Procédures devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2020, sous le n° 20NC03768, M. B... F..., représenté par Me D..., doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001236 et 2001237 du tribunal administratif de Besançon du 16 septembre 2020 en tant qu'il rejette sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 31 juillet 2020 le concernant ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, une autorisation provisoire de séjour, à renouveler en l'attente du réexamen de son droit au séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75-1 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision en litige méconnaît également les dispositions du 10° de
l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît encore les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant fixation du pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2021, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. F... ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2020, sous le n° 20NC03769, Mme A... C..., épouse F..., représentée par Me D..., doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001236 et 2001237 du tribunal administratif de Besançon du 16 septembre 2020 en tant qu'il rejette sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 31 juillet 2020 la concernant ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, une autorisation provisoire de séjour, à renouveler en l'attente du réexamen de son droit au séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75-1 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision en litige méconnaît également les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît encore les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant fixation du pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2021, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme F... ne sont pas fondés.
M. et Mme F... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 24 novembre 2020.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 20NC03768 et 20NC03769, présentées pour M. B... F... et pour Mme A... C..., épouse F..., concernent la situation d'un même couple d'étrangers au regard de leur droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions identiques et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. M. et Mme F... sont des ressortissants bosniaques, nés respectivement les 19 décembre 1940 et 19 mai 1947. Ils ont déclaré être entrés irrégulièrement en France le 9 mai 2018. Ils ont présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 octobre 2018 et par la Cour nationale du droit d'asile les 26 avril et 7 juin 2019. En conséquence de ces refus, le préfet du Doubs, par deux arrêtés en date du 31 juillet 2020, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. et Mme F... ont saisi chacun le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 31 juillet 2020. Ils relèvent appel du jugement n° 2001236-2001237 du 16 septembre 2020 qui rejette leur demande respective.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, M. et Mme F... ne sauraient utilement invoquer, pour contester les mesures d'éloignement en litige, le 11° de l'article L. 313-11 et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui relèvent des dispositions relatives aux titre de séjour. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de ces articles doivent être écartés comme inopérants.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ".
5. Il résulte de l'avis du 21 décembre 2020 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que l'état de santé de Mme F... nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et lui permet de voyager sans risque à destination de son pays d'origine. S'il est vrai que le défaut de prise en charge médicale peut, s'agissant de l'état de santé de M. F..., entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le collège de médecins estime dans son autre avis du même jour, que l'intéressé peut également voyager sans risque à destination de la Bosnie-Herzégovine, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à ses pathologies. M. et Mme F..., qui souffrent, pour le premier, de cécité, de démence sénile et de diabète et, pour la seconde, d'arthrose, d'un ulcère et de malaises vagaux, font valoir qu'ils présentent des pathologies importantes et invalidantes. Toutefois, les éléments médicaux versés au dossier, spécialement les certificats médicaux établis par leurs différents médecins traitants les 12 août, 20 août et 31 août 2020, ne sont pas de nature, eu égard aux termes dans lesquels ils sont rédigés, à remettre en cause, les avis du collège de médecins du 21 décembre 2020. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme F... sont arrivés en France, le 9 mai 2018 à l'âge respectivement de soixante-dix-sept et soixante-dix ans. Ils ne justifient d'aucune intégration particulière sur le territoire français. S'ils font valoir que trois de leurs enfants, dont un fils qui les héberge, séjournent régulièrement en France en qualité de réfugiés, il n'est pas contesté que les intéressés, qui sont majeurs et mariés, ont constitué leur propre cellule familiale. De même, en se bornant à soutenir qu'une de leurs filles est décédée et que leurs quatre autres enfants vivent aux Etats-Unis, en Allemagne et en Italie, les requérants n'établissent pas qu'ils seraient isolés dans leur pays d'origine, où ils ont passé la majeure partie de leur existence. Nonobstant les pathologies dont ils souffrent, ils ne démontrent pas davantage, par la seule production de certificats médicaux très peu circonstanciés sur ce point, que le soutien de leurs enfants présents en France leur serait indispensable pour l'accomplissement des actes de la vie quotidienne, ni que leur vulnérabilité liée à leur âge et à leur état de santé serait telle qu'elle ferait obstacle à tout retour dans leur pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
8. En quatrième lieu, pour les motifs qui viennent d'être exposés, le moyen tiré de ce que les décisions en litige seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des requérants doit également être écarté.
9. En cinquième et dernier lieu, M. et Mme F... ne sauraient utilement invoquer, pour contester les décisions en litige, lesquelles n'impliquent pas par elles-mêmes un retour dans leur pays d'origine, la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale. Par suite, ce dernier moyen doit être écartés comme inopérants.
En ce qui concerne les décisions portant fixation du pays de destination :
10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
11. Si les requérants font valoir qu'ils sont victimes de discriminations et de conditions de vie dégradées dans leur pays d'origine en raison de leur appartenance à la communauté rom et de la montée de l'intégrisme religieux, ils n'établissent pas, par les éléments qu'ils versent aux débats, qu'ils seraient exposés, de façon directe et personnelle, à des traitements prohibés par les stipulations et les dispositions invoquées. Par suite, alors que, au demeurant, leur demande d'asile respective a été rejetée successivement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du second alinéa de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés du préfet du Doubs du 31 juillet 2020. Par suite, ils ne sont pas davantage fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande respective. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et leurs conclusions à fin application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. et de Mme F... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... pour M. B... F... et Mme A... C..., épouse F..., en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
N° 20NC03768 et 20NC03769 2