Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 mai 2018, le préfet du Bas-Rhin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg du 11 mai 2018 ;
2°) de rejeter la demande de M. C...devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Il soutient que
- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il avait commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant la remise de M. C...aux autorités autrichiennes, dès lors notamment que la demande d'asile de l'intéressé était toujours en cours d'instruction en Autriche ;
- c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- M. C...n'a pas justifié des frais dont le remboursement a été demandé sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2018, M. D...C..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une attestation de demande d'asile et un formulaire de demande d'asile, dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le préfet n'est fondé et que, subsidiairement, les autres moyens qu'il a soulevés en première instance justifient l'annulation de la décision en litige.
Par une décision du 10 juillet 2018, le président du bureau d'aide juridictionnelle a maintenu la décision du 16 mai 2018 accordant à M. C...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête compte tenu de l'expiration du délai de 6 mois courant à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, interrompu jusqu'à la date à laquelle le tribunal administratif a statué au principal, rendant la France responsable de la demande de protection internationale de M. C...(A..., 24 septembre 2018, n° 420708).
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Haudier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant afghan né en 1996, indique être entré irrégulièrement en France le 24 février 2018 afin d'y solliciter l'asile. Après avoir constaté que les empreintes de l'intéressé avaient été relevées en Autriche, le préfet a présenté une demande de prise en charge de l'intéressé par les autorités autrichiennes, laquelle a été acceptée le 16 avril 2018. Par un arrêté du 16 avril 2018, le préfet du Bas-Rhin a décidé le transfert de M. C...vers l'Autriche en vue de l'examen de sa demande d'asile. Le préfet du Bas-Rhin relève appel du jugement du 11 mai 2018, par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.
Sur le non-lieu :
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 de ce code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit enfin que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
5. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 16 avril 2018 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a ordonné le transfert de M. C...vers l'Autriche est intervenue moins de six mois après la décision par laquelle l'Autriche a donné son accord pour sa prise en charge, dans le délai d'exécution du transfert fixé par l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Ce délai a été interrompu par l'introduction, par M.C..., du recours qu'il a présenté contre cette décision sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Un nouveau délai de six mois a commencé à courir à compter du jugement du tribunal administratif Strasbourg du 11 mai 2018 qui a annulé la décision de transfert en litige. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que ce délai aurait été prolongé, en application des dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Ainsi, à la date du 11 novembre 2018, la France est devenue responsable de l'examen de la demande de protection internationale de M.C.... Il s'ensuit qu'à cette date, la décision de transfert est devenue caduque et ne pouvait plus être légalement exécutée. Cette caducité étant intervenue postérieurement à l'introduction de l'appel, les conclusions de la requête du préfet du Bas-Rhin tendant à l'annulation du jugement du 11 mai 2018 sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.
Sur les frais liés à la première instance :
6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
7. La magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à MeB..., sous réserve que cette dernière renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle. En se bornant à soutenir que les frais exposés par Me B...à ce titre ne ressortent pas de pièces du dossier, le préfet n'apporte pas d'éléments suffisants pour remettre en cause le bien-fondé de cette somme.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L . 761-1 du code de justice administrative :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. C...présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête du préfet du Bas-Rhin tendant à l'annulation du jugement du 11 mai 2018 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg annulant l'arrêté du 16 avril 2018.
Article 2 : La requête du préfet du Bas-Rhin est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. C...sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
2
N° 18NC01592