Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 décembre 2018, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 octobre 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 5 avril 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision de refus de titre de séjour :
- la procédure suivie est irrégulière ; le nom du médecin instructeur n'est pas indiqué ; le préfet n'établit pas que ce dernier n'a pas siégé au sein du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ; le caractère collégial de l'avis rendu n'est pas établi en l'absence d'indications relatives à la date de la délibération et la forme qu'elle a revêtue ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il souffre d'un syndrome de stress post-traumatique lié aux événements traumatisants vécus dans son pays d'origine et le défaut de soins entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; il bénéficie en France d'une prise en charge médico-psychologique ainsi que d'un traitement médicamenteux ; il doit être suivi en France compte tenu de l'importance du lien thérapeutique créé avec son médecin ; il ne peut se confronter aux lieux de ses traumatismes, sous peine d'une aggravation de son état de santé, quels que soient les soins disponibles au Congo ; le traitement médicamenteux qui lui est prescrit n'y est pas disponible ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée pour prononcer ladite décision ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile ;
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il suit une psychothérapie en France ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2019, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A...n'est fondé.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 18 décembre 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bauer.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant congolais (Congo Brazzavile), né le 6 juin 1986, est entré en France irrégulièrement le 5 mars 2014 pour solliciter l'octroi du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 13 mai 2015, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 2 mars 2016. Parallèlement, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé le 1er juin 2015. Par arrêté du 29 avril 2016, le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. M. A...a réitéré sa demande de titre de séjour sur ce fondement le 12 juin 2017. Par arrêté du 5 avril 2018, à la suite de l'avis négatif émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A...relève appel du jugement du 3 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention 'vie privée et familiale' est délivrée de plein droit :(...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...) ". Aux termes de l'article 5 de cet arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) ". Aux termes de l'article 6 de cet arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure (...) ".
3. En premier lieu, d'une part, le préfet de la Moselle qui pouvait, dans le respect du secret médical, obtenir auprès des services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration l'indication du nom du médecin auteur du rapport médical sur l'état de santé de M.A..., a indiqué au cours de l'instruction que ce dernier avait été établi le 8 décembre 2017 par le DrD.... Il est constant que ce dernier n'a pas siégé au sein du collège de médecins ayant rendu l'avis litigieux du 12 février 2018 composé des Drs Benazouz, Sahrane et Mbomeyo, régulièrement désignés à cette fin par décision du 1er février 2018 du directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
4. D'autre part, aucune des dispositions précitées n'impose que l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration précise la forme prise par la réunion ou conférence des médecins siégeant au collège, ni la date de la délibération au cours de laquelle est émis l'avis en cause, sans que ne puisse en être inférée la méconnaissance du caractère collégial de ladite délibération.
5. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du caractère irrégulier de la procédure suivie doit être écarté.
6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que pour refuser à M. A...la délivrance du titre de séjour sollicité, le préfet s'est principalement fondé sur l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 12 février 2018, selon lequel l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait toutefois pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les seuls certificats médicaux émanant du psychiatre traitant de l'intéressé et faisant état des conséquences négatives d'une interruption du traitement, sans précisions circonstanciées, ne suffisent pas à remettre en cause l'appréciation portée par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Faute de contester utilement la gravité des conséquences d'un défaut de soins, M. A...ne peut utilement se prévaloir de ce que le traitement médicamenteux qui lui est prescrit, dont le caractère non substituable n'est au demeurant pas démontré, n'est pas disponible au Congo, ni du caractère inapproprié d'un traitement de l'intéressé sur les lieux de son traumatisme ou de l'existence d'une relation de confiance avec son thérapeute. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ". Le préfet de la Moselle pouvait, conformément aux dispositions précitées, édicter à l'encontre de l'intéressé une obligation de quitter le territoire français dès lors que la délivrance d'un titre de séjour lui avait été refusée. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait cru en situation de compétence liée à cet effet, ni qu'il n'aurait pas procédé à un examen individuel de la situation de l'intéressé avant l'édiction de la mesure d'éloignement.
8. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...)10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Ainsi qu'il a été développé ci-dessus, M.A..., qui ne justifie pas de la gravité des conséquences d'un défaut de prise en charge médicale, n'est pas fondé à se prévaloir de ces dispositions.
En ce qui concerne la décision relative au délai de départ volontaire :
9. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...) ".
10. La seule circonstance que l'intéressé soit suivi médicalement en France ne suffit pas en elle-même, faute de précisions complémentaires, à justifier que lui soit accordé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. La décision relative au délai de départ volontaire prise à l'encontre du requérant n'est dès lors pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
11. En premier lieu, la décision attaquée énonce les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde et notamment, s'agissant de l'applicabilité de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la circonstance que l'intéressé n'a pas justifié encourir des risques dans son pays d'origine. Elle est, dès lors, suffisamment motivée au regard des exigences du code des relations entre le public et l'administration.
12. En second lieu, pour les motifs précédemment indiqués, M. A...n'établit pas que cette décision serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en annulation.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
15. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
16. L'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de M. A...une somme en application de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 18NC03523