Par une requête, enregistrée le 26 mars 2018, Mme C... E...D..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2017 par lequel le préfet de la a refusé de lui délivrer une carte de résident en qualité de réfugiée et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ;
2°) d'annuler cet arrêté du 13 novembre 2017 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer une carte de résident en qualité de réfugiée et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sous astreinte de cent euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal s'est fondé à tort sur le mémoire en défense produit le 21 septembre 2017 dont il n'est pas établi que le signataire avait qualité pour ester en justice au nom du préfet.
Sur la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :
- l'arrêté est entaché de vices d'incompétence ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- le préfet de la Marne a méconnu son droit d'être entendu garanti par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Sur la légalité du refus de séjour :
- il n'a pas été procédé à un examen complet de sa situation ;
- le préfet s'est à tort considéré en situation de compétence liée en lui refusant d'accorder un titre de séjour ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation et une erreur de droit au regard des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité du pays de destination :
- le préfet a commis une erreur de droit au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2018, le préfet de la Marne conclut au rejet de la requête.
Il soutient les moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 février 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Par lettre du 27 août 2018, la cour a informé les parties de ce qu'en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, la décision était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre l'article 1er de l'arrêté attaqué qui n'est pas décisoire.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lambing.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., née en 1993 de nationalité guinéenne, serait entrée irrégulièrement en France le 7 septembre 2016 selon ses déclarations. Elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 7 juin 2017 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 15 septembre 2017. Par arrêté du 13 novembre 2017, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer une carte de résident en qualité de réfugiée et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine. Mme D... relève appel du jugement du 21 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 13 novembre 2017.
Sur la régularité du jugement :
2. Par arrêté du 27 octobre 2017 régulièrement publié au recueil des actes administratifs le 31 octobre 2017, M. Gaudin, secrétaire général de la préfecture de la Marne était titulaire, à la date de la production du mémoire en défense enregistré auprès du tribunal administratif le 16 décembre 2017, d'une délégation de signature du préfet de la Marne afin de signer les mémoires en défense. Dès lors, il n'y avait pas lieu d'écarter ledit mémoire des débats. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être par suite écarté.
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté contesté en tant qu'il constate la perte du droit de se maintenir sur le territoire :
3. D'une part, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : 1° L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris une décision d'irrecevabilité en application des 1° ou 2° de l'article L. 723-11 ; (...) 4° L'étranger n'a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 723-11, qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement ; 5° L'étranger présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen(...) ". Aux termes de l'article L. 743-3 du même code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI. ".
5. Enfin les dispositions du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers fixent le régime contentieux particulier applicable aux obligations de quitter le territoire qui peuvent être décidées à l'encontre des étrangers visés dans les cas énumérés aux 1°, 2°, 4° et 6° du I précité de l'article L. 511-1 du même code et dont l'intervention n'est pas subordonnée à l'intervention préalable d'une décision statuant sur le droit au séjour des intéressés.
6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, dans le cas particulier prévu au 6° mentionné ci-dessus, une obligation de quitter le territoire français peut être décidée à l'encontre d'un étranger dont la demande d'asile a été définitivement rejetée, sans que le préfet ait nécessairement à refuser explicitement, dans le même arrêté, l'attribution à l'intéressé de la carte de résident prévue pour les réfugiés au 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de la carte de séjour temporaire prévue pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire à l'article L. 313-13 du même code. De même, une telle obligation de quitter le territoire peut être décidée à l'encontre de l'étranger demandeur d'asile qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir en cette qualité sur le territoire en application de l'article L. 743-2 de ce code, sans que figure nécessairement dans le même arrêté la décision par laquelle le préfet tire, le cas échéant, les conséquences de ce constat en refusant de délivrer à l'intéressé l'attestation de demande d'asile prévue à l'article L. 743-1, en retirant cette dernière ou en lui en refusant le renouvellement.
7. Lorsque le préfet se borne dans l'arrêté obligeant un étranger demandeur d'asile à quitter le territoire français, y compris dans le dispositif de cet arrêté, à constater au préalable que l'intéressé s'étant vu refuser le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire ou se trouvant dans l'un des cas énumérés à l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne dispose donc plus du droit de se maintenir sur le territoire français, une telle constatation qui ne traduit que l'appréciation, par le préfet, de la réunion des conditions prévues par les dispositions applicables pour décider une obligation de quitter le territoire français, ne revêt en elle-même aucun caractère décisoire et n'est donc pas susceptible de faire l'objet de conclusions tendant à son annulation indépendamment de l'obligation de quitter le territoire français qui en procède. Il appartient, par suite, au juge administratif, s'il est saisi de conclusions dirigées contre l'arrêté préfectoral portant obligation de quitter le territoire français en tant qu'il formaliserait une telle constatation, de les déclarer irrecevables et de regarder les moyens dont elles sont assorties comme dirigées contre l'obligation de quitter le territoire elle-même.
8. Il est constant qu'après avoir relevé que Mme D...n'avait pu obtenir le statut de réfugiée ou le bénéfice de la protection subsidiaire et que la décision de la Cour nationale du droit d'asile avait été notifiée à l'intéressée le 12 octobre 2017, le préfet de la Marne s'est borné, dans l'article 1er de l'arrêté contesté, à constater que Mme D...ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français. Le préfet n'a donc pas, ce faisant, pris une décision susceptible de recours pour excès de pouvoir distincte de l'obligation de quitter le territoire français qui a procédé de cette constatation et que, par suite, les conclusions dirigées contre une telle constatation n'étaient pas recevables. Mme D...n'est donc pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne les a rejetées.
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté contesté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu la requérante soutient que la décision contestée est signée par une autorité incompétente, M. Gaudin, secrétaire général de la préfecture de la Marne. Ce dernier était titulaire, à la date de la décision attaquée, d'une délégation de signature du préfet de la Marne par arrêté du 27 octobre 2017, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs le 31 octobre 2017. Contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet pouvait, en vertu des dispositions de l'article 43 du décret du 29 avril 2004 susvisé, donner délégation au secrétaire général de la préfecture pour signer la décision attaquée. D'autre part, les dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettent au préfet de déléguer sa signature, dans certaines conditions, à un fonctionnaire de police n'interdisaient pas au préfet de la Marne de déléguer sa signature au secrétaire général de la préfecture dans les conditions du droit commun. Mme D...n'est ainsi pas davantage fondée à soutenir que la délégation accordée à M. Gaudin, qui n'est pas un fonctionnaire de police, l'aurait été en méconnaissance des dispositions de l'article R. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, la circonstance que la décision attaquée soit intervenue sur proposition du secrétaire général de la préfecture demeure sans incidence sur l'exercice par le préfet de sa propre compétence.
10. En deuxième lieu, la décision attaquée comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Le préfet qui n'avait pas à reprendre l'ensemble des éléments relatifs à la situation de la requérante, a suffisamment motivé sa décision qui mentionne bien, contrairement à ce que prétend MmeD..., tant le fondement légal de l'obligation de quitter le territoire français que le pays à destination duquel cette mesure d'éloignement sera exécutée. Il ne ressort pas des pièces du dossier notamment des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet de la Marne se soit abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de la requérante.
11. En troisième lieu, Mme D...ne saurait utilement se prévaloir directement des dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, lesquelles s'adressent non pas aux Etats membres, mais uniquement aux institutions, aux organes et aux organismes de l'Union.
12. En quatrième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté que le préfet a examiné si Mme D...était exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Le moyen tiré de ce que le préfet se serait à tort cru en compétence liée en raison des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile doit être écarté.
13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
14. Mme D...soutient que son frère est en situation régulière en France ainsi que les autres membres de sa famille. Si Mme D...produit un certificat de scolarité pour l'année 2017-2018 en première année de brevet de technicien supérieur en tourisme, l'intéressée n'est présente en France que depuis quatorze mois à la date de la décision attaquée. La requérante produit la carte nationale d'identité de M. B...D..., qui l'héberge, dont au demeurant il n'est pas établi qu'il s'agit bien de son frère. Mme D...ne justifie pas de la présence régulière sur le territoire français de membres de sa famille. Dans les circonstances de l'espèce, et eu égard tant à la durée qu'aux conditions de séjour en France de l'intéressée, le préfet n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la décision attaquée serait, au cas particulier, entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante.
15. En sixième lieu, Mme D...se prévaut de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au motif qu'elle ne pourra se marier librement en cas de retour dans son pays d'origine et sera victime de violences sexuelles. Ces circonstances sont sans incidence sur la légalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français compte tenu des effets de cette mesure qui ne fixe pas le pays vers lequel la requérante sera reconduite.
Sur les conclusions relatives à la décision fixant le pays de destination :
16. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
17. D'une part, la circonstance que la Guinée ne figure pas sur la liste des pays dits sûrs établie par le conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 1er octobre 2015 est sans incidence sur la légalité de la décision contestée qui est sans relation avec une telle inscription.
18. D'autre part, si Mme D...soutient qu'elle encourt des risques pour son intégrité physique en cas de retour en Guinée, elle n'établit pas le caractère réel, personnel et actuel des risques allégués. Par suite, et alors au demeurant que sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 15 septembre 2017, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
19. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E...D...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 18NC01005