Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 juin 2017, M. et MmeD..., représentés par
MeC..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces arrêtés ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de la Moselle de leur délivrer un titre de séjour dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au préfet de la Moselle de réexaminer leur situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
S'agissant des décisions de refus de séjour :
- le préfet de la Moselle a estimé à tort qu'il était lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;
- s'agissant de MmeD..., le préfet de la Moselle a méconnu les dispositions du
11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- s'agissant de M.D..., le préfet de la Moselle a, par voie de conséquence, méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant des décisions obligeant M. et Mme D...à quitter le territoire français :
- l'illégalité des refus de séjour prive de base légale les obligations de quitter le territoire français ;
- en ce qui concerne MmeD..., le préfet de la Moselle a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant des décisions leur accordant un délai de départ volontaire de trente jours :
- ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ;
S'agissant des décisions fixant le pays de destination :
- elles sont insuffisamment motivées ;
- elles sont contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2018, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 29 mai 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dhers,
- et les observations de MeA..., substituant MeC..., représentant M. et
MmeD....
1. Considérant que M. et MmeD..., ressortissants de Bosnie-Herzégovine nés respectivement les 28 janvier 1983 et 11 décembre 1987, ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 16 novembre 2016 par lesquels le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de renvoi ; que, par un jugement du
9 mars 2017 le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes ; qu'ils relèvent régulièrement appel de ce jugement ;
Sur les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle se serait estimé lié par l'avis rendu le 27 octobre 2016 par le médecin de l'agence régionale de santé sur la demande de titre de séjour présentée par MmeD... ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;
4. Considérant que pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité par
Mme D...sur le fondement des dispositions précitées, le préfet de la Moselle s'est notamment fondé sur l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, du 27 octobre 2016, qui a estimé que si l'état de santé de la requérante nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, Mme D...était toutefois en mesure de bénéficier d'un traitement approprié en Bosnie-Herzégovine et de voyager sans risque vers son pays d'origine ; que la requérante soutient qu'elle souffre d'une dépression et d'un stress post-traumatique et que les médicaments Prazepam et Zopiclone lui sont indispensables ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un courrier électronique du conseiller santé auprès de la direction générale des étrangers en France au ministère de l'intérieur, que le Prazepam est disponible en Bosnie-Herzégovine et que des médicaments dérivés des benzodiazépines, qui sont apparentés au Zopiclone, le sont également ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer un titre de séjour pour raisons de santé à Mme D...doit être écarté ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;
6. Considérant que M. D...fait valoir que l'état de santé de son épouse justifiait qu'il lui soit délivré un titre de séjour et que, par voie de conséquence, le préfet de la Moselle a méconnu les dispositions précitées en ce qui le concerne ; que, pour les motifs exposés au point 4, un tel moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur les décisions obligeant M. et Mme D...à quitter le territoire français :
7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...)10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) " ; que, pour les motifs exposés au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, évoqué par MmeD..., doit être écarté ;
8. Considérant, en second lieu, que les moyens dirigés contre les décisions portant refus de séjour ayant été écartés, le moyen tiré par la voie de l'exception de l'illégalité de ces décisions ne peut qu'être écarté par voie de conséquence ;
Sur les décisions fixant à trente jours le délai de départ volontaire :
9. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de
Mme D...nécessitait un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;
Sur les décisions fixant le pays de renvoi :
10. Considérant, en premier lieu, que les arrêtés attaqués, en ce qu'ils fixent le pays à destination duquel M. et Mme D...pourront être renvoyés, comportent les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de leur insuffisance de motivation doit être écarté ;
11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
12. Considérant que si M. et Mme D...soutiennent qu'ils sont menacés dans leur pays d'origine, les requérants, dont les demandes d'asile ont, au demeurant, été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile les 17 février 2016 et 5 août 2016, n'apportent aucune précision dans leur requête sur la nature des menaces dont ils feraient l'objet en Bosnie-Herzégovine ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction au besoin sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B...D..., à Mme E...D...née F...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 17NC01518