Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 avril 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2003039 du tribunal administratif de Nancy du 18 mars 2021 en tant qu'il a annulé l'arrêté du 15 septembre 2020, lui a fait injonction de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
2°) de rejeter la demande présentée en première instance par M. B....
Il soutient qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer un titre de séjour à M. B... et que les autres moyens invoqués par le requérant dans sa demande de première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2021, M. A... B..., représenté par Me Jeannot, doit être regardé comme concluant, d'une part, au rejet de la requête, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle, à titre principal, de lui délivrer, dans le délai d'un mois suivant l'arrêt à intervenir, un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " et l'autorisant à travailler, immédiatement, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, à titre subsidiaire, dans le délai d'un mois suivant l'arrêt à intervenir, de réexaminer sa situation, immédiatement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail durant ce réexamen, enfin, à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du pouvoir de régularisation à titre exceptionnel du préfet de Meurthe-et-Moselle ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur d'examen particulier et sérieux de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet de Meurthe-et-Moselle a commis une erreur de fait et une erreur de droit, d'une part, en examinant d'office s'il pouvait bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour au titre du travail, d'autre part, en s'abstenant d'apprécier si sa vie privée et familiale était de nature à justifier la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision en litige méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit au regard du premier paragraphe de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, accordé à M. B... par une décision du 15 octobre 2020, a été maintenu par une décision du 4 octobre 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Meisse,
- et les observations de Me Jeannot pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... est un ressortissant guinéen, né le 5 mai 2002. Il a déclaré être entré irrégulièrement en France en mai 2019 alors qu'il était encore mineur. Le 16 juin 2020, le requérant a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions, alors en vigueur, du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, par un arrêté du 15 septembre 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. B... a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté, ainsi qu'à celle de la décision implicite par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour. Le préfet de Meurthe-et-Moselle doit être regardé comme relevant appel du jugement n° 2003039 du tribunal administratif de Nancy du 18 mars 2021 en tant qu'il a annulé son arrêté du 15 septembre 2020, lui a fait injonction de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est arrivé en France en mai 2019 à l'âge de dix-sept ans. Pris en charge par une association à Metz (Moselle), du 5 mai au 8 août 2019, puis hébergé à titre solidaire au sein d'une famille d'accueil à Port-sur-Seille (Meurthe-et-Moselle), il est inscrit, depuis le mois de décembre 2019, au lycée professionnel " André Citroën " de Marly-Frescaty (Moselle) en vue de la préparation d'un certificat d'aptitude professionnelle de peinture-carrosserie et a signé avec le département de Meurthe-et-Moselle, le 29 avril 2020, une convention d'accompagnement de jeune majeur isolé, qui a été prolongée à deux reprises jusqu'au 31 décembre 2021. Il n'est pas contesté que l'intéressé, qui ne savait pas lire et écrire le français à son arrivée en France, a obtenu à l'issue des deuxième et troisième trimestres 2020 des résultats scolaires tout à fait satisfaisants. Les pièces du dossier, spécialement les nombreuses attestations versées aux débats, ainsi que les rapports des éducateurs spécialisés du département de Meurthe-et-Moselle établis lors du renouvellement de sa convention d'accompagnement, mettent en exergue les qualités humaines de M. B..., son sérieux et son investissement dans ses études, sa pratique assidue du sport et de la musique, sa participation aux diverses activités associatives de sa commune de résidence et, enfin, la qualité et l'intensité de ses liens avec les membres de sa famille d'accueil. Il ressort d'ailleurs de ces mêmes pièces que, postérieurement à l'arrêté en litige, M. B... a obtenu en juin 2021 son certificat d'aptitude professionnelle, que, sur les conseils de ses professeurs, il prépare depuis le mois de septembre 2021 un certificat d'aptitude professionnelle de réparation-carrosserie afin de compléter sa formation et qu'il a signé, pour l'année scolaire 2021-2022, une convention de formation avec le Football Club de Metz. Dans ces conditions, eu égard aux efforts d'intégration de l'intéressé et à l'exemplarité de son parcours en France et alors même qu'il n'est présent sur le territoire français que depuis le mois de mai 2019, qu'il y est dépourvu d'attaches familiales et qu'il n'est pas isolé dans son pays d'origine, où vit notamment son grand-père paternel, le préfet de Meurthe-et-Moselle, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de son pouvoir de régularisation à titre exceptionnel. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé pour ce motif son arrêté du 15 septembre 2020, lui a fait injonction de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au rejet de la demande de première instance doivent également être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
3. Le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... doivent être rejetées.
Sur les frais de justice :
4. Il ressort des pièces du dossier que le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, accordé à M. B... par une décision du 15 octobre 2020, a été maintenu par une décision du 4 octobre 2021. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Jeannot, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la contribution étatique au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de Meurthe-et-Moselle est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Jeannot, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la contribution étatique au titre de l'aide juridictionnelle, la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
N° 21NC01013 2