Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mai 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 27 mai 2020, M. E... C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901225 du tribunal administratif de Besançon du 15 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 13 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à défaut sur celui du 7° de l'article L. 313-11 du même code, à défaut sur celui de l'article L. 313-14 du même code, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour, à renouveler dans l'attente du réexamen de son droit au séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision en litige méconnaît également les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle contrevient aux dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision en litige méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... C... est un ressortissant géorgien né le 1er décembre 1983. Il a déclaré être entré irrégulièrement en France le 26 juillet 2018. Il a présenté une demande d'asile, le 22 août 2018, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 19 novembre 2018, puis par la Cour nationale du droit d'asile, le 29 avril 2019. Le 5 octobre 2018, le requérant a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 15 avril 2019, le préfet du Doubs, par un arrêté du 13 mai 2019, a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. C... a saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 13 mai 2019. Il relève appel du jugement n° 1901225 du 15 octobre 2019 qui rejette sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer à M. C... un titre de séjour en sa qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Doubs s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 15 avril 2019. Selon cet avis, si l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet néanmoins de voyager sans risque à destination de son pays d'origine, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie. M. C... fait valoir qu'il souffre d'une hépatite B chronique et d'une cirrhose du foie. Toutefois, ni le rapport d'une organisation non gouvernementale du 28 août 2018 sur l'accès à des soins médicaux en Géorgie, qui, pour être documenté, ne comporte aucun développement sur la situation personnelle du requérant, ni les certificats médicaux des 12 mars et 13 juin 2019, qui se bornent à décrire la pathologie de l'intéressé et les soins dont il bénéficie en France, ne sont de nature à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée le préfet quant à la disponibilité effective du traitement dans le pays d'origine et à la capacité de l'étranger de voyager sans risque. Si M. C... verse également aux débats deux attestations des 2 novembre 2017 et 7 novembre 2019, émanant respectivement du chef du département de la santé du ministère géorgien du travail, de la santé et des affaires sociales et du responsable du centre médical de pathologie infectieuse, de sida et d'immunologie clinique de Tbilissi, dont il ressort que le traitement hospitalier de l'hépatite B n'est pas financé par le programme gouvernemental, ni par l'assurance générale et privée en Géorgie, il ressort des pièces du dossier, notamment du certificat médical du 6 juin 2019, que le requérant a été pris en charge médicalement dans son pays d'origine, qu'il y a bénéficié d'un traitement médicamenteux de longue durée, dont il n'est pas établi qu'il n'était pas adapté à ses pathologies, et que, eu égard à la dégradation de son état de santé, une transplantation du foie était envisagée. En outre, lors de son entretien individuel à la préfecture du Doubs du 12 octobre 2018, consécutive au dépôt de sa demande d'asile, l'intéressé a indiqué n'avoir rencontré aucune difficulté particulière pour se faire soigner en Géorgie. Par suite et alors que M. C... ne saurait utilement se prévaloir du décès d'un compatriote souffrant de la même pathologie que lui et contraint de retourner dans son pays d'origine après le rejet de sa demande de titre, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... n'est arrivé sur le territoire français que le 26 juillet 2018 à l'âge de trente-quatre ans. Célibataire et sans enfant à charge, il ne justifie d'aucune attache familiale ou personnelle, ni de son intégration en France. Il n'est pas isolé dans son pays d'origine, où vivent notamment sa mère et sa soeur. Par suite, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième lieu, eu égard à ce qui vient d'être dit, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation s'agissant de la situation personnelle du requérant au regard du pouvoir de régularisation du préfet du Doubs doit être écarté.
7. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".
8. En se bornant à faire état de son état de santé, M. C... n'établit pas que son admission exceptionnelle au séjour se justifierait par des considérations humanitaires ou par des motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :
10. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
11. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
12. Si M. C... fait valoir qu'il a été contraint de fuir son pays d'origine pour échapper aux pressions et aux menaces de la mafia géorgienne, il ne produit aucun élément, en dehors de son propre récit, de nature à établir qu'il risquerait d'être exposé à des traitements prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite et alors que, au demeurant, la demande d'asile de l'intéressé a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance desdites stipulations ne peut être accueilli.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Doubs du 13 mai 2019. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
N° 20NC01047 2