Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 avril 2019, le syndicat CFDT Interco de la Moselle, représentée par Me Cochereau, doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1802839, 1803964 et 1804282 du tribunal administratif de Strasbourg du 26 février 2019 en tant qu'il s'est borné à annuler partiellement les dispositions des lettres d. et g. du b) du point 3) du règlement du 19 décembre 2017 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) d'annuler intégralement la délibération du 19 décembre 2017, ensemble la décision du 27 avril 2018 portant rejet de son recours gracieux formé le 19 février 2018 ;
3°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont méconnu leur office en déclarant légale l'obligation, faite aux sapeurs-pompiers du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle à la lettre d. du b) du point 3) du règlement du 19 décembre 2017, de se déclarer grévistes quarante-huit heures avant la date à laquelle ils entendent participer personnellement à un mouvement de grève, sans rechercher si une telle obligation constituait une atteinte disproportionnée au droit de grève ;
- l'obligation, faite aux sapeurs-pompiers du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle à la lettre d. du b) du point 3) du règlement du 19 décembre 2017, de se déclarer grévistes quarante-huit heures avant la date à laquelle ils entendent participer personnellement à un mouvement de grève constitue une atteinte disproportionnée au droit de grève ;
- par l'effet dévolutif de l'appel, il entend se prévaloir des autres moyens invoqués dans sa demande de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2020, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Moselle, représenté par Me Keller, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du syndicat CFDT Interco Moselle de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n°85-565 du 30 mai 1985 ;
- le décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Meisse,
- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,
- et les observations de Me Cochereau pour le syndicat CFDT Interco Moselle, de Me Keller pour le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle et de Me Ponseele pour le syndicat CGT des personnels du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 19 décembre 2017, publiée le 22 décembre suivant, le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle a adopté un règlement relatif à la mise en œuvre de l'exercice du droit de grève des
sapeurs-pompiers professionnels exerçant au sein de cet établissement. Par un courrier du 19 février 2018, le syndicat CFDT Interco Moselle a demandé à ce que cette délibération soit retirée. Le 27 avril 2018, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle a refusé d'inscrire à l'ordre du jour du conseil d'administration le retrait ainsi sollicité. Le syndicat CFDT Interco Moselle a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de la délibération du 19 décembre 2017, de même que le syndicat CGT des personnels du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle et le syndicat national des sapeurs-pompiers et des personnels administratifs, techniques et spécialisés de la Moselle. Il relève appel du jugement n° 1802839, 1803964 et 1804282 du 26 février 2019 en tant qu'il s'est borné à annuler partiellement les dispositions des lettres d. et g. du b) du point 3) du règlement du 19 décembre 2017 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Le syndicat CFDT Interco Moselle soutient que les premiers juges ont méconnu leur office en déclarant légale l'obligation, faite aux sapeurs-pompiers du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle à la lettre d. du b) du point 3) du règlement du 19 décembre 2017, de se déclarer grévistes quarante-huit heures avant la date à laquelle ils entendent participer personnellement à un mouvement de grève, sans rechercher si une telle obligation constituait une atteinte disproportionnée au droit de grève. Toutefois, un tel moyen, s'il est susceptible d'affecter le bien-fondé du jugement, est, en revanche, sans incidence sur sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. D'une part, aux termes du septième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : " Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. ". Aux termes de l'article 10 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires exercent le droit de grève dans le cadre des lois qui le réglementent ".
4. En indiquant, dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, que le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent, l'Assemblée constituante a entendu inviter le législateur à opérer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève constitue l'une des modalités, et la sauvegarde de l'intérêt général, auquel elle peut être de nature à porter atteinte. En l'absence de la complète législation ainsi annoncée par la Constitution, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d'exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public. Si, en l'état de la législation, il appartient à l'autorité administrative responsable du bon fonctionnement d'un service public de fixer elle-même, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et l'étendue de ces limites pour les services placés sous son autorité, seuls les organes dirigeants d'un établissement public, agissant en vertu des pouvoirs généraux d'organisation des services placés sous leur autorité, sont, sauf dispositions contraires, compétents pour déterminer ces limitations pour les services publics dont ils sont chargés. Si ces autorités sont compétentes pour apporter de telles limitations, c'est dans la mesure où les solutions alternatives à l'exercice d'un tel pouvoir font défaut.
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 723-2 du code de la sécurité intérieure : " Les sapeurs-pompiers professionnels, qui relèvent des services départementaux d'incendie et de secours, sont des fonctionnaires territoriaux soumis aux dispositions de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans les conditions fixées par l'article 117 de cette dernière loi, ainsi qu'aux dispositions de l'article L. 1424-9 du code général des collectivités territoriales. ". Aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales : " Les services d'incendie et de secours sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. / Ils concourent, avec les autres services et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l'évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu'aux secours d'urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : 1° La prévention et l'évaluation des risques de sécurité civile ; 2° La préparation des mesures de sauvegarde et l'organisation des moyens de secours ; 3° La protection des personnes, des biens et de l'environnement ; 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation. ".
6. Les missions de sécurité et de secours incombant à un service départemental d'incendie et de secours en vertu de ces dernières dispositions imposent que ses moyens d'intervention en personnels et en matériels soient pleinement opérationnels en permanence et sans interruption, fût-elle momentanée.
7. En premier lieu, aux termes du quatrième alinéa de la lettre d. du b) point 3) du règlement du 17 décembre 2017 : " Les agents exerçant leur droit de grève doivent confirmer à leur hiérarchie directement et individuellement 48 heures avant le début de leur service leur intention d'exercer leur droit de grève ".
8. En faisant obligation aux agents concernés d'informer directement et individuellement leur hiérarchie de leur intention d'exercer leur droit de grève quarante-huit heures avant le début de leur service, les dispositions du quatrième alinéa de la lettre d. du b) du point 3) du règlement du 19 décembre 2017 visent à prévenir les risques de désorganisation dans la constitution des équipes en charge du service minimum par des agents se déclarant gréviste peu de temps avant la prise de leurs fonctions ou au moment de celle-ci. Alors même que certains services départementaux d'incendie et de secours auraient prévu des délais moindres, la limitation ainsi apportée à l'exercice du droit de grève est justifiée par les nécessités du fonctionnement du service public et par la prévention d'un usage abusif du droit de grève. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen.
9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un arrêt n° 19NC01266 du même jour, la cour a confirmé le jugement n° 1802839, 1803964 et 1804282 du 26 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé partiellement les dispositions des lettres d. et g. du b) du point 3) du règlement du 19 décembre 2017. Par suite, les moyens tirés de l'illégalité des dispositions en cause ne peuvent qu'être écartés.
10. En troisième et dernier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 1424-24 du code général des collectivités territoriales : " Le service départemental d'incendie et de secours est administré par un conseil d'administration composé de représentants du département, des communes et des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de secours et de lutte contre l'incendie. ". Aux termes de l'article L. 1424-29 du même code : " Le conseil d'administration règle par ses délibérations les affaires relatives à l'administration du service départemental d'incendie et de secours. ". Aux termes de l'article L. 1424-33 du code général des collectivités territoriales : " Le directeur départemental des services d'incendie et de secours est placé sous l'autorité du représentant de l'Etat dans le département et, dans le cadre de leur pouvoir de police, des maires, pour : - la direction opérationnelle du corps départemental des sapeurs-pompiers ; - la direction des actions de prévention relevant du service départemental d'incendie et de secours ; - le contrôle et la coordination de l'ensemble des corps communaux et intercommunaux ; - la mise en œuvre opérationnelle de l'ensemble des moyens de secours et de lutte contre l'incendie. / Il est placé sous l'autorité du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours pour la gestion administrative et financière de l'établissement. / (...) / Le président du conseil d'administration peut accorder une délégation de signature au directeur départemental (...). ".
11. Par ailleurs, aux termes du troisième alinéa de l'article R. 1429-39 du même code : " Chaque centre d'incendie et de secours dispose, selon la catégorie à laquelle il appartient, d'un effectif lui permettant au minimum d'assurer la garde et les départs en intervention dans les conditions ci-dessus définies. Cet effectif est fixé dans le respect des dispositions des guides nationaux de référence mentionnés à l'article R. 1424-52 du schéma départemental d'analyse et de couverture des risques et du règlement opérationnel. ". Aux termes de l'article L. 1424-42 du même code : " Le règlement opérationnel mentionné à l'article L. 1424-4 est arrêté par le préfet, après avis du comité technique départemental, de la commission administrative et technique des services d'incendie et de secours et du conseil d'administration. / Le règlement opérationnel prend en considération le schéma départemental d'analyse et de couverture des risques et les dispositions des guides nationaux de référence mentionnés à l'article R. 1424-52. Ce règlement fixe les consignes opérationnelles relatives aux différentes missions des services d'incendie et de secours et détermine obligatoirement l'effectif minimum et les matériels nécessaires (...) ".
12. Il ne résulte pas des dispositions législatives citées au point 10 du présent arrêt que le directeur départemental des services d'incendie et de secours a compétence pour réglementer l'exercice du droit de grève des sapeurs-pompiers professionnels exerçant au sein du service départemental d'incendie et de secours. En outre, contrairement aux allégations du syndicat CFDT Interco Moselle, les attributions conférées au préfet pour fixer, dans le cadre d'un règlement opérationnel et compte tenu du schéma départemental d'analyse et de couverture des risques, l'effectif minimum permettant à chaque centre d'incendie et de secours d'assurer la garde et les départs en intervention ne saurait s'étendre à la détermination des effectifs appelés à assurer le service minimum en cas de grève. Par suite, et alors que le conseil d'administration est chargé de régler par ses délibérations les affaires relatives à l'administration du service départemental d'incendie et de secours, le moyen tiré de ce que le règlement du 19 décembre 2017 aurait été pris par une autorité incompétente ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat CFDT Interco Moselle n'est pas fondé à demander l'annulation de la délibération du 19 décembre 2017 et de la décision du 27 avril 2018 portant rejet de son recours gracieux formé le 19 février 2018. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg s'est borné à annuler partiellement les dispositions des lettres d. et g. du b) du point 3) du règlement du 19 décembre 2017 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur les frais de justice :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par le syndicat CFDT Interco Moselle au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le défendeur en application de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du syndicat CFDT Interco Moselle est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le service départemental d'incendie et de secours en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat CFDT Interco Moselle, au service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, au syndicat CGT des personnels du SDIS de la Moselle et au syndicat national des sapeurs-pompiers et des personnels administratifs, techniques et spécialisés de la Moselle.
N° 19NC01267 2