Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 juin 2018, la commune de Tinqueux, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler un jugement n° 1602575, 1702543 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 avril 2018 en tant qu'il annule l'arrêté du maire du 27 février 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. E... en première instance en tant qu'elle est dirigée contre l'arrêté du 27 février 2017 ;
3°) de mettre à la charge de M. E... la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance est irrecevable faute pour M. E... d'avoir justifié de sa qualité pour agir en justice au nom de l'association " Heureux à Tinqueux " ;
- le recrutement de M. C... en qualité de collaborateur de cabinet respecte les dispositions de l'article 110 de la loi n° 4-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- en l'absence de fonctionnaire occupant le poste de chef du service culture et communication, le maire pouvait légalement demander à M. C..., en sa qualité de collaborateur de cabinet, de participer à la commission " culture " et de répondre aux demandes ou aux questions des élus ;
- il n'est pas démontré que M. C... aurait, nonobstant son recrutement comme collaborateur de cabinet, accompli des tâches administratives, ni qu'il aurait reçu des instructions ou en aurait donné au personnel administratif ;
- en tout état de cause, les fonctions exercées par M. C... sont sans incidence sur la légalité de son recrutement comme collaborateur de cabinet.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2018, M. H... E..., représenté par Me F..., conclut, d'une part, au rejet de la requête, d'autre part, à titre incident, à la réformation du jugement de première instance en tant qu'il a rejeté pour irrecevabilité ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre le contrat d'engagement de M. C... en qualité de responsable du service culture et communication, enfin, de mettre à la charge de la commune de Tinqueux la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre le contrat d'engagement de M. C... en qualité de responsable du service culture et communication étaient recevables, dès lors qu'elles étaient accompagnées de documents prouvant l'existence de l'acte en litige ;
- le contrat de recrutement de M. C..., signé le 2 novembre 2016, est illégal en ce qu'il porte sur un emploi de responsable du service culture et communication, qui n'a été créé que le 20 novembre 2017 par une délibération du conseil municipal ;
- le recrutement de M. C... n'a pas été précédé d'une publication préalable de vacance de poste ;
- les emplois de responsable de la communication et de directeur du service culturel n'étaient pas vacants à la date du recrutement de M. C... ;
- ayant démissionné de ses fonctions de responsable du service culture et communication le 14 février 2017, la présence de M. C... au sein du service culturel de la commune a fait doublon avec celle du précédent directeur qui est resté en fonctions jusqu'au 27 février 2017 ;
- les moyens invoqués par la commune de Tinqueux ne sont pas fondés ;
- les recrutements de M. C... en qualité de responsable du service culture et communication, puis en qualité de collaborateur de cabinet, sont entachés d'un détournement de pouvoir et de procédure.
Un mémoire en intervention, présenté par M. G... C..., a été reçu le 30 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-1004 du 16 décembre 1987
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,
- et les observations de Me F... pour M. E....
Une note en délibéré, enregistrée le 30 septembre 2020, a été présentée pour M. E....
Considérant ce qui suit :
1. Elu en 2008 conseiller municipal de la commune de Tinqueux et alors chargé de la jeunesse et de la culture, M. G... C... a démissionné de ses fonctions à la fin du mois d'octobre 2016 et a été recruté en tant qu'agent public contractuel par cette même commune, à compter du 2 novembre 2016, afin d'occuper le poste de responsable du service culture et communication. Par un arrêté du maire du 27 février 2017, il a été nommé, à compter du 1er mars 2017 et jusqu'au 28 février 2018, sur l'emploi de collaborateur de cabinet afin de " participer à l'élaboration des supports de communication municipaux ". Agissant en sa qualité de conseiller municipal d'opposition, M. H... E... a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation du contrat d'engagement de M. C... comme responsable du service culture et communication de la commune de Tinqueux, ainsi que de la fiche relative au poste de chargé de la vie culturelle et de la politique d'animation de la collectivité, d'autre part, à celle de l'arrêté du 27 février 2017 portant recrutement de l'intéressé sur un emploi de collaborateur de cabinet. La commune de Tinqueux relève appel du jugement n° 1602575, 1702543 du 17 avril 2018 en tant qu'il annule l'arrêté du 27 février 2017.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation. / Cet acte ou cette pièce doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagné d'une copie. ". Il résulte de ces dispositions qu'une requête est irrecevable et doit être rejetée comme telle lorsque son auteur n'a pas, en dépit d'une invitation à régulariser, produit la décision attaquée ou, en cas d'impossibilité, tout document apportant la preuve des diligences qu'il a accomplies pour en obtenir la communication.
3. Il est constant que M. E... n'a pas joint à sa demande le contrat d'engagement de M. C... en qualité de responsable du service culture et communication à compter du 2 novembre 2016, lequel, au demeurant n'a pas été davantage produit par la partie défenderesse. Il s'est borné à verser aux débats un courriel et un courrier du maire, datés respectivement du 17 octobre et du 8 novembre 2016, informant leurs destinataires respectifs du recrutement de M. C.... Par un courrier du 9 janvier 2017, le greffe du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a invité M. E... à régulariser sa demande, à peine d'irrecevabilité, en produisant la décision ou l'acte attaqué dans un délai de quinze jours. Nonobstant cette invitation, il est constant que ce dernier n'a pas produit le contrat en litige, ni, à défaut, tout document apportant la preuve des diligences qu'il aurait accomplies pour en obtenir la communication, spécialement auprès du maire de Tinqueux. Dans ces conditions, M. E... ne peut être regardé comme justifiant d'une " impossibilité " au sens des dispositions précitées de l'article R. 412-1 du code de justice administrative. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir, à titre incident, que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté pour irrecevabilité ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre le contrat d'engagement de M. C... en qualité de responsable du service culture et communication.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article 110 de la loi du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité territoriale peut, pour former son cabinet, librement recruter un ou plusieurs collaborateurs et mettre librement fin à leurs fonctions. La nomination de non-fonctionnaires à ces emplois ne leur donne aucun droit à être titularisés dans un grade de la fonction publique territoriale. Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités de rémunération des membres des cabinets ainsi que leur effectif maximal, en fonction, pour les communes, départements et régions, de leur importance démographique et, pour leurs établissements publics administratifs et la métropole de Lyon, du nombre de fonctionnaires employés. Ces collaborateurs ne rendent compte qu'à l'autorité territoriale auprès de laquelle ils sont placés et qui décide des conditions et des modalités d'exécution du service qu'ils accomplissent auprès d'elle. Cette disposition ne saurait interdire aux juridictions compétentes et aux autorités administratives chargées du contrôle de légalité d'exercer leurs missions dans les conditions de droit commun. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 16 décembre 1987, relatif aux collaborateurs de cabinet des autorités territoriales : " Le présent décret s'applique aux personnes recrutées en application de l'article 110 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée susvisée en qualité de collaborateurs directs d'une autorité territoriale. En outre, le président du conseil régional peut mettre à la disposition du président du comité économique et social de la région un ou plusieurs collaborateurs de son cabinet. ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " La qualité de collaborateur de cabinet d'une autorité territoriale est incompatible avec l'affectation à un emploi permanent d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public relevant de la loi du 26 janvier 1984 modifiée précitée. ".
5. En l'espèce, la commune de Tinqueux soutient qu'il n'est pas établi que M. C..., en méconnaissance des dispositions de l'article 2 du décret du 16 décembre 1987, relatif aux collaborateurs de cabinet des autorités territoriales, a continué à exercer les fonctions de responsable du service culture et communication malgré sa nomination comme collaborateur de cabinet à compter du 1er mars 2017. Elle fait valoir que la création d'un poste de collaborateur de cabinet pour la gestion de l'emploi du temps et la participation à l'élaboration des supports municipaux a été approuvée à l'unanimité par une délibération du conseil municipal du 24 novembre 2003, que les crédits nécessaires à la rémunération de M. C... sont inscrits au budget et que l'intéressé apparaît dans l'organigramme de la collectivité comme directement rattaché au maire, excluant ainsi toute relation hiérarchique avec le personnel de la collectivité. La commune de Tinqueux allègue encore avoir publié un avis de vacance de poste pour les fonctions de responsable du service culture et communication et qu'aucun des trois candidats ayant postulé jusqu'à présent n'a été retenu.
6. M. E... verse aux débats, d'une part, une photographie du journal " L'Union " du 21 juin 2017 sur laquelle M. C... apparaît aux côtés d'agents de son ancien service à l'occasion du lancement du nouveau logo de la commune " Tinqueux en fête ", d'autre part, un compte rendu de la réunion de la commission " culture " du 19 septembre 2017, au cours de laquelle l'intéressé a répondu aux questions et aux demandes des élus, enfin, un planning de réunion de diverses commissions communales, dont celui-ci serait l'auteur, qui mentionne son appartenance au " service communication " et sa participation à la commission " culture " comme " invité ". M. E... fait en outre état d'un entretien donné à une radio locale le 2 septembre 2017, où il a été présenté comme le " responsable au niveau culturel de la ville de Tinqueux ". Toutefois, ces seuls éléments ne suffisent pas à démontrer que M. C..., nonobstant sa nomination comme collaborateur de cabinet, aurait continué à occuper, au cours de la période considérée, l'emploi permanent de responsable du service culture et communication. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la commune de Tinqueux est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 2 du décret du 16 décembre 1987 pour annuler l'arrêté du maire du 27 février 2017.
7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et la cour à l'encontre de l'arrêté du 27 février 2017.
8. Si M. E... qui n'a présenté aucun autre moyen en première instance, soutient en appel que le maire de Tinqueux a commis un détournement de pouvoir et de procédure, les éléments versés au dossier ne permettent pas de l'établir. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Tinqueux est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, par le jugement attaqué, a annulé l'arrêté du 27 février 2017.
Sur les frais de justice :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Tinqueux, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. E... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune requérante en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1602575, 1702543 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 avril 2018, est annulé en tant qu'il prononce l'annulation de l'arrêté du maire de Tinqueux du 27 février 2017.
Article 2 : La demande présentée en première instance par M. E... est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. E... par la voie de l'appel incident et ses conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... E..., à la commune de Tinqueux et à M. G... C....
N° 18NC01746 2