Procédures devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2020, sous le n° 20NC01865, Mme A... E..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901905, 1901906 du tribunal administratif de Besançon du 28 janvier 2020 en tant qu'il rejette sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Territoire de Belfort du 9 août 2019 la concernant ;
3°) d'enjoindre au préfet du Territoire de Belfort, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, durant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37, alinéa 2, de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une erreur de droit, dès lors que la préfète du Territoire de Belfort s'est estimée à tort liée par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 6 juin 2019 ;
- la décision en litige méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2020, le préfet du Territoire de Belfort conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2020, sous le n° 20NC01866, M. F... E..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901905, 1901906 du tribunal administratif de Besançon du 28 janvier 2020 en tant qu'il rejette sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Territoire de Belfort du 9 août 2019 le concernant ;
3°) d'enjoindre au préfet du Territoire de Belfort, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, durant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37, alinéa 2, de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2020, le préfet du Territoire de Belfort conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
M. et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions des 14 mai et 9 juin 2020.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 20NC01865 et 20NC01866, présentées pour Mme A... E... et pour M. F... E..., concernent la situation de membres d'une même famille d'étrangers au regard de leur droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. Mme A... E... est une ressortissante albanaise, née le 9 avril 1970. Elle a déclaré être entrée irrégulièrement en France le 10 juillet 2016, accompagnée de ses quatre enfants, dont M. F... E..., né le 6 octobre 2000. Le 26 juillet 2019, les requérants ont présenté chacun une demande d'asile, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 23 janvier 2017 puis, s'agissant de la demande de Mme E..., par la Cour nationale du droit d'asile le 24 octobre 2017. Cette dernière a été mise en possession d'une carte de séjour en qualité d'étranger malade valable jusqu'au 17 mai 2019, dont elle a sollicité le renouvellement. Son fils ayant également sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Territoire de Belfort, par deux arrêtés du 9 août 2019, a refusé de faire droit à leur demande respective, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière. Les requérants ont saisi chacun le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 9 août 2019. Ils relèvent appel du jugement n° 1901905, 1901906 du 28 janvier 2020, qui rejette leur demande respective.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la requête n° 20NC01865 :
3. En premier lieu, contrairement aux allégations de Mme E..., il ne ressort, ni des motifs de la décision en litige portant refus de renouvellement du titre de séjour, ni d'aucune autre pièce du dossier, que la préfète du Territoire de Belfort s'est estimée à tort liée par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 6 juin 2019. Par suite, alors qu'il était loisible à l'autorité préfectorale de s'approprier les termes de cet avis sans renoncer à exercer son pouvoir d'appréciation, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de faire droit à la demande de Mme E... de renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade, la préfète du Territoire de Belfort s'est notamment fondée sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 6 juin 2019. Selon cet avis, si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet néanmoins de voyager sans risque à destination de l'Albanie où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé existant dans ce pays, elle est en mesure de bénéficier effectivement d'un traitement approprié à ses pathologies. Mme E..., qui souffre notamment d'une spondylarthrite axiale et périphérique, fait valoir que sa pathologie s'est aggravée, nécessitant, à compter du mois de mai 2019, le remplacement de son traitement par " Méthotrexate " par un traitement par " Arava " afin de limiter le syndrome inflammatoire dont elle souffre. Toutefois, les différents courriers et certificats médicaux produits, rédigés par les médecins traitants et rhumatologues de l'intéressée en France, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée la préfète du Territoire de Belfort sur la disponibilité effective du traitement dans le pays d'origine. Si Mme E... verse également aux débats une attestation du 27 août 2019 d'un médecin de la direction des hôpitaux de la République d'Albanie, un tel document, qui se borne à relever l'absence sur le territoire albanais du médicament commercialisé sous la dénomination d' " Arava ", ne permet pas de conclure à l'indisponibilité du principe actif contenu dans ce médicament, ni à l'impossibilité pour la requérante de bénéficier d'autres médicaments de classe thérapeutique équivalente à celui prescrit actuellement pour son traitement. Par suite, à supposer même que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'aurait pas été informé du changement thérapeutique survenu en mai 2019, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut être accueilli.
En ce qui concerne la requête n° 20NC01866 :
6. En premier lieu, contrairement aux allégations de M. E..., la décision par laquelle la préfète du Territoire de Belfort a refusé de faire droit à sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. La seule circonstance que l'autorité administrative, qui soutient en défense ne pas en avoir été informée par l'intéressé, n'ait pas fait état de sa scolarisation en 2019-2020 au sein du lycée professionnel Denis Diderot de Bavilliers, dans le cadre du dispositif d'accompagnement des élèves allophones arrivants, ainsi que de sa volonté de suivre une formation en vue de l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle, n'est pas de nature à entacher la décision en litige d'une insuffisance de motivation. Par suite, alors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. E... ait été sollicitée au titre du travail, le moyen manque en fait et ne peut, dès lors, qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. E... est arrivé en France le 10 juillet 2016, alors qu'il était encore mineur. Il est célibataire et sans enfant à charge. Il n'établit pas, ni même n'allègue, être isolé dans son pays d'origine. Si sa soeur aînée, née le 12 décembre 1993, a été admise au séjour en qualité d'étudiante, sa mère et son autre soeur, née le 13 février 1998, font également l'objet d'une mesure d'éloignement et rien ne s'oppose à ce qu'il poursuive, avec les intéressées ainsi qu'avec son frère mineur, né le 15 octobre 2005, sa vie privée et familiale en Albanie. M. E... fait encore valoir qu'il a tout mis en oeuvre pour s'intégrer dans la société française, qu'il maîtrise le français, qu'il adhère aux valeurs de la République et qu'il a trouvé un employeur pour conclure un contrat d'apprentissage et mener à bien son projet professionnel. Toutefois, de telles circonstances, à les supposer établies, ne suffisent pas à lui conférer un droit au séjour. Par suite, alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations en cause.
9. En troisième et dernier lieu, pour les motifs exposés au point précédent, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés de la préfète du Territoire de Belfort du 9 août 2019. Par suite, ils ne sont pas davantage fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande respective. Par voie de conséquence, les conclusions des intéressés à fin d'injonction et à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de Mme et de M. E... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... pour Mme A... E... et M. F... E... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Territoire de Belfort.
N° 20NC01865 et 20NC01866 2