Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er décembre 2015, MmeD..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler la décision du 1er mars 2012.
Elle soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- il ressort des pièces du dossier que le harcèlement moral qu'elle subissait sur son lieu de travail est caractérisé ;
- la décision contestée est entachée de détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2016, la commune de Marange-Silvange, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en l'absence de motivation, la requête d'appel est irrecevable ;
- aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fuchs,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour la commune de Marange-Silvange.
1. Considérant que Mme D...a été recrutée par la commune de Marange-Silvange en qualité de secrétaire du maire et du directeur général des services à compter du mois d'août 1989 ; qu'à son retour de congé parental le 3 août 2004, elle a occupé les fonctions de responsable du service " Fêtes et cérémonies, affaires culturelles, animation, jeunesse et vie associative " de la commune ; qu'elle a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande d'annulation de la décision du 1er mars 2012 par laquelle le maire de Marange-Silvange a rejeté sa demande du 11 janvier 2012 tendant au versement d'une indemnité de 20 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi dans l'exercice de ces fonctions ; qu'elle relève appel du jugement du 29 septembre 2015 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande ;
2. Considérant que MmeD..., qui demande l'annulation de la décision ayant rejeté sa demande indemnitaire préalable et à ce qu'il soit enjoint à la commune de lui verser une somme de 20 000 euros, doit être regardée, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Strasbourg, comme recherchant la responsabilité de la commune de Marange-Silvange en raison des faits de harcèlement moral qu'elle estime avoir subis ;
3. Considérant, en premier lieu, que la décision du maire de Marange-Silvange du 1er mars 2012 a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de la demande indemnitaire que Mme D...avait présentée le 11 janvier 2012 ; que, ainsi qu'il a été dit au point précédent, la requérante doit être regardée comme demandant la condamnation de la commune à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ; que, au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressée à percevoir la somme qu'elle réclame, les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée la décision qui a lié le contentieux sont sans incidence sur la solution du litige ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision est inopérant ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...) " ;
5. Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
6. Considérant, d'autre part, que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;
7. Considérant que la requérante soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral à compter du 3 août 2004, date à laquelle elle est revenue de congé parental ; qu'elle n'apporte aucun élément de nature à établir que les fonctions de responsable du service " Fêtes et cérémonies, affaires culturelles, animation, jeunesse et vie associative " qui lui ont été confiées à son retour de congé parental se caractériseraient par de moindres responsabilités que celles qu'elle occupait auparavant ; qu'elle n'établit pas que son avancement aurait été bloqué alors qu'elle a été nommée au grade d'adjoint principal de 1ère classe le 1er juillet 2007 et que ses changements d'échelon se sont effectués à l'ancienneté minimale ; qu'elle n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle se serait plainte de ses conditions de travail ou aurait manifesté son désaccord quant à sa nouvelle affectation ou durant les huit années écoulées entre celle-ci et sa demande indemnitaire, ou encore que son absence de nomination au tableau d'avancement ou son installation matérielle révèleraient des faits de harcèlement moral ; que les faits reprochés par la requérante à sa hiérarchie se limitent à des ordres contradictoires très ponctuels ne pouvant en tout état de cause caractériser une gestion excédant le cadre normal des conditions de travail ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les tensions qui ont pu exister avec son employeur au cours de l'année 2011 alors qu'elle exerçait des fonctions de déléguée du personnel aient excédé le cadre syndical ; qu'ainsi, Mme D...n'apporte pas d'élément de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ;
8. Considérant, en dernier lieu, que MmeD..., qui n'apporte aucune précision sur ce point, n'établit pas l'existence d'un détournement de pouvoir ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en appel par la commune de Marange-Silvange, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Marange-Silvange, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, la somme demandée par Mme D...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la requérante une somme de 500 euros à verser à la commune de Marange-Silvange, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Mme D...versera à la commune de Marange-Silvange une somme de 500 euros (cinq cents euros) sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...et à la commune de Marange-Silvange.
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N° 15NC02376