Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2019, M. C... B..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901837 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 8 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aube du 26 juin 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de réexaminer sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- la décision en litige est entachée d'un défaut d'examen approfondi et particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L 313-11 et celles de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision en litige est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été régulièrement communiquée au préfet de l'Aube, qui n'a pas défendu dans la présente instance.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B... est un ressortissant pakistanais, né le 10 décembre 1995. Il a déclaré être entré irrégulièrement en France le 1er janvier 2013, alors qu'il était encore mineur. Pris en charge, le 13 mai 2013, par les services de l'aide sociale à l'enfance, le requérant a présenté, le 24 septembre 2013, une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 mai 2014, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 29 juillet 2014. Après avoir vainement sollicité son admission exceptionnelle au séjour, les 24 juin 2014 et 16 février 2017, et fait l'objet, le 20 novembre 2017, d'une mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré, M. B... a présenté, le 18 février 2019, une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se prévalant d'une promesse d'embauche pour un poste de peintre en bâtiment. Toutefois, par un arrêté du 26 juin 2019, le préfet de l'Aube a refusé de faire droit à cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. B... a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 26 juin 2019. Il relève appel du jugement n° 1901837 du 8 novembre 2019, qui rejette sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, contrairement aux allégations de M. B..., la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est suffisamment motivée aux regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne ressort, ni des motifs de la décision en litige, ni des autres pièces du dossier, que le préfet de l'Aube se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de M. B.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen ne peut être accueilli.
4. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".
5. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant par là-même des motifs exceptionnels exigés par la loi. Il appartient en effet à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger, ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
6. D'une part, il ressort des motifs de la décision en litige que, après avoir rappelé l'ancienneté du séjour en France de M. B... et ses démarches en vue d'y régulariser sa situation administrative, le préfet de l'Aube a constaté que l'intéressé se prévalait d'une promesse d'embauche émanant d'une société établie dans le département du Val-d'Oise pour un poste de peintre en contrat à durée indéterminée à temps complet. Il a également précisé que le requérant, qui ne justifiait pas de diplôme dans le domaine de la peinture, déclarait avoir déjà travaillé pour le compte d'une autre société en qualité de peintre et produisait en ce sens neuf fiche de paie correspondant aux mois de février à octobre 2017. Dans ces conditions, alors même qu'elle a indiqué, à titre surabondant, que le métier de peintre ne faisait pas partie de la liste des métiers en tension, l'autorité administrative a pris en compte les éléments transmis par M. B... et s'est livrée à l'examen qui lui incombait au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré irrégulièrement en France le 1er janvier 2013, alors qu'il était encore mineur, et qu'il a été pris en charge, le 13 mai 2013, par les services de l'aide sociale à l'enfance. Il n'est pas contesté que l'intéressé s'est investi dans ses études et a obtenu, le 4 juillet 2016, un certificat d'aptitude professionnelle dans le domaine de la maintenance des véhicules. Le requérant justifie avoir travaillé en qualité de peintre en bâtiment de juillet 2015 à janvier 2016, de juin à décembre 2016 et de février à octobre 2017. Toutefois, le parcours scolaire et professionnel de M. B..., pour méritoire qu'il soit, ne suffit pas à démontrer que son admission exceptionnelle au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour en France et du droit d'asile doit également être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
9. M. B... se prévaut de l'ancienneté de son séjour, de son investissement dans sa scolarité et dans l'apprentissage du français, de son bénévolat dans plusieurs associations et, plus largement, de son intégration sociale et professionnelle. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant, dont la demande de titre de séjour du 15 février 2017 a été rejetée au motif que, pour justifier de son identité, il avait présenté un passeport apocryphe, n'a pas déféré à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 20 novembre 2017. Célibataire et sans enfant à charge, l'intéressé, qui ne dispose pas d'un logement autonome et qui est hébergé par une association caritative, ne justifie d'aucune attache familiale ou même personnelle en France. Il n'établit pas être isolé dans son pays d'origine, où vivrait notamment sa mère. Par suite, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En cinquième et dernier lieu, pour les motifs exposés au point précédent, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. B... au regard du pouvoir de régularisation du préfet de l'Aube ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour sur laquelle elle se fonde, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
12. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " I- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...). ".
13. La décision portant refus de délivrance à M. B... d'un titre de séjour étant suffisamment motivée, ainsi qu'il ressort du point 2 du présent arrêt, la décision en litige n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique. Par suite, le moyen tiré de ce qu'elle serait insuffisamment motivée ne peut être accueilli.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aube du 26 juin 2019. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me E... pour M. C... B... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
N° 19NC03604 2