Il soutient que :
- le jugement est irrégulier faute pour le tribunal administratif d'avoir respecté la procédure contradictoire ;
- un avis de mise en recouvrement a bien été notifié le 21 juin 2013 au représentant des créanciers de la société Big Ben qui en a accusé réception le 24 juin suivant et toutes les pièces sollicitées par la société Paw Invest lui ont été communiquées.
Par un mémoire enregistré le 10 avril 2019, la société Paw Invest, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a pas eu communication, malgré sa demande, des documents et éléments ayant abouti à l'imposition de la SARL Big Ben ; ainsi, elle n'a pas eu les moyens de vérifier les conditions de forme et de fond relatives à la procédure d'imposition de cette société ; son droit à un recours effectif et ses droits de la défense ont donc été méconnus ;
- il est inéquitable de laisser à sa charge les impositions dues par la société Big Ben, dont le gérant n'a jamais respecté ses obligations déclaratives et a fait l'objet d'une condamnation pénale pour fraude fiscale ; elle a elle-même subi une dévalorisation de son actif et des difficultés économiques du fait de la défaillance de son gérant.
Par lettre du 28 juin 2019 , la cour a informé les parties qu'elle était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrégularité du jugement dès lors que le tribunal a omis de prononcer un non-lieu à statuer partiel sur les conclusions relatives à la majoration de 100 % pour opposition à contrôle fiscal, laquelle a fait l'objet d'un dégrèvement en cours d'instance.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bauer,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par acte du 9 mars 2010, la société Paw Invest a donné en location gérance à la SARL Big Ben un fonds de commerce de bar brasserie situé au 12, rue Auguste Wicky à Mulhouse (Haut-Rhin). A la suite d'une vérification de comptabilité, la SARL Big Ben a fait l'objet d'une proposition de rectification concernant l'impôt sur les sociétés dû au titre des années 2010 à 2012. En l'absence de règlement de l'impôt dû par la SARL Big Ben, l'administration fiscale a recherché, sur le fondement du 3 de l'article 1684 du code général des impôts, le paiement de l'impôt et de la majoration correspondante de 100 % auprès de la société Paw Invest, propriétaire des locaux et par suite débiteur solidaire, pour un montant total de 125 226 euros. La société Paw Invest a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de l'obligation de payer ladite somme, ramenée en cours d'instance à la somme de 62 613 euros après dégrèvement de la pénalité de 100 % appliquée initialement. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 30 mai 2017 par lequel le tribunal a fait droit à cette demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte de l'instruction qu'au cours de l'instance devant le tribunal administratif, l'administration fiscale avait prononcé un dégrèvement total de 62 613 euros le 30 octobre 2014 au titre de la majoration de 100% pour opposition à contrôle fiscal. Dans cette mesure, la demande de décharge présentée par la société Paw Invest était devenue sans objet. Le jugement, qui a omis de prononcer ce non-lieu à statuer partiel, est pour ce motif entaché d'irrégularité et doit par suite être annulé dans cette mesure.
3. Il y a ainsi lieu pour la cour de se prononcer immédiatement par voie d'évocation sur les conclusions relatives à la demande de décharge de la majoration de 100 %, pour constater qu'il n'y a pas lieu d'y statuer, et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions à fin de décharge.
Sur le surplus des conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne le motif de décharge retenu par le tribunal :
4. En premier lieu, aux termes des dispositions du 3 de l'article 1684 du code général des impôts : " 3. Le propriétaire d'un fonds de commerce est solidairement responsable avec l'exploitant de cette entreprise, des impôts directs établis à raison de l'exploitation de ce fonds. ". L'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales dispose par ailleurs que : " L'avis de mise en recouvrement individuel prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. / (...) ". Aux termes de l'article R. 256-2 du même livre : " Lorsque le comptable poursuit le recouvrement d'une créance à l'égard de débiteurs tenus conjointement ou solidairement au paiement de celle-ci, il notifie préalablement à chacun d'eux un avis de mise en recouvrement ".
5. Pour prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme litigieuse, le tribunal s'est fondé sur le motif selon lequel il ne résulte pas de l'instruction que l'imposition mise à la charge de la société requérante en application des dispositions du 3 de l'article 1684 du code général des impôts ait été régulièrement notifiée à la SARL Big Ben, avant l'expiration du délai de reprise et par conséquent l'acte de poursuite doit être regardé comme dépourvu de fondement légal. En appel, l'administration, qui a produit notamment l'avis de mise en recouvrement litigieux, justifie de ce que l'imposition mise à la charge de la société requérante en sa qualité de débiteur solidaire a été régulièrement notifiée le 24 juin 2013, soit dans le délai de reprise, au représentant légal de la SARL Big Ben par un avis de mise en recouvrement établi le 21 juin 2013. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a déchargé, pour le motif susmentionné, la société requérante de l'obligation de payer la somme en cause.
6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel par la société Paw Invest.
Sur les autres moyens soulevés par la société Paw Invest :
7. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées du 3 de l'article 1684 du code général des impôts et de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales que lorsque l'administration adresse un avis de mise en recouvrement par lequel elle met en oeuvre une solidarité de paiement, telle que celle qui est prévue par l'article 1684 précité du code général des impôts, elle est tenue de lui adresser un avis de mise en recouvrement individuel qui doit comporter les indications prescrites par l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales. Ces mentions permettent au débiteur solidaire d'obtenir, à sa demande, la communication des documents mentionnés dans cet avis de mise en recouvrement ainsi que de tout document utile à la contestation de la régularité de la procédure, du bien-fondé et de l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations correspondantes au paiement solidaire desquels il est tenu.
8. Cette communication, qui vise à garantir à l'intéressé la possibilité d'un recours juridictionnel effectif a un objet distinct de celui du droit d'accès aux documents administratifs prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. L'administration est par suite tenue de faire droit à la demande du débiteur solidaire, sans pouvoir subordonner la communication des documents sollicités au respect des règles et conditions prévues par ce code, notamment sans pouvoir exiger le paiement de frais.
9. L'administration ne peut pas refuser la communication des documents utiles à la défense du débiteur solidaire lorsqu'ils sont en sa possession, sauf à priver ce dernier d'une garantie au respect de laquelle le Conseil constitutionnel a subordonné la conformité à la Constitution de la disposition législative instituant la solidarité de paiement. Il en découle que le refus de communication est de nature à faire obstacle à la mise en oeuvre des dispositions de l'article 1684 du code général des impôts. En revanche, lorsque l'administration fiscale produit en cours d'instance, soit spontanément, soit à la suite d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge de l'impôt, saisi par le débiteur solidaire d'une demande en ce sens, y compris pour la première fois en cause d'appel, les éléments du dossier fiscal nécessaires à sa défense, la circonstance que le service ait initialement refusé de communiquer ces éléments au débiteur solidaire est sans influence sur la possibilité de mettre en oeuvre la solidarité. Dans cette hypothèse, le débiteur solidaire, une fois en possession de ces éléments, peut soulever à l'appui de sa demande en décharge de l'obligation de payer, dans la limite des conclusions de sa demande, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel, jusqu'à la clôture de l'instruction, tous moyens relatifs à la régularité et au bien fondé des impositions au paiement desquelles il est solidairement tenu.
10. En l'espèce, il résulte de l'instruction que, dans le cadre de sa réclamation contentieuse du 8 janvier 2014, la société Paw Invest doit être regardée comme ayant sollicité la communication des éléments de la procédure de rectification diligentée à l'encontre de son locataire gérant, la société Big Ben, afin de vérifier " l'existence de la dette, son calcul, sa nature et son montant " et lui permettre d'apprécier l'opportunité de contester l'imposition ainsi mise à sa charge. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le service a refusé de faire droit à sa demande en lui opposant le motif tiré de ce qu'elle n'aurait pas formulé une demande de communication de documents administratifs sur le fondement de la loi du 17 juillet 1978 désormais codifiée au livre III du code des relations entre le public et l'administration.
11. Malgré la réitération par courrier distinct du 22 décembre 2014 par la société Paw Invest de sa demande de communication de " l'ensemble des actes et documents relatifs au dossier fiscal de la société SARL BIG BEN et à la mise en jeu de la responsabilité de la société PAW INVEST ", soit une formule dépourvue d'ambiguïté, l'administration a persisté à ne communiquer que de manière lacunaire les éléments de procédure, en omettant notamment de joindre les pièces essentielles ayant permis la reconstitution du chiffre d'affaires de la société Big Ben, à l'origine des rappels d'imposition en cause, telles que les courriers adressés aux fournisseurs dans le cadre de l'exercice du droit de communication, leurs réponses et les factures d'achat. Elle a de même omis la communication au débiteur solidaire de l'avis de mise en recouvrement du 21 juin 2013 adressé au débiteur principal, alors même que ce document avait été expressément sollicité dans un mémoire en réplique produit par la société Paw Invest en première instance avant clôture de l'instruction.
12. Il est toutefois constant que dans le cadre de sa présente requête d'appel enregistrée le 17 août 2017, l'administration a, cette fois, joint l'intégralité des documents utiles et de nature à permettre à la société Paw Invest, si elle s'y croyait fondée, de contester les impositions mises à sa charge en tant que débiteur solidaire. Par suite, la société n'est pas fondée à soutenir que la procédure de mise en oeuvre de la solidarité de paiement serait irrégulière pour ce motif.
13. En second lieu, la société Paw Invest, qui ne conteste pas le bien-fondé des rappels d'imposition en cause, soutient toutefois qu'il serait inéquitable de laisser le paiement des impositions litigieuses à sa charge compte tenu du comportement frauduleux de son locataire gérant condamné à une peine d'emprisonnement pour fraude fiscale, et dont elle a elle-même été victime, la société Big Ben ne lui ayant pas réglé tous ses loyers et le contrat de location gérance ayant par ailleurs été résilié par l'administrateur judiciaire à compter du 12 avril 2013. Toutefois, ces circonstances sont sans incidence sur la mise en oeuvre de la solidarité de paiement dès lors que cette procédure a été mise en oeuvre conformément à la législation alors applicable.
14. Il résulte de ce qui précède que la société Paw Invest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration lui a notifié en tant que débiteur solidaire une obligation de payer la somme de 62 613 euros due par la société Big Ben.
15. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le ministre de l'action et des comptes publics ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a prononcé la décharge de l'obligation de payer, résultant d'une mise en demeure du 6 décembre 2013 valant commandement de payer une somme de 62 613 euros, correspondant aux cotisations d'impôt sur les sociétés réclamées à la société à responsabilité limitée (SARL) Big Ben au titre des années 2010 à 2012.
Sur les conclusions de la Sarl Paw Invest tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Strasbourg du 30 mai 2017 est annulé.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la Sarl Paw Invest tendant à la décharge de l'obligation de payer l'amende de 100 % pour opposition à contrôle fiscal.
Article 3 : La société Paw Invest est rétablie dans son obligation de payer la somme de 62 613 euros résultant de la mise en demeure du 6 décembre 2013 valant commandement de payer.
Article 4 : Les conclusions de la Sarl Paw Invest tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Paw Invest et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2019, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Dhers, président assesseur,
Mme Bauer, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 juillet 2019.
Le rapporteur,
Signé : S. BAUER Le président,
Signé : J. MARTINEZ
La greffière,
Signé : S. GODARD
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. GODARD
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N° 17NC02082