Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2017, M.C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour, sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou sur celui de l'article L. 313-14 de ce code, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'auteur de l'arrêté était incompétent pour l'édicter ;
- il est insuffisamment motivé ;
- le préfet de la Marne n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- l'arrêté contesté est contraire aux stipulations de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- aucune décision relative à sa demande d'autorisation de travail ne lui a été notifiée ; par conséquent, les dispositions de l'article R. 5221-17 du code du travail ont été méconnues ;
- l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi n'est pas motivé au regard des critères prévus par l'article R. 5221-20 du code du travail ;
- le préfet de la Marne s'est cru lié par cet avis ;
- les organisations syndicales n'ont pas été consultées ;
- l'arrêté contesté est contraire aux dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le métier envisagé figure dans la liste en annexe de l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux ressortissants des Etats de l'Union européenne soumis à des dispositions transitoires ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2018, le préfet de la Marne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 26 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs du préfet, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;
- l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;
- l'arrêté du 1er octobre 2012 modifiant l'annexe de l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux ressortissants des Etats de l'Union européenne soumis à des dispositions transitoires ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D...Dhers a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.C..., ressortissant kosovar né le 4 avril 1985, a déclaré être entré en France le 12 février 2015 ; qu'il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 novembre 2015, devenue définitive ; que, par un arrêté du 21 janvier 2016, le préfet de la Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination ; que le 1er novembre 2016, M. C...a demandé au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié ; que, par un arrêté du 21 décembre 2016, le préfet de la Marne lui a refusé la délivrance d'un tel titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination ; que le requérant relève appel du jugement du 6 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté a été signé par M. Denis Gaudin, secrétaire général de la préfecture de la Marne, qui disposait, en vertu d'un arrêté du préfet de la Marne du 18 juillet 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, d'une délégation à l'effet de signer tous arrêtés ou décisions relevant de la compétence de l'Etat dans le département à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions en matière de police des étrangers ; que cette délégation n'était ni générale ni absolue ; qu'en outre, les dispositions des articles 11-1 et 43 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs du préfet, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements permettaient légalement au préfet de la Marne de donner délégation au secrétaire général de la préfecture à l'effet de signer des décisions relevant de la police des étrangers sans que cette possibilité de délégation soit subordonnée à l'existence d'une disposition en ce sens dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'enfin, la circonstance que la décision contestée soit intervenue sur proposition du secrétaire général de la préfecture demeure sans incidence sur l'exercice par le préfet de sa propre compétence ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté contesté comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que M. C...n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'il est entaché d'un défaut de motivation ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Marne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C...avant d'édicter la décision attaquée ;
5. Considérant, en quatrième lieu, que si, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. Ce droit comporte notamment : - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union ; qu'ainsi, le moyen, tel qu'il est articulé, tiré de sa violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant ;
6. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié " (...) L'étranger se voit délivrer l'une des cartes prévues aux 1° ou 2° du présent article sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement de l'article L. 5221-2 du code du travail lorsque sa demande concerne un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 5221-15 du code du travail : " Lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national, la demande d'autorisation de travail (...) est adressée au préfet de son département de résidence. " ; qu'aux termes de l'article R. 5221-17 de ce code : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail (...) est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger. " ; qu'aux termes de l'article R. 5221-20 du même code : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221 11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 5221-21 de ce code : " Les éléments d'appréciation mentionnés au 1° de l'article R. 5221-20 ne sont pas opposables lorsque la demande d'autorisation de travail est présentée au bénéfice de : 1° L'étranger visé à l'article L. 121-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou au sixième alinéa de l'article L. 313-10 du même code lorsque l'emploi sollicité figure sur l'une des listes visées par ces dispositions (...) " ;
7. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit l'obligation pour le préfet de solliciter l'avis du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi avant de statuer sur la demande présentée par un ressortissant étranger de délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ; que si les dispositions précitées de l'article R. 5221-17 du code du travail font obligation au préfet de notifier la décision relative à la demande d'autorisation de travail à l'employeur qui a fait la demande et à l'étranger, cette obligation ne s'applique qu'à la décision prise sur la demande d'autorisation de travail et non à l'avis éventuellement émis par le DIRECCTE dans le cadre de l'instruction de la demande présentée par l'étranger pour la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ; que, par suite, le moyen tiré du vice de procédure en raison de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 5221-17 du code du travail faute de notification de l'avis susmentionné est inopérant à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour ;
8. Considérant, en sixième lieu, qu'il ne ressort en tout état de cause pas des pièces du dossier que le préfet de la Marne se serait estimé lié par l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;
9. Considérant, en septième lieu, que les conditions de notification d'une décision de refus d'autorisation de travail n'ont d'incidence que sur les voies et délais de recours contentieux devant le juge de l'excès de pouvoir ; que, par suite, si M. C...a entendu soulever le moyen tiré de ce que la décision de refus d'autorisation de travail ne lui aurait pas été notifiée, un tel moyen ne peut qu'être écarté ;
10. Considérant, en huitième lieu, que M.C..., de nationalité kosovare, ne peut utilement se prévaloir de l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux ressortissants des Etats de l'Union européenne soumis à des dispositions transitoires, dès lors qu'il ne relève pas du champ d'application personnel de ce texte ;
11. Considérant, en neuvième lieu, que l'emploi de chef de rang dans le domaine de la restauration ne figure pas parmi les métiers en tension prévu par l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, lequel, contrairement à ce que soutient le requérant, a été pris après consultation des organisations syndicales représentatives d'employeurs et de salariés ; que, par suite, le préfet de la Marne n'a pas commis d'erreur de droit en opposant au requérant la situation de l'emploi au regard de cet arrêté ;
12. Considérant, en dixième lieu, que le préfet de la Marne a refusé de délivrer un titre de séjour en qualité de salarié à M. C...au motif que la situation de l'emploi dans la profession de chef de rang dans le secteur de la restauration, que le requérant se propose d'exercer, ne permet pas d'envisager une nouvelle admission sur le marché du travail dans le département de la Marne et dans la région Grand Est, où 262 et 2 872 demandes d'emploi ont été respectivement présentées pour 124 et 1 252 offres d'emploi ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Marne aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-10 de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
13. Considérant, en onzième lieu, que si M. C...a entendu soutenir que le préfet de la Marne a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle au motif qu'il est menacé au Kosovo, il n'établit pas l'existence de menaces dont il ferait personnellement l'objet dans son pays d'origine, alors qu'au demeurant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile par décision du 16 novembre 2015, devenue définitive ;
14. Considérant, enfin, que si M. C...a entendu faire valoir que le préfet de la Marne a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un tel moyen ne peut être écarté pour l'ensemble des motifs exposés ci-dessus ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 17NC02688