Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2019, M. B... C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 juillet 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2018 par lequel la directrice du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière a prononcé son licenciement pour inaptitude à l'exercice des fonctions de praticien hospitalier ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de licenciement repose sur des faits qui ne sont pas établis et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision contestée a été prise pour des considérations étrangères à sa manière de servir ;
- il n'y a pas eu d'expertise de l'agence régionale de santé ;
- la décision contestée est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2020, le Centre national de gestion conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,
- et les observations de Me A... pour M. C....
Une note en délibéré, présentée pour M. C..., a été enregistrée le 24 mars 2021.
1. A la suite de sa réussite au concours national de praticien des établissements hospitaliers en 2016, la directrice du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, dénommé centre national de gestion, a nommé, par un arrêté du 29 août 2017, M. C... en qualité de praticien hospitalier à temps plein en chirurgie orthopédique et traumatologie au centre hospitalier de Saint-Dizier pour une période probatoire d'un an à compter du 4 septembre 2017. En raison de plusieurs manquements et de son comportement, la directrice de ce centre a prononcé, à l'issue de ce stage, son licenciement pour inaptitude à l'exercice des fonctions de praticien hospitalier par un arrêté du 30 novembre 2018. Par un jugement du 9 juillet 2019, dont M. C... fait appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette mesure d'éviction.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 6152-13 du code de la santé publique : " Les candidats issus du concours national de praticien des établissements publics de santé, à l'exception des praticiens mentionnés à l'article R. 6152-60, sont nommés pour une période probatoire d'un an d'exercice effectif des fonctions, à l'issue de laquelle ils sont, après avis motivé du chef de pôle ou, à défaut, du chef du service, du responsable de l'unité fonctionnelle ou d'une autre structure interne, et ceux du président de la commission médicale d'établissement et du directeur de l'établissement ainsi que, le cas échéant, de la commission statutaire nationale, soit nommés dans un emploi de praticien à titre permanent, soit admis à prolonger leur période probatoire pour une nouvelle durée d'un an, soit licenciés pour inaptitude à l'exercice des fonctions en cause, par arrêté du directeur général du Centre national de gestion. / La commission statutaire nationale est saisie lorsque l'avis du chef de pôle ou, à défaut, du chef de service, du responsable de l'unité fonctionnelle ou d'une autre structure interne, celui du président de la commission médicale d'établissement ou celui du directeur de l'établissement sont défavorables à la titularisation ou divergents. / En cas de prolongation de l'année probatoire, celle-ci peut être réalisée, pour tout ou partie, dans un autre établissement public de santé. (...)".
3. Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire, se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne. L'autorité compétente ne peut donc prendre légalement une décision de refus de titularisation, qui n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements, que si les faits qu'elle retient caractérisent des insuffisances dans l'exercice des fonctions et la manière de servir de l'intéressé. Cependant, la circonstance que tout ou partie de tels faits seraient également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente prenne légalement une décision de refus de titularisation, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations. Il résulte de ce qui précède que, pour apprécier la légalité d'une décision de refus de titularisation, il incombe au juge de vérifier qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu'elle n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, qu'elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir et que, si elle est fondée sur des motifs qui caractérisent une insuffisance professionnelle mais aussi des fautes disciplinaires, l'intéressé a été mis à même de faire valoir ses observations.
4. Pour prononcer le licenciement de M. C..., la directrice générale du Centre national de gestion, après avoir recueilli l'avis favorable de la commission statutaire nationale, s'est fondée notamment sur son inaptitude professionnelle caractérisée par sa pratique professionnelle susceptible de compromettre la qualité et la sécurité des soins lors de la prise en charge des patients, son manque d'intégration aux équipes médicales et paramédicales avec lesquelles il exerce et son comportement à l'égard des équipes et des patients.
5. Il ressort des pièces du dossier, notamment d'un rapport du 2 octobre 2017, que le chef de pôle de l'établissement hospitalier a signalé à la direction qu'appelé par les urgentistes pour prendre en charge la fracture du poignet dont souffrait un enfant de 13 ans, M. C... les a invités à l'orienter vers le centre hospitalier universitaire de Reims en prétextant avoir une opération à réaliser alors que son intervention était déjà achevée, selon le chef de pôle, obligeant ce dernier à prodiguer les soins nécessaires à la réduction de la fracture dont souffrait ce jeune patient. Si dans un courrier du 30 novembre 2017, M. C... a contesté cette version des faits, il n'apporte aucun élément probant pour établir qu'une intervention était effectivement en cours lorsqu'il a été sollicité.
6. Il ressort également des pièces du dossier que le cadre supérieur de santé a établi, le 26 décembre 2017, un rapport circonstancié sur la mauvaise prise en charge par M. C... d'une patiente hospitalisée, le 22 décembre 2017, qui s'est manifestée, d'une part, par l'absence d'information des infirmières du bloc opératoire sur la présence d'un staphylocoque doré pour lequel la patiente était traitée depuis près de deux ans, d'autre part, l'absence de réalisation d'un prélèvement sur l'hématome dont elle souffrait et, enfin, l'absence de prescription à cette patiente de la vancomycine dont elle avait besoin. De plus, toujours selon ce même rapport, le 24 décembre suivant, M. C... a réalisé, en chambre, l'évacuation du pus de l'hématome que présentait cette patiente, avec des gants non stériles, puis il a réalisé, le lendemain, l'ablation du redon sans avoir préalablement nettoyé la peau, et évacué, dans les mêmes conditions que la veille, l'hématome, en procédant ensuite à un curage de la plaie à l'aide du manche d'un bistouri avec lequel il avait fait l'incision et il n'a changé de gants, pour réaliser le bandage, que sur l'insistance de l'infirmière. L'ensemble de ces manquements a été synthétisé par le responsable de la structure de chirurgie orthopédique, dans une correspondance du 21 mars 2018, dans laquelle il ajoute avoir dû reprendre des interventions réalisées par M. C....
7. Il ressort également des pièces du dossier, notamment d'une fiche d'évènement indésirable du 23 novembre 2017, que M. C... a fait hospitaliser un patient, qu'il avait examiné la veille, sans avoir prévenu l'établissement hospitalier de la programmation de cette intervention.
8. Contrairement à ce que soutient le requérant, la matérialité de ces faits est suffisamment établie par les rapports et fiches d'évènements indésirables produites par l'administration. Le requérant qui a reconnu, dans un courrier du 30 novembre 2017, que, sous pression, il pouvait mal travailler, ne remet pas en cause le caractère probant de ces éléments par ses dénégations et attestations, notamment de chefs de service d'autres établissements hospitaliers et de collègues d'autres services témoignant de ses compétences théoriques et pratiques. La circonstance que l'intéressé a donné toute satisfaction lors du remplacement d'un praticien dans un autre établissement hospitalier, durant quelques jours en septembre 2018, n'est pas davantage de nature à remettre en cause la matérialité de ces faits. Dans ces conditions, le requérant doit être regardé comme ayant manqué à ses obligations professionnelles de praticien hospitalier et comme ayant eu un comportement de nature à compromettre non seulement la confiance du personnel médical et paramédical mais aussi la santé et la sécurité des patients.
9. Il résulte également de l'instruction que le responsable de la cellule de gestion des risques, dans un courriel du 25 janvier 2018, puis dans un second courriel du 17 avril 2018, a alerté la direction de la réception de plaintes concernant le comportement et les pratiques professionnelles de M. C... à l'égard des patients qui lui reprochent notamment son agressivité, ses manquements au respect des règles d'hygiène et l'absence de consultation de leur dossier médical. Si M. C... conteste avoir méconnu les règles d'hygiène lors de la pose d'un plâtre à l'une des patientes, il n'en demeure pas moins qu'il n'apporte aucun élément pour démentir les autres manquements concernant son comportement inapproprié envers les patients et le défaut d'examen du dossier médical de l'une des patientes préalablement à une consultation. Ces éléments, concordants et précis, sont de nature à établir la matérialité des manquements à ses obligations professionnelles de praticien hospitalier et de ses difficultés relationnelles avec les patients.
10. Ni les dispositions précitées, ni aucune autre disposition n'imposent, lorsque le Centre national de gestion envisage de prononcer le licenciement pour insuffisance professionnelle d'un praticien hospitalier, de solliciter au préalable une expertise de l'agence régionale de santé.
11. Compte tenu de ce qui a été indiqué aux points 4 à 10, en prononçant le licenciement de M. C... à l'issue de la période probatoire pour inaptitude à l'exercice aux fonctions de praticien hospitalier, la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, qui n'est pas tenue de prolonger le stage, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
12. En second lieu, eu égard à ce qui a été dit aux points 4 à 11, le détournement de pouvoir allégué par M. C..., qui fait valoir que la décision en litige a été prise pour des considérations étrangères à sa manière de servir, n'est pas établi.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en tout état de cause, obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera à Me A... pour M. B... C... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020, au Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière et au centre hospitalier Geneviève de Gaulle-Anthonioz.
N° 19NC02813 2