Par un jugement n° 1601926 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Nancy a condamné le centre hospitalier régional universitaire de Nancy à verser à M. B... une somme de 20 000 euros au titre du préjudice d'impréparation, a mis à la charge de cet établissement les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 11 904 euros, ainsi que la somme de 1 800 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2019, et deux mémoires complémentaires enregistrés les 2 juillet 2020 et 26 janvier 2021, M. A... B..., représenté par Me Beguin, doit être regardé comme demandant à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de réformer le jugement n° 1601926 du tribunal administratif de Nancy du 23 mai 2019 en tant qu'il s'est borné à condamner le centre hospitalier régional universitaire de Nancy à lui verser la somme de 20 000 euros ;
2°) de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Nancy, subsidiairement l'Office national indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à lui verser la somme totale de 681 844,20 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif et de leur capitalisation ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Nancy les frais d'expertise ;
4°) de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Nancy, subsidiairement l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, aux entiers dépens de l'instance ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Nancy, subsidiairement de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a présenté un macro-adénome hypophysaire à prolactine avec syndrome tumoral, qui a conduit le service d'endocrinologie du centre hospitalier régional universitaire de Nancy à lui prescrire un traitement médicamenteux à base de Norprolac à compter de mai 2003 ;
- il a développé une addiction au jeu induit par la prise quotidienne de ce médicament, qui appartient à la classe des agonistes dopaminergiques ;
- jusqu'au courrier du centre de pharmacovigilance du centre hospitalier régional universitaire du 27 août 2015, il n'a pas été informé des effets indésirables de son traitement médicamenteux et, plus particulièrement, des risques de ludopathie ;
- le manquement de l'établissement public de santé à son obligation d'information constitue une faute qui engage sa responsabilité ;
- ce manquement l'a privé d'une perte de chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé en prenant des mesures de précaution ;
- il est fondé à réclamer les sommes de 619 726 euros au titre de ses dépenses de jeu compulsif, de 18 618,20 euros au titre des frais financiers des emprunts contractés pour faire face à ses dettes, de 3 500 euros au titre des frais d'expertise comptable, de 20 000 euros au titre de son préjudice d'agrément et de 20 000 euros au titre de son préjudice d'impréparation.
-il est également fondé à solliciter, à titre subsidiaire, la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, dès lors qu'il remplit les conditions pour bénéficier d'une réparation au titre de la solidarité nationale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2020, et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 22 et 29 janvier 2021, le centre hospitalier régional universitaire de Nancy, représenté par Me Le Prado, conclut, à titre incident, à l'annulation des articles 1er à 3 du dispositif du jugement de première instance et, en tout état de cause, au rejet de la requête.
Il soutient, à titre principal, qu'aucun manquement à son obligation d'information ne peut lui être reproché, à titre subsidiaire, que M. B... n'a été privé d'aucune perte de chance de se soustraire au risque de ludopathie qui s'est réalisé et qu'il ne peut prétendre à être indemnisé pour les chefs de préjudice dont il se prévaut.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2021, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Welsch, conclut au rejet de la requête, à sa mise hors de cause et, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit ordonné une expertise médicale.
Il soutient que les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas remplies.
La requête a été régulièrement communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire dans la présente instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Meisse,
- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,
- et les observations de Me Beguin pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Né le 19 avril 1969 et présentant des algies vasculaires de la face, des céphalées et des troubles de la vision, M. A... B... a été pris en charge, au cours du mois de mars 2003, par le service de neurochirurgie du centre hospitalier régional universitaire de Nancy, qui lui a diagnostiqué un macroadénome hypophysaire à prolactine avec syndrome tumoral et prescrit un traitement médicamenteux à base de Norprolac, un agoniste dopaminergique dont la substance active est le quinagolide. Ce traitement a permis, au cours de la période comprise entre août 2005 et juillet 2007, de réduire significativement le volume de la tumeur et le taux de prolactine. Après avoir été suivi par son médecin traitant entre 2007 et 2015, M. B... est retourné consulter au centre hospitalier régional universitaire de Nancy afin de signaler une intolérance au Norprolac, caractérisée par la survenance d'un trouble du comportement de type addiction aux jeux ou ludopathie, dont le caractère incontrôlé se serait manifesté à compter de 2009. Estimant qu'il n'a pas été informé des effets indésirables liés à la prescription de ce médicament, le requérant a adressé à l'établissement public de santé, par un courrier du 17 mars 2016, reçu le 21 mars suivant, une demande préalable d'indemnisation. Cette demande s'étant heurtée au silence de l'administration, il a saisi, le 5 juillet 2016, le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier régional universitaire de Nancy, subsidiairement de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à lui verser la somme totale de 681 844,20 euros en réparation des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux qu'il estime avoir subis du fait du manquement de l'établissement à son obligation d'information des patients. Par un jugement n° 1601926 du 6 juillet 2017, le tribunal administratif de Nancy a ordonné, avant-dire droit, une expertise médicale aux fins de déterminer la date à laquelle les risques de ludopathie induits par le traitement médicamenteux prescrit à M. B... étaient connus de la communauté médicale et d'apprécier l'ampleur de la chance perdue par l'intéressé de refuser ce traitement si une information sur l'existence de tels risques lui avait été délivrée. Puis, le rapport d'expertise ayant été établi le 29 octobre 2018, il a, par un jugement n° 1601926 du 23 mai 2019, condamné le centre hospitalier régional universitaire de Nancy à verser au requérant une somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral d'impréparation et rejeté le surplus des conclusions indemnitaires de la demande. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la réparation au titre de la solidarité nationale :
2. Aux termes du second paragraphe de l'article L.1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ". Aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. / A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence. ".
3. Il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est pas allégué, que la ludopathie développée par M. B... aurait occasionné chez l'intéressé une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique dont le taux serait supérieur à 24 %. Elle n'a pas davantage entraîné des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %, ni un arrêt temporaire des activités professionnelles de l'intéressé, qui est gérant d'une société de vêtements et d'accessoires de sport, ni, à plus forte raison, une inaptitude définitive à l'exercice de l'activité professionnelle. M. B... fait cependant valoir que, du fait de l'affection iatrogène dont il a été victime, il a subi des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence. Il soutient ainsi que son addiction pathologique au jeu a conduit à son isolement social et familial et à la dilapidation de son patrimoine. Toutefois, si le requérant affirme avoir pris conscience de sa ludopathie dès 2005, aucun élément ne vient étayer l'existence d'une telle addiction au jeu entre 2003 et 2009. De même, il n'est pas contesté que l'intéressé est parvenu à contrôler cette addiction à compter de 2015. Enfin, les éléments versés au dossier par M. B..., qu'il s'agisse des attestations de sa fille, de sa compagne, de ses deux frères et de son associé, dont certaines sont très peu circonstanciées, ou du rapport d'expertise comptable du 5 août 2015, qui omet de mentionner les gains éventuels liés au jeu ou, à l'inverse, fait état de nombreuses dépenses ou retraits d'espèces dont le lien avec la ludopathie de M. B... n'est pas avéré, ne suffisent pas à démontrer qu'il aurait subi des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence. En particulier, le requérant, qui a continué à exercer son activité professionnelle et qui indique gagner correctement sa vie, n'établit pas, ni même n'allègue que son divorce, survenu en 2012, serait lié à son addiction au jeu. De même, l'intéressé, qui a une nouvelle compagne depuis 2013, n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations selon lesquelles il serait interdit bancaire et aurait été contraint de vendre sa maison pour payer ses dettes. Par suite, l'affection iatrogène de M. B... ne satisfaisant pas au critère de gravité, il ne peut prétendre à être indemnisé au titre de la solidarité nationale. Il y a lieu, dès lors, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale, de mettre l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales hors de cause.
En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire de Nancy :
S'agissant de la faute :
4. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. / La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission. / (...) ".
5. En application de ces dispositions, doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. Il suit de là que la circonstance qu'un risque de décès ou d'invalidité répertorié dans la littérature médicale ne se réalise qu'exceptionnellement ne dispense pas les médecins de le porter à la connaissance du patient.
6. Il résulte de l'instruction que M. B... n'a pas été informé du risque de développer une ludopathie induit par la prise de Norprolac, tant lors de la mise en place du traitement médicamenteux en 2003 que lors du suivi de ce traitement. Il n'a pris connaissance de l'existence de ce risque qu'avec le courrier du 27 août 2015 du service de pharmacologie clinique et de toxicologie du centre régional de pharmacovigilance du centre hospitalier régional universitaire de Nancy, lequel reprend le résumé des caractéristiques du produit du médicament prescrit. Contrairement aux allégations du requérant, il ne résulte pas de l'instruction et, plus particulièrement, des différentes études médicales versées aux débats par l'intéressé, lesquelles, au demeurant, concernent essentiellement le cas de patients soignés pour la maladie de Parkinson, que le risque de développement d'une ludopathie par les patients traités aux agonistes dopaminergiques était identifié, avant l'année 2009, comme suffisamment fréquent ou comme suffisamment grave pour nécessiter une information systématique de l'ensemble des personnes traitées dans le cadre de l'obligation résultant de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique. En revanche, à la suite de l'identification d'un tel risque par l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé, mentionné dans sa lettre et sa note de pharmacovigilance établies respectivement en juillet et en octobre 2009 à l'intention des professionnels de santé, qui a conduit à modifier le résumé des caractéristiques du Norprolac et la notice de ce médicament, il appartenait au centre hospitalier régional universitaire de Nancy, qui avait gardé contact avec le médecin traitant de l'intéressé, ainsi que l'atteste le courrier du 6 juillet 2007 adressé par un praticien du service d'endocrinologie, et qui n'était donc pas dans l'impossibilité de le retrouver, d'informer M. B... des effets indésirables liés à la prise de ce médicament, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le requérant n'était plus, à cette date, suivi par l'établissement public de santé et qu'il n'avait pas fait état de son addiction au jeu. Par suite, alors même que le rapport d'expertise du 29 octobre 2018 considère une telle obligation comme difficilement réalisable, le centre hospitalier régional universitaire de Nancy, eu égard à sa qualité de prescripteur du traitement médicamenteux en cause, doit être regardé comme ayant manqué à son obligation d'information à compter du mois de juillet 2009 et commis une faute qui engage sa responsabilité.
S'agissant de la perte de chance :
7. En cas de manquement à l'obligation d'information mentionnée aux points 4 et 5, lorsque l'acte de diagnostic ou de soin entraîne, pour le patient, y compris s'il a été réalisé conformément aux règles de l'art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n'a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l'établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, compte tenu de ce qu'étaient l'état de santé du patient et son évolution prévisible en l'absence de réalisation de l'acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées, ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu'il aurait fait, qu'informé de la nature et de l'importance de ce risque, il aurait consenti à l'acte en question.
8. Il résulte du rapport d'expertise du 29 octobre 2018 que le choix d'un traitement médicamenteux à base de Norprolac était prioritaire au regard du macroadénome hypophysaire à prolactine avec syndrome tumoral diagnostiqué chez M. B..., les alternatives thérapeutiques envisageables, telle que l'exérèse chirurgicale ou la radiothérapie, dont il n'est pas démontré qu'elles étaient ignorées de l'intéressé, ne présentant pas une efficacité supérieure ou des risques moindres. Il est constant que le traitement a permis une diminution significative du volume de la tumeur et du taux de prolactine et que le requérant, bien qu'informé des risques de ludopathie en 2015, a néanmoins décidé de le poursuivre avec le même dosage. Dans ces conditions, le manquement du centre hospitalier régional universitaire de Nancy à son obligation d'information à compter du mois de juillet 2009 n'a pas privé M. B... d'une perte de chance d'échapper à l'affection iatrogène dont il a été victime en interrompant définitivement le traitement. Si l'intéressé fait valoir qu'il aurait été privé d'une perte de chance de poursuivre le traitement sans être exposé, par l'adoption de mesures adéquates, à ses effets indésirables, une telle considération, si elle peut ouvrir droit à réparation au titre du préjudice d'impréparation, est, en revanche, sans incidence sur l'appréciation de la perte de chance.
S'agissant du préjudice d'impréparation :
9. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser le traitement, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences du traitement doit, quant à elle, être présumée.
10. M. B... fait valoir que, dûment informé des effets indésirables du Norprolac, son entourage aurait pu surveiller ses mouvements bancaires et alerter, en tant que de besoin, le personnel médical afin de modifier la posologie ou de changer le traitement. Il ajoute que des mesures plus contraignantes auraient pu également être mises en place, telles qu'une inscription au fichier national des interdits de jeux. Dans les circonstances de l'espèce, alors qu'il n'est pas contesté que l'intéressé a procédé à une telle inscription dès 2015 et que, depuis lors, il parvient à gérer son addiction au jeu, il sera¸ eu égard aux éléments analysés au point 3 du présent arrêt, fait une juste appréciation de l'ensemble du préjudice d'impréparation subi par le requérant en lui allouant la somme de 40 000 euros à ce titre.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy s'est borné à condamner le centre hospitalier régional universitaire de Nancy à lui verser la somme de 20 000 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires.
S'agissant des intérêts :
12. La somme de 40 000 euros mise à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Nancy sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2016, date d'enregistrement de la demande de première instance, comme le sollicite le requérant, et les intérêts échus au 2 juillet 2020, date à laquelle l'anatocisme a été sollicité, puis tous les douze mois consécutifs à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
Sur les dépens :
13. Il y a lieu de laisser les frais d'expertise de première instance, liquidés et taxés à la somme de 11 904 euros, à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Nancy. L'instance d'appel n'ayant pas généré de dépens, les conclusions de M. B... à fin d'application des dispositions de l'article R.761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions incidentes du centre hospitalier universitaire régional de Nancy :
14. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, les conclusions du centre hospitalier régional universitaire de Nancy tendant, à titre incident, à l'annulation des articles 1er à 3 du dispositif du jugement de première instance ne peuvent qu'être écartées.
Sur les frais de justice :
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Nancy le versement à M. B... d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le centre hospitalier régional universitaire de Nancy versera à M. B... la somme de 40 000 euros au titre du préjudice d'impréparation.
Article 2 : Cette somme sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2016 et les intérêts échus au 2 juillet 2020, puis tous les douze mois consécutifs à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le jugement de première instance est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le centre hospitalier régional universitaire de Nancy versera à M. B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Les conclusions incidentes du centre hospitalier régional universitaire de Nancy sont rejetées.
Article 7 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est mis hors de cause.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au centre hospitalier régional universitaire de Nancy, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président de de la chambre,
- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,
- M. Meisse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2022.
Le rapporteur,
Signé : E. MEISSE
Le président,
Signé : Ch. WURTZ
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 19NC02340 2