Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2020, M. E... D..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 8 juillet 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2019 par lequel le préfet du Doubs a rejeté sa demande de regroupement familial au profit de son épouse ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet d'autoriser le regroupement familial au bénéfice de l'épouse de M. D... dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au préfet de réexaminer la demande de regroupement familial, dans le délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision en litige est insuffisamment motivée en fait ;
- le préfet s'est estimé lié ;
- le préfet a commis une erreur de droit au regard du 1° de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales ;
- la condamnation pénale dont il a été l'objet ne peut lui être opposée au regard de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il justifie avoir le sens des valeurs familiales.
Par un mémoire enregistré le 15 janvier 2021, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant algérien, né en 1987, est entré régulièrement en France, en 1988, dans le cadre d'une procédure de regroupement familial. A la suite de son mariage, le 2 août 2017, en Algérie, avec une compatriote, il a sollicité le regroupement familial au profit de cette dernière. Par un arrêté du 23 janvier 2019, le préfet du Doubs a rejeté cette demande. Par un jugement du 8 juillet 2020, dont M. D... fait appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, si M. D... soutient que la décision en litige est insuffisamment motivée en ce qu'elle se borne à indiquer qu'elle ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, il n'est ni établi, ni même soutenu qu'il aurait porté à la connaissance du préfet des éléments lui permettant d'apprécier plus précisément cette atteinte. Dans ces conditions, la décision contestée énonce de façon suffisante les considérations de droit et de fait pour lesquelles le préfet du Doubs a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ressort des motifs même de la décision en litige, que le préfet du Doubs, après avoir constaté que les ressources de M. D... étaient insuffisantes pour lui permettre de subvenir aux besoins de sa famille, a ensuite vérifié, eu égard aux éléments portés à sa connaissance, que le rejet de la demande de regroupement familial ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Dès lors, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet du Doubs s'est livré à un examen particulier de sa situation personnelle et ne s'est pas estimé en situation de compétence liée du fait de l'insuffisance de ses ressources pour rejeter sa demande.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; (...) Peut être exclu de regroupement familial : (...) 2 - Un membre de la famille séjournant à un autre titre ou irrégulièrement sur le territoire français ".
5. Il résulte de la combinaison de ces stipulations et des dispositions des articles R. 4114 et R. 4214 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont également applicables aux ressortissants algériens dès lors qu'elles sont compatibles avec les stipulations de l'accord francoalgérien, que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., intérimaire, a perçu au cours de la période de douze mois précédant le dépôt de sa demande de regroupement familial des salaires d'un montant mensuel de 1 447 euros brut, soit un niveau inférieur à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance, fixée à 1 489,37 euros (1 480,27 en 2017 et 1 498,47 en 2018) au cours de cette même période. Il n'est en outre pas établi, ni même soutenu que les ressources de l'intéressé auraient évolué postérieurement au dépôt de sa demande. Par suite, comme l'a relevé le tribunal, le préfet du Doubs n'a pas commis d'erreur d'appréciation en rejetant la demande de regroupement familial en raison de l'insuffisance des revenus de M. D....
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. D..., entré en France en 1988, à l'âge de 8 mois, père de deux enfants français issus d'une précédente relation, a épousé une compatriote le 2 août 2017. Si l'intéressé fait valoir que le centre de ses intérêts est en France, où résident, non seulement ses deux enfants et des membres de sa famille, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait eu une communauté de vie avec son épouse avant 2019. Il n'a d'ailleurs sollicité le bénéfice du regroupement familial au profit de cette dernière qu'en avril 2018, soit plusieurs mois après leur mariage. En outre, le mariage était relativement récent à la date de la décision contestée. Dans ces conditions, le préfet du Doubs n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel cette décision a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par le requérant à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me C... pour M. E... D... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Doubs.
N° 20NC03526 2