Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 février 2019, la Sarl Nazar et M. A... F..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 18 décembre 2018 ;
2°) de condamner la commune de Belfort à leur verser la somme de 75 000 euros en réparation du préjudice que leur a causé la promesse non tenue de la commune d'acquérir le fonds de commerce et le droit au bail du restaurant l'Algéria ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Belfort la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux dépens.
Ils soutiennent que :
- la commune de Belfort a commis une faute en ne tenant pas sa promesse d'acquisition du fonds de commerce ;
- le fonds de commerce a été fermé à la demande de la commune de Belfort en juin 2015 puis placé en liquidation judiciaire en avril 2016 en raison du désengagement de la commune et de la perte de clientèle ; M. F... a été privé de tout revenu et de l'espérance de percevoir le prix de vente ;
- le préjudice s'élève à la somme de 75 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2019, la commune de Belfort, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge in solidum de la société Nazar et de M. F..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Nazar, dont M. F... est le gérant, exploitait un restaurant, l'Algéria, à Belfort. A l'issue de négociations, le conseil municipal de Belfort a approuvé, par une délibération du 10 décembre 2015, le principe et les conditions de rachat de ce fonds de commerce de restaurant et autorisé le maire à signer tous les actes nécessaires à cette opération. A la demande du préfet du Territoire de Belfort, agissant dans le cadre du contrôle de légalité, le conseil municipal de Belfort a décidé, le 19 mai 2016, de retirer cette délibération. Le 17 juin 2016, M. F... et la SARL Nazar ont demandé à la commune de Belfort de leur verser une indemnité de 75 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de cette promesse non tenue. Le 1er août 2016, le maire de Belfort a rejeté cette demande. Par un jugement du 18 décembre 2018, dont M. F... et la SARL Nazar font appel, le tribunal administratif de Besançon, après avoir reconnu que la commune avait commis une faute, a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune à leur verser la somme de 75 000 euros en réparation de leur préjudice.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la responsabilité :
2. S'il résulte de l'instruction que le maire de Belfort a engagé, en 2015, des négociations avec M. F..., gérant de la société Nazar, en vue de l'acquisition du fonds de commerce de restaurant et du droit au bail y afférent, il ne ressort pas des courriers échangés entre les parties que le maire, qui s'était borné à mentionner l'intention de la commune d'acquérir le restaurant, aurait pris un autre engagement que celui de soumettre à cet effet, comme il l'a fait, un rapport au conseil municipal, seul compétent pour décider de cette acquisition en vertu des articles L. 2121-29 et L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales. De la même manière, le courrier du 8 mars 2016 dans lequel le propriétaire du local commercial loué à la société Nazar mentionne qu'il a pris " connaissance de la demande de fermeture de l'établissement par le député-maire " en date du 1er juin 2015, n'est pas, eu égard à sa teneur, de nature à établir que le maire de Belfort aurait effectivement incité à la fermeture du restaurant à compter de cette date. Toutefois, en acceptant, par la délibération du 10 décembre 2015, les conditions d'achat du fonds de commerce de la société Nazar et en autorisant le maire à signer tous les actes nécessaires à cette opération, puis en faisant établir un projet d'acte notarié, dont la signature était prévue le 3 avril 2016, la commune de Belfort doit être regardée comme ayant pris, à compter du 10 décembre 2015, un engagement ferme et précis à l'égard de la société Nazar d'acquérir son fonds de commerce au prix de 75 000 euros.
3. Si la commune de Belfort soutient qu'elle n'a commis aucune faute en renonçant à cette acquisition dès lors que son engagement était conditionné à la carence de l'initiative privée, il ne ressort ni des termes de la délibération du 10 décembre 2015, ni d'aucun autre document que l'acquisition du fonds de commerce de la société Nazar aurait été subordonnée à cette condition. De même, si la commune de Belfort allègue que la société Nazar avait entamé des négociations avec un autre acquéreur potentiel, elle n'apporte aucun élément pour établir ce fait qui, en tout état de cause, n'était pas de nature à la dispenser du respect de son propre engagement.
4. Si le conseil municipal de la commune de Belfort a retiré, par une délibération du 19 mai 2016, celle du 10 décembre 2015, en raison des observations émises par le préfet dans le cadre du contrôle de légalité, il n'en demeure pas moins que le non-respect de cet engagement, dont l'abandon n'a été annoncé au vendeur qu'en mars 2016, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Belfort, quand bien même ce retrait serait justifié par l'illégalité de l'engagement pris à l'égard de la société Nazar.
5. Dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir qu'en refusant d'acheter le fonds de commerce, comme elle s'y était engagée, la commune de Belfort a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
En ce qui concerne les préjudices :
6. S'il résulte de ce qui a été indiqué aux points 2 à 5, qu'en renonçant à l'engagement d'acheter le fonds de commerce de la société Nazar, la commune de Belfort a commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle, les demandeurs ne peuvent cependant prétendre qu'à la réparation du préjudice directement causé par cette faute, tel que celui correspondant, le cas échéant, aux dépenses qu'ils ont pu engager sur la foi de cette promesse.
7. Les requérants font valoir que leur préjudice s'élève à la somme de 75 000 euros correspondant au prix convenu pour l'acquisition du fonds de commerce dès lors qu'à la demande du maire de Belfort, ils ont fermé le restaurant à compter de juin 2015 et ont ainsi perdu toute leur clientèle, entraînant la liquidation judiciaire de la société à compter du 12 avril 2016. Toutefois, la faute commise par la commune de Belfort, ayant consisté à renoncer au projet d'acquisition du fonds de commerce, n'est pas la cause directe du préjudice invoqué par les requérants.
8. Par ailleurs, dès lors qu'il n'est pas établi, ainsi qu'il a été indiqué au point 2, que le maire de Belfort aurait incité la société Nazar à fermer le restaurant le 1er juin 2015, les requérants ne sont pas davantage fondés à solliciter l'indemnisation du préjudice résultant de la perte de clientèle et, partant, de la liquidation judiciaire de la société qui a pour cause la décision prise par le gérant de la société antérieurement à la date de l'engagement ferme de la commune et qui est sans lien avec la faute commise par la commune de Belfort.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... et la société Nazar ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Belfort, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. F... et de la société Nazar la somme que la commune de Belfort demande au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. F... et de la société Nazar est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Belfort sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F..., à la société Nazar et à la commune de Belfort.
N° 19NC00514 2