Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 juin 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de la cohésion des territoires demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 2 mai 2017 ;
2°) de rejeter la demande de M. Davrainville.
Ils soutiennent que :
- seul un texte législatif ou réglementaire peut instituer une prime ; la note de gestion de 2011 ne peut fonder le droit à une indemnité pour intérim ;
- la note de gestion du 11 octobre 2011 n'est pas applicable à M. Davrainville en application de l'article 1er du décret n°2008-1281 du 8 décembre 2008 dès lors qu'elle n'a pas été mise à disposition sur le site internet " http://circulaires.legifrance.gouv.fr/ " ni sur aucun autre site internet ;
- l'administration aurait pu prendre la même décision en se fondant sur l'inapplicabilité de la note de gestion ; ce motif peut être substitué au motif initial ;
- il n'est pas établi que l'administration aurait procédé à la rémunération d'intérim au profit d'autres agents sur le fondement de la note de gestion du 11 octobre 2011 ; quand bien même cela aurait été le cas, cette circonstance ne créé aucun droit au profit de M. Davrainville ; il ne peut donc invoquer le principe d'égalité de traitement pour justifier le bénéfice d'un avantage illégal.
Par des mémoires, enregistrés le 3 novembre 2017 et le 29 novembre 2018, M. B... Davrainville, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 1 800 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la prime d'intérim a pour fondement le décret n°2008-1533 du 22 décembre 2008 auquel renvoie la note du 11 octobre 2011 ; il s'agit d'un versement exceptionnel de la part de résultats de la prime de fonctions et de résultats ; si ce cadre réglementaire a été modifié par le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014, cela n'a pas d'incidence dès lors que la note de gestion du 11 octobre 2011 n'a pas été abrogée par celle du 30 septembre 2016 ;
- la note de gestion du 11 octobre 2011 a été publiée au bulletin officiel ; le décret du 8 décembre 2008 concerne les relations entre l'administration et les administrés ;
- la note de gestion du 11 octobre 2011 s'applique bien à l'intérim " descendant " ;
- la substitution de motifs ne se justifie pas dès lors que l'indemnisation de l'intérim est fondée sur le décret du 22 décembre 2008 et celui du 20 mai 2014 ;
- la rémunération de l'intérim étant légale, il peut se prévaloir de la rupture d'égalité de traitement avec ses collègues ;
- l'administration a abrogé, par une décision du 7 février 2018, la note de gestion du 11 octobre 2011 et invité les préfets de région et directeur d'administration à ne pas indemniser l'intérim au-delà du 31 mars 2018, démontrant ainsi l'existence d'une indemnisation antérieure ;
- l'administration s'est enrichie sans cause, ouvrant ainsi droit à l'indemnisation des périodes d'intérim.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité du moyen tiré de l'enrichissement sans cause comme procédant d'une cause juridique nouvelle en appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;
- le décret n° 2008-1533 du 22 décembre 2008 ;
- la note de gestion du 11 octobre 2011 relative aux modalités d'indemnisation des intérims ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Barteaux,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour M. Davrainville.
Considérant ce qui suit :
1. M. Davrainville, secrétaire général adjoint de la direction interdépartementale des routes-Est, a assuré l'intérim, au sein de cette direction, du poste de responsable de l'unité " affaires juridiques marchés publics " pour la période du 15 avril au 30 juin 2014 puis de responsable de l'unité " affaires juridiques " à compter du 10 avril 2015. Ayant pris connaissance de deux courriels excluant l'indemnisation des intérims qualifiés de " descendants ", il a présenté, le 1er juillet 2015, un recours gracieux tendant au paiement de la prime correspondant aux périodes d'intérim qu'il avait effectuées en application d'une note de gestion du 11 octobre 2011. Cette demande a été implicitement rejetée par le directeur interdépartemental des routes-Est. Par un jugement du 2 mai 2017, le tribunal administratif de Nancy a annulé ce refus implicite et a enjoint à l'administration de verser à M. Davrainville les compléments indemnitaires correspondant aux périodes d'intérim qu'il a effectuées du 15 avril 2014 au 30 juin 2014 et du 10 avril 2015 au 31 août 2016, dans la limite des plafonds règlementaires auxquels renvoie la note de gestion du 11 octobre 2011.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. (...)".
3. D'autre part, aux termes de l'article 2 du décret n° 2008-1533 du 22 décembre 2008 alors en vigueur : " La prime de fonctions et de résultats comprend deux parts : / - une part tenant compte des responsabilités, du niveau d'expertise et des sujétions spéciales liées aux fonctions exercées ; - une part tenant compte des résultats de la procédure d'évaluation individuelle prévue par la réglementation en vigueur et de la manière de servir ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " Un arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget ainsi que, le cas échéant, du ministre intéressé fixe pour chaque grade ou emploi, dans la limite d'un plafond : /- les montants annuels de référence de la part pouvant être attribuée au titre de la fonction ; / - les montants annuels de référence de la part liée aux résultats de la procédure d'évaluation individuelle et à la manière de servir ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " Les montants individuels de la part fonctionnelle et de la part liée aux résultats de l'évaluation et à la manière de servir sont respectivement déterminés comme suit : / I. - S'agissant de la part fonctionnelle, l'attribution individuelle est déterminée par application au montant de référence d'un coefficient multiplicateur compris dans une fourchette de 1 à 6 au regard des responsabilités, du niveau d'expertise et des sujétions spéciales liées à la fonction exercée. / Les agents logés par nécessité absolue de service perçoivent, le cas échéant, une part fonctionnelle affectée d'un coefficient compris dans une fourchette de 0 à 3. / II. - S'agissant de la part tenant compte des résultats de la procédure d'évaluation individuelle prévue par la réglementation en vigueur et de la manière de servir, le montant de référence est modulable par application d'un coefficient compris dans une fourchette de 0 à 6. / (...) / Tout ou partie de cette part peut être attribué au titre d'une année sous la forme d'un versement exceptionnel, pouvant intervenir une à deux fois par an et non reconductible automatiquement d'une année sur l'autre ". Aux termes de l'article 6 de ce même décret : " La prime de fonctions et de résultats est versée selon une périodicité mensuelle ". Aux termes de l'article 7 de ce même décret : " La prime de fonctions et de résultats est exclusive de toutes autres indemnités liées aux fonctions et à la manière de servir à l'exception de celles énumérées par arrêté du ministre chargé de la fonction publique, du ministre chargé du budget et du ministre intéressé ".
4. Enfin, aux termes de l'article 1er du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 : " Les fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 susvisée peuvent bénéficier, d'une part, d'une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et, d'autre part, d'un complément indemnitaire annuel lié à l'engagement professionnel et à la manière de servir (...) ". L'article 2 de ce décret dispose que : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est fixé selon le niveau de responsabilité et d'expertise requis dans l'exercice des fonctions. / Les fonctions occupées par les fonctionnaires d'un même corps ou statut d'emploi sont réparties au sein de différents groupes (...)/ Le nombre de groupes de fonctions est fixé pour chaque corps ou statut d'emploi par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé./ Ce même arrêté fixe les montants minimaux par grade et statut d'emplois, les montants maximaux afférents à chaque groupe de fonctions et les montants maximaux applicables aux agents logés par nécessité de service./ Le versement de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est mensuel ". Selon l'article 4 de ce décret : " Les fonctionnaires mentionnés à l'article 1er peuvent bénéficier d'un complément indemnitaire annuel qui tient compte de l'engagement professionnel et de la manière de servir, appréciée dans les conditions fixées en application de l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. / Il est compris entre 0 et 100 % d'un montant maximal par groupe de fonctions fixé par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé. / Le complément indemnitaire fait l'objet d'un versement annuel, en une ou deux fractions, non reconductible automatiquement d'une année sur l'autre ". L'article 5 de ce décret prévoit que ces deux indemnités sont exclusives de toutes autres primes et indemnités liées aux fonctions et à la manière de servir, à l'exception de celles énumérées par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget.
5. Par la note de gestion du 11 octobre 2011 relative aux modalités d'indemnisation des intérims, le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ne s'est pas borné, en sa qualité de chef de service, à adresser des recommandations aux services placés sous son autorité concernant les modalités de mise en oeuvre de la prime de fonctions et de résultats mais a fixé le montant et les modalités de rémunération de l'intérim. A cet égard, il a déterminé le montant mensuel de cette prime à 350 euros pour les agents de catégorie A+ et à 250 euros pour ceux de catégorie A et B, financée à partir du régime indemnitaire applicable à chaque catégorie d'agent dans la limite des plafonds réglementaires. Une telle prime, déterminée forfaitairement en fonction de la durée de l'intérim, indépendamment notamment de l'évaluation et de l'appréciation de la manière de servir du fonctionnaire, ne satisfait pas aux modalités de détermination de la prime de fonctions et de résultats définies par le décret du 22 décembre 2008 applicable à la situation de M. Davrainville. S'il était loisible au ministre d'inciter les services placés sous son autorité à tenir compte de l'intérim effectué par un agent pour déterminer le montant de ses indemnités, il ne tenait ni de ce décret, ni d'aucune autre disposition la compétence pour modifier les modalités d'attribution de la prime de fonctions et de résultats en vue de permettre la rémunération spécifique et forfaitaire des intérims.
6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur cette note de gestion du 11 octobre 2011 pour annuler la décision implicite refusant d'accorder à M. Davrainville la prime correspondant aux deux périodes d'intérim qu'il a effectuées et enjoindre à l'administration de lui accorder cette prime d'intérim.
7. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Davrainville devant le tribunal administratif de Nancy et devant la cour.
8. En premier lieu, ni les dispositions du décret du 22 décembre 2008, qui instituent la prime de fonctions et de résultats, ni celles du décret du 20 mai 2014 qui a institué l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et le complément indemnitaire annuel, qui se sont substituées à la prime de fonctions et de résultats, ne prévoient l'attribution d'un complément indemnitaire spécifique et forfaitaire pour tenir compte des sujétions liées à un intérim. Il s'ensuit que M. Davrainville n'est pas fondé à soutenir que les dispositions précitées des décrets des 22 décembre 2008 et 20 mai 2014 constituent la base légale de cette prime.
9. En deuxième lieu, M. Davrainville ne peut utilement se prévaloir de l'attribution d'une " prime d'intérim " à d'autres fonctionnaires en application de la note de gestion du 11 octobre 2011 dès lors que le principe d'égalité devant la loi ne peut être invoqué pour justifier le bénéfice d'un avantage illégal.
10. En dernier lieu, M. Davrainville n'est pas recevable, à l'appui de ses conclusions indemnitaires, à se prévaloir, pour la première fois en appel, de l'enrichissement sans cause qui procède d'une cause juridique distincte de celle qui fondait sa demande formée devant les premiers juges.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la transition écologie et solidaire et le ministre de la cohésion des territoires sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision implicite du directeur interdépartemental des routes-Est.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande M. Davrainville au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 2 mai 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Davrainville devant le tribunal administratif de Nancy est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. Davrainville sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...Davrainville et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de la cohésion des territoires.
N° 17NC01388 2