Par une requête enregistrée le 29 mars 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 20 mars 2018 et de rejeter la demande de MmeC....
Il soutient que :
- il pouvait refuser un titre de séjour à Mme C...sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'intéressée est entrée en France en 2014 en méconnaissance des règles applicables à l'entrée des étrangers, qu'elle a vécu jusqu'à l'âge de 34 ans dans son pays d'origine, qu'elle a vécu séparée de son époux pendant quatre ans, qu'elle ne justifie pas de l'existence d'une vie commune, ni d'une insertion dans la société française, et que les ressources de son conjoint, dont elle dépend, sont insuffisantes ;
- l'acte contesté a été pris par une autorité compétente ;
- il a estimé, sans se sentir en situation de compétence liée, qu'il n'avait pas à exercer son pouvoir discrétionnaire pour régulariser la situation de MmeC....
Par un mémoire en défense enregistré le 16 juin 2018, Mme E... C...épouse A..., représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête, à ce que l'aide juridictionnelle provisoire lui soit accordée, à ce qu'il soit enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision contestée est entachée d'incompétence ;
- eu égard à sa situation en France, le refus de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante algérienne née le 22 mai 1980, déclare être entrée en France en 2014, accompagnée de ses deux enfants mineurs, pour rejoindre son époux, également ressortissant algérien, titulaire d'une carte de résident d'une durée de dix ans. Elle a demandé la délivrance d'un certificat de résidence en se prévalant de sa situation personnelle et familiale et, notamment, de la naissance de deux autres enfants sur le territoire français en 2014 et 2015. Par une décision du 26 octobre 2016, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Le préfet de Meurthe-et-Moselle relève appel du jugement du 20 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision.
Sur l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Mme C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juin 2018. Il n'y a donc plus lieu de statuer sur sa demande tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :
3. Mme C...a donné naissance à son premier enfant en 2002, en Algérie, alors qu'elle était en couple avec M.A.... Si le couple s'est ensuite séparé avec le départ de M. A...pour la France en 2003, il ressort des pièces du dossier que Mme C...et M. A...ont repris leur relation, se sont mariés en 2010 et ont eu un deuxième enfant en 2012. La requérante est entrée en France en 2014, accompagnée de ses deux enfants mineurs, afin de rejoindre son époux qui réside régulièrement sur le territoire français sous couvert d'un certificat de résidence d'une durée de dix ans délivré le 20 février 2015. Deux autres enfants sont nés sur le territoire français en 2014 et en 2015. Si Mme C...a vécu séparée de son conjoint pendant quatre ans, elle justifie suffisamment de sa vie commune avec son époux, avec lequel elle a eu trois enfants entre 2012 et 2015. Compte tenu du certificat de résidence dont il est titulaire et de sa situation professionnelle sur le territoire français, M. A... n'a pas vocation à retourner en Algérie. La requérante soutient sans être contredite par le préfet que ses parents résident régulièrement en France. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, le préfet de Meurthe-et-Moselle, en refusant de délivrer un titre de séjour à MmeC..., a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de l'intéressée.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé sa décision du 26 octobre 2016.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Nancy a enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer un titre de séjour à Mme C...dans le délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement. La requérante réitère en appel ses conclusions à fin d'injonction sans alléguer que le préfet se serait refusé à répondre à la mesure d'injonction décidée par les premiers juges. Il ressort au contraire des pièces produites par l'intéressée en appel qu'un certificat de résidence lui a été délivré à la suite du jugement attaqué. Dans ces conditions, ses conclusions à fin d'injonction présentées en appel ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme dont Mme C...demande le versement sur le fondement des dispositions précitées.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle de MmeC....
Article 2 : La requête du préfet de Meurthe-et-Moselle est rejetée.
Article 3 : Les conclusions d'appel de Mme C...sont rejetées pour le surplus.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à MmeE... C... épouse A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 18NC01042