montants respectifs de 604 061 euros et de 563 395 euros au motif qu'elle aurait réalisé une marge brute positive sur la vente des biens d'occasion ; elle a sollicité une prorogation du délai pour formuler des observations à cette proposition de rectification ; ses observations ont été formulées dans le délai de soixante jours, par un courrier du 9 août 2013 ; dans ce courrier, elle a contesté l'analyse de l'administration au motif qu'elle ne portait que sur 7 véhicules alors que son stock était composé de 249 véhicules en 2010 et de 234 véhicules en 2011 ; elle a annexé à ce courrier des pièces démontrant qu'elle avait réalisé une perte de 197 796 euros pour les véhicules dépréciés à la clôture de l'exercice 2010 et de 261 154 euros à la clôture de l'exercice suivant ; or, dans sa réponse aux observations du contribuable du 27 septembre 2013, l'administration s'est contentée de rejeter ses arguments sans motivation ; ainsi, la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité ;
- l'administration a appliqué la correction symétrique pour les rappels effectués au titre des années 2010 et 2011 et la règle de l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit ; la requérante entend se prévaloir du 2ème alinéa du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts qui dispose que cette règle ne s'applique pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit ; en l'espèce, l'administration lui a opposé les rectifications qu'elle avait opérées dans le cadre d'une proposition de rectification du 27 octobre 2004 et qui portaient également sur la dépréciation du matériel d'occasion à la clôture de l'exercice 2002 qu'elle avait évaluée à 560 004 euros ; la requérante justifie par les pièces produites que l'erreur comptable qui lui est reprochée par l'administration est intervenue plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit, en l'occurrence le bilan ouvert le 1er octobre 2008 ; par conséquent, l'application de la correction symétrique des bilans doit conduire à la décharge des rappels litigieux ;
- le stock de véhicules déprécié à la clôture de chaque exercice correspond aux véhicules qu'elle a repris au cours de l'année à ses clients, en contrepartie de la vente de véhicules neufs ; chaque véhicule repris présente des caractéristiques techniques, d'usure et de vétusté qui lui sont propres ; par conséquent, elle est dans l'impossibilité d'établir une grille de dépréciation des véhicules en fonction des données passées ; seules les connaissances techniques de son personnel permettent d'établir une valorisation de chaque véhicule ; néanmoins, elle a construit une méthode de dépréciation au fil des années qui combine deux méthodes de dépréciation, l'une fondée sur l'âge du véhicule, l'autre sur la durée de stockage ; la première est fondée sur l'application d'un coefficient de dépréciation variant de 4,95 % à 99 % en fonction de l'âge du véhicule et est appliquée à hauteur de 64 % de la valeur de reprise du véhicule d'occasion ; la seconde méthode repose sur l'application d'un coefficient de dépréciation variant de 2,75 % à 99 % en fonction de la durée de stockage du véhicule et compte pour 36 % de la valeur de reprise du véhicule d'occasion ; ainsi sa méthode d'évaluation est fiable ; à titre subsidiaire, elle a démontré que la dépréciation effective du stock s'élevait à 140 984,47 euros en 2009 et à 125 623 euros en 2010.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dhers,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
1. Considérant que la société par actions simplifiée (SAS) Ets Pagot Caput, qui exerce une activité de négoce de matériels et véhicules agricoles, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 3 septembre 2012 au 3 juin 2013, portant sur les exercices clos le 30 septembre des années 2009 à 2011, à l'issue de laquelle l'administration a procédé à des rappels d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009 et en 2010 ; que la société requérante a demandé la décharge partielle de ces rappels au tribunal administratif de Besançon, qui, par un jugement du 11 avril 2017 a prononcé un non-lieu à statuer partiel à hauteur du dégrèvement accordé en cours d'instance et a rejeté le surplus de la demande ; que la société requérante relève appel dudit jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions à fin de décharge, lesquelles, comme l'indique le ministre, doivent être regardées comme dirigées exclusivement contre les rappels d'impôt assignés au titre des années 2009 et 2010 ;
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 11 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " A moins qu'un délai plus long ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification " ; qu'aux termes de l'article L. 57 du même livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article " ;
3. Considérant que dans sa proposition de rectification du 13 juin 2013, relative notamment à l'exercice clos en 2010, l'administration a remis en cause une provision pour dépréciation du stock de matériel d'occasion comptabilisée par la SAS Ets Pagot Caput à la clôture de cet exercice, au motif que la société requérante avait réalisé des marges brutes positives sur les ventes de ce type de biens ; que la SAS Ets Pagot Caput soutient qu'elle a sollicité une prorogation du délai pour formuler ses observations à la proposition de rectification ; qu'elle précise que, dans ses observations adressées à l'administration le 9 août 2013, elle a contesté le rappel fondé sur la remise en cause de la provision précitée au motif que l'analyse effectuée par la vérificatrice ne portait que sur 7 véhicules, alors que son stock était composé de 249 véhicules en 2010 et qu'elle avait annexé à son courrier du 9 août 2013 des documents démontrant qu'elle avait réalisé une perte de 197 796 euros pour les véhicules dépréciés à la clôture de l'exercice 2010 ; que la SAS Ets Pagot Caput fait valoir que la réponse aux observations du contribuable du 27 septembre 2013 est insuffisamment motivée sur ce point, ce qui rend la procédure d'imposition irrégulière ;
4. Considérant qu'à supposer même que la SAS Ets Pagot Caput ait formulé des observations dans les délais impartis par les dispositions précitées du livre des procédures fiscales, il est constant que l'administration a indiqué, dans sa réponse aux observations du contribuable du 27 septembre 2013, que la vérificatrice avait constaté, après avoir mené une étude exhaustive, que les ventes de matériels d'occasion avaient généré des " marges bénéficiaires " et que la " contre-étude de marge " proposée par la société confortait le caractère trop imprécis des provisions constituées à la clôture de l'exercice en litige ; que, dès lors, et en tout état de cause, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la réponse aux observations du contribuable du 27 septembre 2013 sur le point litigieux ne peut qu'être écarté ;
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
5. Considérant que l'administration a réintégré dans le résultat imposable de l'exercice clos en 2009 la provision pour dépréciation des stocks de matériels d'occasion comptabilisée à hauteur de 566 921 euros à la clôture de cet exercice, et la somme de 37 140 euros inscrite en charges à la clôture de l'exercice suivant et qui correspond à l'augmentation de la dotation complémentaire de la provision ; que l'administration a, en substance, estimé que ces provisions n'étaient pas justifiées au motif que l'activité de vente de matériels d'occasion avait généré des bénéfices au cours des exercices concernés ;
6. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : "1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, une erreur ou omission affectant l'évaluation d'un élément quelconque du bilan d'un des exercices non prescrits peut, si elle a été commise au cours d'un exercice clos plus de sept ans avant l'ouverture du premier des exercices non prescrits, être corrigée de manière symétrique dans les bilans de clôture et d'ouverture des exercices non prescrits, y compris dans le bilan d'ouverture du premier d'entre eux ;
7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôts sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise ne peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle qu'à la condition, notamment, que ces pertes ou charges apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice ; que, dès lors, l'inscription non justifiée en provision d'une somme pendant plusieurs exercices successifs, même si les montants sont identiques, constitue la répétition d'une erreur ; que, par suite, cette erreur, même lorsqu'elle a été commise pour la première fois au cours d'un exercice clos plus de sept ans avant l'ouverture du premier des exercices non prescrits, ne peut être corrigée dans le bilan d'ouverture du premier de ces exercices ;
8. Considérant que l'administration a remis en cause la déduction de provisions pour dépréciation du stock de matériel d'occasion comptabilisées par la SAS Ets Pagot Caput à la clôture de l'exercice 2010, ainsi qu'il a été dit ci-dessus ; que la société requérante soutient que l'erreur comptable qui lui est reprochée par l'administration est intervenue plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit, en l'occurrence le bilan ouvert le 1er octobre 2008 et que, par conséquent, cette erreur ne saurait, en application des dispositions précitées du deuxième alinéa du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, être corrigée par l'administration fiscale ; que, toutefois, pour les motifs qui viennent d'être exposés au point précédent, la SAS Ets Pagot Caput ne peut utilement se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa du 4 bis de l'article 38, dès lors que l'erreur tenant à la déduction de la provision litigieuse, à supposer même qu'elle soit intervenue la première fois plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit, a été répétée à la clôture de tous les exercices suivants ;
9. Considérant, en second lieu, que les dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts sont applicables aux sociétés en vertu de l'article 209 du même code ; qu'aux termes du 3 de l'article 38, également applicable aux sociétés en vertu de l'article 209 précité : " (...) les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsqu'une entreprise constate que l'ensemble des matières ou produits qu'elle possède en stock ou une catégorie déterminée d'entre eux a, à la date de clôture de l'exercice, une valeur probable de réalisation inférieure au prix de revient, elle est en droit de constituer, à concurrence de l'écart constaté, une provision pour dépréciation si elle est en mesure de justifier de la réalité de cet écart et d'en déterminer le montant avec une approximation suffisante ;
10. Considérant que la société requérante fait valoir que, contrairement à ce que soutient l'administration, elle n'a pas réalisé des bénéfices lors de la revente des matériels d'occasion pour lesquels elle a constitué des provisions pour dépréciation ; que la société requérante produit deux tableaux, pour les exercices clos en 2009 et en 2010, desquels il ressortirait, selon elle, que cette activité aurait été déficitaire ; que, toutefois, ces tableaux sont dépourvus de toute fiabilité, dès lors que s'ils tiennent compte du prix de revente de chacun des biens d'occasion cédés au cours des exercices en litige, ils tiennent également compte du prix de revient de l'ensemble des biens stockés et, par conséquent, de celui des biens qui n'ont pas été revendus au cours des exercices en cause ; que la SAS Ets Pagot Caput ne justifie pas de la pertinence des coefficients de dépréciation qu'elle a appliqués ; qu'en outre, les tableaux en cause ont été établis à partir de données qui sont postérieures à la clôture des exercices en litige et s'agissant de l'exercice clos en 2009, la méthode de calcul retenue par la société requérante aboutit néanmoins à un résultat positif de 48 097,39 euros ; que si la SAS Ets Pagot Caput soutient, à titre subsidiaire, qu'elle était en droit de constituer des provisions de 140 984,47 euros à la clôture de l'exercice 2009 et de 125 623 euros à la clôture de l'exercice suivant, elle n'établit pas le bien-fondé de ces montants en se bornant à se référer aux tableaux précités ; que, par suite, le moyen ne peut qu'être écarté ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS Ets Pagot Caput n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions présentées par la SAS Ets Pagot Caput au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Ets Pagot Caput est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Ets Pagot Caput et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 17NC01360