Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 avril 2019, Mme D... C..., représentée par la Selarl A... et Alves, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 31 janvier 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 juin 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre à titre principal au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour, ou subsidiairement de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour passé le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet ne peut se borner, en cas de violences conjugales, à constater la rupture de la communauté de vie ; il a commis une erreur de fait ;
- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.
Le Défenseur des droits, en application des dispositions de l'article 33 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, a présenté à la cour ses observations, enregistrées le 10 mai 2019.
Par des mémoires, enregistrés le 16 mai 2019 et le 11 juin 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés et que la mesure d'éloignement a été exécutée le 3 juin 2019.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante ivoirienne, née en 1978, est entrée régulièrement en France, le 31 décembre 2013, sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " famille de français " valable du 27 décembre 2013 au 27 décembre 2014, délivré à la suite de son mariage, le 6 avril 2013, avec un ressortissant français. Elle a ensuite bénéficié d'une carte de séjour en qualité de conjoint de français dont elle a sollicité le renouvellement le 4 octobre 2016. Par un arrêté du 15 juin 2018, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 31 janvier 2019, dont Mme C... fait appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) " Aux termes de l'article L. 313-12 du même code : " Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement. (...)".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., à la suite de son mariage avec un ressortissant français, a obtenu une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", renouvelée jusqu'au 27 décembre 2016. Le préfet du Doubs a refusé de renouveler cette carte de séjour au motif que la communauté de vie avec son époux avait cessé et que le procureur de la République avait classé sans suite sa plainte pour violences conjugales. Toutefois, Mme C... fait valoir qu'elle est victime de violences physiques et verbales de la part de son époux depuis 2015 et qu'à la suite de violences conjugales commises à son encontre le 30 novembre 2016, elle a quitté définitivement le domicile. Pour justifier de ses allégations, l'intéressée a produit une main-courante du 15 avril 2015 faisant état de violences conjugales. Un certificat médical du 23 novembre 2025 mentionne par ailleurs que la requérante présente des contusions thoraciques imputables, selon elle, à des coups que son conjoint lui aurait portés dans la nuit du 20 au 21 novembre 2015 et justifiant une incapacité temporaire totale de 4 jours. Les allégations de Mme C... sont également corroborées par le témoignage d'un ami du couple. Si le préfet se prévaut du classement de la plainte pour menaces déposées par Mme C... le 30 mars 2017, il ressort des pièces du dossier que le parquet a procédé à ce classement après avoir adressé un rappel à la loi à son époux. Enfin, la circonstance que, le 27 juillet 2015, Mme C... a sollicité un regroupement familial pour ses enfants demeurés dans son pays d'origine en se prévalant du logement et des ressources de son conjoint n'est pas suffisant pour mettre en doute la matérialité des violences alléguées. Dans ces conditions, la communauté de vie doit être regardée comme ayant été rompue du fait de l'existence de violences conjugales. Il s'ensuit que la requérante est fondée à soutenir qu'en refusant le renouvellement de son titre de séjour, le préfet du Doubs a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que, pour ce motif, cette décision doit être annulée. Par voie de conséquence, les décisions portant obligations de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination doivent être également annulées.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 juin 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique que soit délivré à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous réserve d'un changement de circonstances de droit et de fait à la date de la nouvelle décision du préfet du Doubs. Il y a lieu, par suite, en application des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet du Doubs de délivrer le titre de séjour sollicité par l'intéressée dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance et les dépens :
7. D'une part, Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Son avocat peut, par suite, se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A..., avocat de la requérante, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A... de la somme de 1 200 euros.
8. D'autre part, la présente instance n'ayant pas donné lieu à des dépens, les conclusions présentées par Mme C... sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°1802012 du tribunal administratif de Besançon du 31 janvier 2019 et l'arrêté du préfet du Doubs du 15 juin 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me A... une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., au ministre de l'intérieur et au Défendeur des droits.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Doubs.
N° 19NC01309 2