Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 juillet 2016 et deux mémoires en réplique enregistrés le 14 mars 2018 et le 9 mai 2018, la société Aquatrium, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nancy du 31 mai 2016 en tant qu'il a limité le montant des réparations à la somme de 31 770 euros ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 288 066 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2011 et la capitalisation de ces intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en tant qu'il limite à la somme de 11 770 euros l'indemnisation allouée en réparation des frais d'expert et d'avocat ;
- les refus d'autorisation des 12 novembre 2002, 15 octobre 2003, 22 février 2008 et 15 janvier 2009 sont entachés d'illégalité et lui ont fait perdre une chance sérieuse de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
- elle remplissait les conditions requises pour exploiter le procédé de " Spirofiltration ", que celui-ci soit mis en oeuvre au stade du traitement des eaux ou au stade de l'affinage de ce traitement ;
- la demande initiale de mise sur le marché portait sur un procédé non innovant qui ne nécessitait aucune autorisation ;
- l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments s'est prononcée contre la mise sur le marché du procédé de " Spirofiltration ", utilisé pour la finition du traitement des eaux, alors que la société anonyme de gestion des eaux de Paris, dont les représentants siègent au sein de l'agence, utilise un procédé équivalent sans bénéficier d'autorisation ;
- les expérimentations conduites en 2006 sur le procédé de " Spirofiltration ", utilisé pour la clarification directe et la clarification par prétraitement, n'étaient pas nécessaires dès lors que ces deux modes de filtration figurent dans la liste des procédés autorisés de potabilisation de l'eau ;
- les refus d'autorisation n'ont pas permis la conclusion de deux marchés pour lesquels elle avait remporté l'appel d'offres ou ont fait obstacle à ce qu'elle conclue de tels contrats avec plusieurs collectivités intéressées, correspondant à un préjudice évalué à 783 084 euros ;
- ces refus ont entrainé la cessation de toute action commerciale à compter du 19 octobre 2003, la privant d'un chiffre d'affaires évalué à 694 400 euros ;
- l'impossibilité d'exploiter son procédé de filtration dans d'autres pays européens est à l'origine d'une perte de redevances évaluée à 210 000 euros ;
- elle a exposé des dépenses supplémentaires à raison des expérimentations conduites en 2006 et de la procédure contentieuse devant le Conseil d'Etat pour un montant de 150 582 euros ;
- la dévalorisation de son image et la discrimination dont elle a été victime en raison des avis de l'agence française de sécurité des aliments est à l'origine d'un préjudice moral évalué à 450 000 euros ;
- ses demandes indemnitaires ne sont pas prescrites.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 1er décembre 2016 et le 20 avril 2018, la ministre des affaires sociales et de la santé conclut au rejet de la requête et, par la voie d'un appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a condamné l'Etat à indemniser le préjudice moral subi par la société requérante pour un montant de 20 000 euros.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés ;
- la société requérante ne justifie pas d'un préjudice moral dès lors que les avis défavorables de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments n'ont pas été publiés et qu'elle ne produit aucun élément démontrant que les décisions litigieuses auraient eu des conséquences sur sa notoriété.
Par une ordonnance du 23 avril 2018, l'instruction a été close à la date du 9 mai 2018, à 16 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 89-3 du 3 janvier 1989 ;
- le décret n° 2001-1220 du 20 décembre 2001 ;
- le décret n° 2007-49 du 11 janvier 2007 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour la société Aquatrium.
Une note en délibéré a été présentée pour la société Aquatrium le 26 octobre 2018.
Considérant ce qui suit :
1. La société Aquatrium a déposé le 22 mars 2002 à l'Institut national de la propriété industrielle un brevet d'invention correspondant à un procédé de traitement des eaux destinées à la consommation humaine, dénommé " Spirofiltration ", mettant en oeuvre la technique de la filtration lente des eaux brutes dans une série de bacs successifs. Dès le 14 novembre 2001, la société a saisi le ministre de la santé en vue d'obtenir une autorisation préalable à la commercialisation de son procédé de " Spirofiltration ". Consultée, l'Agence française de la sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) a donné un avis défavorable le 28 octobre 2002, conduisant le ministre à rejeter la demande d'autorisation par une décision du 12 novembre 2002. La société Aquatrium a de nouveau saisi l'administration, les 6 janvier et 24 février 2003, en vue d'obtenir l'autorisation d'expérimenter son procédé, équipé d'une injection de coagulants, dans la perspective d'obtenir l'autorisation de mise sur le marché. Au vu de l'avis de l'AFSSA du 19 septembre 2003 se prononçant en faveur de cette demande, la société Aquatrium a été autorisée par l'administration le 15 octobre 2003 à conduire une phase d'expérimentation sur les sites de Lavallée et Rarécourt (Meuse). A l'issue de ces essais réalisés au cours de l'année 2006, la société a demandé au ministre de la santé de se prononcer sur la possibilité d'utiliser le procédé de " Spirofiltration " pour le traitement des eaux destinées à la consommation humaine en ce qui concerne la turbidité, le fer, le manganèse, les sulfures, l'ammonium, les matières organiques biodégradables, les micropolluants et les micro-organismes. Par un avis rendu 4 février 2008, l'AFSSA a sursis à statuer sur cette demande au motif que les essais ne permettaient pas de se prononcer, en l'état du dossier, sur l'innocuité et l'efficacité du procédé développé par la société requérante. Le ministre de la santé a en conséquence refusé, le 22 février 2008, que ce procédé soit mis sur le marché français pour le traitement de l'eau dans les conditions demandées et a invité la société à produire les éléments complémentaires sollicités par l'AFSSA. Par deux courriers des 13 mai et 3 juin 2008, la société requérante a transmis de nouveaux éléments à l'administration et modifié sa demande initiale en précisant que le champ d'application du procédé de " Spirofiltration " s'étend aux étapes de prétraitement, de clarification dite " totale " et de finition, afin d'obtenir en sortie de filtre une eau traitée respectant les normes de qualité en vigueur. Saisie de cette nouvelle demande, l'AFSSA a émis le 1er décembre 2008 un avis défavorable à la mise sur le marché de ce procédé pour la réduction de la turbidité des eaux au titre des étapes de clarification et de finition. Au vu de cet avis, le ministre de la santé a informé la société Aquatrium, par un courrier du 15 janvier 2009, que, si son dispositif de traitement des eaux pouvait être regardé comme autorisé pour l'étape de prétraitement, il ne pouvait en revanche être commercialisé en ce qui concerne les étapes de clarification et de finition. Par une décision n° 319828 du 11 février 2011, le Conseil d'Etat a annulé les décisions précitées du 22 février 2008 et du 15 janvier 2009. La société Aquatrium a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à l'indemnisation des préjudices, évalués à 2 288 066 euros, qu'elle estime avoir subis à raison de l'illégalité des décisions des 12 novembre 2002, 15 octobre 2003, 22 février 2008 et 15 janvier 2009. Elle relève appel du jugement du 31 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Nancy a limité le montant des réparations mises à la charge de l'Etat à la somme de 31 770 euros. Par la voie d'un appel incident, le ministre de la santé demande la réformation de ce même jugement en tant qu'il a condamné l'Etat à indemniser la société de son préjudice moral pour un montant de 20 000 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La société Aquatrium a notamment demandé devant le tribunal administratif à être indemnisée d'un " surcroît de dépenses ", chiffré au montant total de 150 582 euros, à raison des quatre dossiers administratifs réalisés au titre de la procédure d'autorisation, des frais qu'elle a engagés afin d'assurer le suivi des expérimentations sur site et d'en exploiter les résultats, de sa participation à la conception des documents techniques et juridiques destinés à conforter ses demandes, ainsi que des honoraires d'avocat et des frais d'expertise exposés dans le cadre de l'instance devant le Conseil d'Etat. Répliquant au ministre de la santé qui contestait la réalité de ce dernier poste de préjudice, la société a produit deux attestations de son expert comptable par lesquelles celui-ci atteste le versement d'une somme de 38 197,58 euros au cabinet d'avocats de la société et le versement d'une somme de 11 770 euros à l'expert. Au point 21 du jugement attaqué, le tribunal administratif a admis que la société Aquatrium justifiait avoir engagé la somme de 11 770 euros pour la réalisation d'un rapport d'expertise, produit à l'appui de sa requête devant le Conseil d'Etat. Les premiers juges ont en revanche rejeté la demande présentée au titre des honoraires d'avocats au motif que la société n'établissait pas avoir exposé d'autres frais à ce titre que ceux qui lui ont été remboursés dans le cadre de l'instance contentieuse. Par ailleurs, le tribunal administratif a expressément écarté, au point 20 de son jugement, la demande de remboursement se rapportant à la composition des dossiers administratifs, au suivi des expérimentations sur site et à la conception des documents techniques et juridiques au motif que ces postes de préjudice ne présentaient pas de lien de causalité avec les illégalités reprochées à l'administration. Par conséquent, le jugement attaqué est suffisamment motivé en tant qu'il limite à la somme de 11 770 euros le montant des réparations demandées au titre du " surcroît de dépenses " supportées par la société.
Sur la responsabilité :
3. L'article 32 du décret du 20 décembre 2001 relatif aux eaux destinées à la consommation humaine à l'exclusion des eaux minérales naturelles, codifié à l'article R. 1321-48 du code de la santé publique, s'applique aux décisions des 12 novembre 2002 et 15 octobre 2003 et prévoit que " L'utilisation des produits et procédés de traitement est soumise à autorisation du ministre chargé de la santé, donnée après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments ". L'article R. 1321-50 du même code, applicable à la date des décisions des 22 février 2008 et 15 janvier 2009, prévoit que le ministre soumet la demande de mise sur le marché d'un produit ou d'un procédé de traitement pour l'eau destinée à la consommation humaine à l'avis de l'AFSSA et qu'en l'absence d'avis favorable, la mise sur le marché de ces produits et procédés de traitement est interdite.
4. Le ministre de la santé a pris ses décisions des 12 novembre 2002, 15 octobre 2003, 22 février 2008 et 15 janvier 2009 après avoir consulté l'AFSSA qui s'est prononcée, respectivement, les 28 octobre 2002, 19 septembre 2003, 4 février 2008 et 1er décembre 2008. L'AFSSA a rendu chacun de ses avis après avoir elle-même consulté le comité d'experts spécialisés " Eaux ", compétent pour évaluer les risques sanitaires des eaux destinées à la consommation humaine en application de l'arrêté du 23 août 2000 puis de l'arrêté du 17 octobre 2006, tous deux relatifs aux comités d'experts spécialisés placés auprès de l'agence. Il résulte de l'instruction que, parmi les membres du comité d'experts spécialisés " Eaux ", deux d'entre eux entretenaient des liens avec une société ayant développé, en vue de son exploitation commerciale, un brevet d'invention concurrent de celui de la société Aquatrium. Les deux membres précités du comité d'experts ont participé à l'instruction de la demande d'évaluation de l'efficacité et de l'innocuité pour la santé humaine du procédé de la société requérante, sur laquelle l'AFSSA a rendu ses avis des 28 octobre 2002, 19 septembre 2003 et 4 février 2008. L'un d'entre eux a encore participé à cette instruction avant que l'AFSSA rende son dernier avis du 1er décembre 2008. Eu égard aux liens entretenus par ces deux membres du comité d'experts avec la société ayant développé le brevet d'invention concurrent, leur participation à l'instruction de la demande présentée par la société Aquatrium a été de nature à affecter l'impartialité des avis rendus par l'AFSSA sur la base des travaux et délibérations du comité. Les avis rendus par l'agence sont donc entachés d'illégalité, ainsi que les décisions prises par le ministre de la santé au vu de ces avis les 12 novembre 2002, 15 octobre 2003, 22 février 2008 et 15 janvier 2009, dont les deux dernières ont d'ailleurs été annulées pour ce motif par le Conseil d'Etat. Ces illégalités, que le ministre de la santé ne conteste pas en défense, présentent un caractère fautif et sont susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat.
Sur les préjudices allégués :
En ce qui concerne la perte de chance sérieuse :
S'agissant des décisions des 12 novembre 2002 et 15 octobre 2003 :
5. Aux termes de l'article 32 du décret du 20 décembre 2001 relatif aux eaux destinées à la consommation humaine à l'exclusion des eaux minérales naturelles, dont les dispositions ont ensuite été codifiées à l'article R. 1321-48 du code de la santé publique : " Les matériaux utilisés dans les systèmes de production ou de distribution, au contact de l'eau destinée à la consommation humaine, ne doivent pas être susceptibles d'altérer la qualité de l'eau. Leur utilisation est soumise à une autorisation du ministre chargé de la santé, donnée après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. Les conditions de cette autorisation sont précisées par un arrêté des ministres chargés de la consommation, de la construction, de l'industrie et de la santé, pris après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (...) / L'utilisation des produits et procédés de traitement est soumise à autorisation du ministre chargé de la santé, donnée après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (...) / Les conditions de cette autorisation des produits et des procédés de traitement sont précisées par un arrêté du ministre chargé de la santé, pris après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (...) ".
6. En premier lieu, il résulte expressément des dispositions précitées, applicables aux décisions des 12 novembre 2002 et 15 octobre 2003 rendues sur les demandes présentées par la société Aquatrium en 2001, 2002 et 2003, que les produits et procédés de traitement pour l'eau destinée à la consommation humaine devaient être préalablement autorisés avant de pouvoir être utilisés. La société requérante n'est donc pas fondée à soutenir que son procédé pouvait être commercialisé sans qu'une autorisation soit nécessaire.
7. En deuxième lieu, la société requérante soutient que son procédé de " Spirofiltration " correspond à un mode de traitement de l'eau par filtration lente approuvé par la circulaire du ministre de la santé du 7 mai 1990, modifiée et complétée par la circulaire du 28 mars 2000, relative aux produits et procédés de traitement des eaux destinées à la consommation humaine. Cette circulaire, prise sur le fondement des dispositions du second alinéa de l'ancien article L. 21 du code de la santé publique et de l'article 4 du décret du 3 janvier 1989, fixe la liste des produits et procédés de potabilisation des eaux autorisés, constituée à partir des différentes autorisations individuelles délivrées par le ministre après avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France et comporte, en annexe, différentes prescriptions techniques relatives aux substances minérales, aux supports minéraux, aux composés et supports organiques, aux étapes de traitement de l'eau approuvées et aux règles de pureté. Parmi ces étapes de traitement de l'eau, la circulaire distingue le prétraitement, la clarification, l'affinage et la désinfection et donne la liste, pour chacune de ces étapes, des produits et procédés agréés. S'il ressort des termes de cette circulaire que la filtration lente est agréée pour l'étape de clarification, l'agrément est subordonné à la condition que le procédé conserve une vitesse de filtration inférieure à 15 mètres par jour. Or, il résulte de l'instruction, notamment de l'avis rendu par l'AFSSA le 28 octobre 2002 et des travaux du comité d'experts spécialisés " Eaux ", dont les constatations techniques ne sont pas utilement contredites par la société requérante, que son procédé présentait une vitesse de pointe de 20 mètres par jour ne permettant pas de respecter la limite prévue par la circulaire. Dans ces conditions, la société requérante ne justifie pas que son procédé aurait dû être autorisé eu égard aux dispositions de cette circulaire.
8. En dernier lieu, la décision du 15 octobre 2003 a eu pour objet, répondant d'ailleurs à la demande de la société Aquatrium des 6 janvier et 24 février 2003, d'autoriser l'expérimentation de son procédé de Spirofiltration équipé d'une injection de coagulants sur les sites des communes de Lavallée et de Rarecourt (Meuse). Si la circulaire précitée du 7 mai 1990 a agréé la filtration pour l'étape de prétraitement, ainsi que la filtration lente inférieure à 15 mètres par jour et la coagulation pour l'étape de clarification, elle ne prévoit pas, parmi les méthodes approuvées, de procédé associant la filtration lente et la coagulation. Il n'est donc pas établi, eu égard aux termes de la demande présentée par la société, que l'administration aurait dû autoriser son procédé comme répondant aux prescriptions de cette circulaire. Par ailleurs, l'AFSSA puis le ministre de la santé ont relevé que le dossier de demande ne comportait aucun résultat d'essais sur sites pilotes validés par un laboratoire agréé, qui auraient permis d'apprécier la validité et l'efficacité du dispositif proposé. Par suite, la société Aquatrium ne démontre pas que les mesures d'expérimentation autorisées par l'administration le 15 octobre 2003 auraient été inutiles.
S'agissant des décisions des 22 février 2008 et 15 janvier 2009 :
9. Aux termes de l'article R. 1321-50 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'article 1er du décret du 11 janvier 2007 relatif à la sécurité sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine : " I.-Les produits et procédés mis sur le marché et destinés au traitement de l'eau destinée à la consommation humaine doivent, dans les conditions normales ou prévisibles de leur emploi, être conformes à des dispositions spécifiques définies par arrêté du ministre chargé de la santé, visant à ce que : 1° Ils ne soient pas susceptibles, intrinsèquement ou par l'intermédiaire de leurs résidus, de présenter directement ou indirectement un danger pour la santé humaine ou d'entraîner une altération de la composition de l'eau définie par référence à des valeurs fixées par cet arrêté ; 2° Ils soient suffisamment efficaces. / Ces dispositions s'appliquent en tout ou partie, selon les groupes de produits et procédés de traitement et en fonction de leurs usages, et concernent notamment : 1° La liste des substances et matières autorisées pour la fabrication de produits ou de supports de traitement ; 2° Les critères de pureté de certaines substances et matières mentionnées au 1° ; 3° Les conditions particulières d'emploi des substances et matières mentionnées au 1° et des produits dans lesquels ces substances et matières ont été utilisées ; 4° Le cas échéant, les limites spécifiques de migration de constituants ou groupes de constituants dans l'eau ; 5° Les limites globales de migration des constituants dans l'eau ; 6° Les règles relatives à la nature des échantillons des produits à utiliser et aux méthodes d'analyse à mettre en oeuvre en vue du contrôle du respect des dispositions prévues aux 1° à 5° ; 7° Les modalités de vérification de l'efficacité du procédé de traitement et, le cas échéant, les critères minima en termes d'efficacité de traitement ; 8° Les obligations minimales à respecter en matière d'information des consommateurs. / II.-L'arrêté mentionné au I précise les conditions d'attestation du respect des dispositions de ce I (...) / IV.-La personne responsable de la mise sur le marché d'un produit ou d'un procédé de traitement ne correspondant pas à un groupe ou à un usage prévus au I doit, avant la première mise sur le marché, adresser une demande au ministre de la santé. / Les preuves de l'innocuité et de l'efficacité du produit ou du procédé de traitement fournies par le responsable de la première mise sur le marché sont jointes au dossier de la demande, dont la composition est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, pris après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. / Le ministre soumet la demande à l'avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. / En l'absence d'avis favorable, la mise sur le marché de ces produits et procédés de traitement pour l'eau destinée à la consommation humaine est interdite (...) ".
10. D'une part, si aucun arrêté n'a été pris pour l'application du I de l'article R. 1321-50, les dispositions auxquelles celui-ci renvoie figurent dans la circulaire déjà citée du 7 mai 1990, modifiée et complétée par la circulaire du 28 mars 2000.
11. D'autre part, il résulte des dispositions du IV de cet article que sont seuls soumis à autorisation du ministre chargé de la santé, après avis conforme de l'AFSSA, les produits et procédés de traitement de l'eau destinée à la consommation humaine qui ne correspondent pas à un groupe ou à un usage prévus au I du même article. En revanche, dès lors qu'ils sont conformes aux dispositions spécifiques définies par le ministre chargé de la santé par la circulaire mentionnée ci-dessus visant à s'assurer de leur efficacité et de leur innocuité pour la santé humaine, les produits et les procédés de traitement qui ne sont pas innovants sont dispensés d'une telle autorisation, sous réserve qu'il soit attesté des conditions du respect de ces dispositions.
12. En premier lieu, la société a fait valoir, en soumettant ses demandes de mise sur le marché au ministre de la santé, que son procédé de clarification des eaux, qui mettait en oeuvre la technique de la filtration lente, pouvait notamment être utilisé lors de l'étape d'affinage des eaux. Si la filtration lente figure au nombre des procédés de traitement autorisés lors de l'étape de clarification des eaux par la circulaire du 7 mai 1990 modifiée, elle ne figure pas en revanche au nombre des procédés de traitement autorisés pour l'étape d'affinage. Le ministre de la santé pouvait donc légalement regarder le procédé de " Spirofiltration " comme un procédé innovant, soumis à autorisation individuelle de première mise sur le marché délivrée après avis de l'AFSSA en application des dispositions du IV de l'article R. 1321-50 du code de la santé publique. Si la société requérante soutient qu'un dispositif a été mis en oeuvre pour l'affinage de l'eau à Paris sans bénéficier d'aucune autorisation, cette circonstance, à la supposer avérée, n'avait pas pour effet de la dispenser de remplir les conditions légales avant de mettre son procédé sur le marché. Elle ne saurait non plus utilement se prévaloir de ce que la filtration lente pour l'affinage serait admise par les règles de l'art.
13. En second lieu, la société Aquatrium, une fois obtenus les résultats des essais réalisés à Lavallée et Rarecourt, a saisi le ministre de la santé les 26 avril et 31 mai 2007 d'une demande d'avis sur l'efficacité et l'innocuité de la " Spirofiltration " pour le traitement des eaux destinées à la consommation humaine au regard de la turbidité, du fer, du manganèse, des sulfures, de l'ammonium, des matières organiques biodégradables, des micropolluants et des micro-organismes. Le ministre a rejeté cette demande le 22 février 2008 en se fondant sur l'avis de l'AFSSA qui a estimé que les mesures relevées au cours des essais ne permettaient pas de garantir l'efficacité et l'innocuité pour la santé humaine du procédé, a recommandé la poursuite de ces essais et a demandé la production par la requérante d'informations et de résultats complémentaires. La société Aquatrium a produit des éléments complémentaires les 13 mai et 3 juin 2008 en précisant que l'application de son procédé s'étendait aux étapes de prétraitement, de clarification dite " totale " et d'affinage. Après avoir indiqué à la société que l'étape de prétraitement sortait du champ d'application de l'autorisation prévue par le IV de l'article R. 1321-50 du code de la santé publique, le ministre a, par sa décision du 15 janvier 2009, refusé de délivrer l'autorisation demandée au titre des étapes de clarification et de finition au motif que les nouveaux éléments fournis par la société ne suffisaient pas à lever les réserves déjà exprimées sur la fiabilité des mesures relevées sur site. Se fondant sur l'avis de l'AFSSA, le ministre a estimé notamment qu'en l'absence de prise en compte du décalage lié au temps de séjour de l'eau dans le filtre, les prélèvements effectués sur une même tranche d'eau ne permettaient pas d'évaluer l'efficacité du système.
14. Pour contester le refus d'autorisation opposé par l'administration, la société Aquatrium se prévaut du rapport d'expertise établi à sa demande le 12 juin 2009. Si ce rapport indique que le procédé de " Spirofiltration " s'est montré satisfaisant pour le traitement de la turbidité et du fer présents dans l'eau, il ne comporte aucune analyse de ce dispositif de traitement en ce qui concerne le manganèse, les sulfures, l'ammonium, les matières organiques biodégradables et les micropolluants, à l'égard desquels l'AFSSA n'a pas été en mesure de se prononcer. Le rapport précité ne permet pas non plus de lever le doute exprimé par l'agence sur la validité des mesures de pureté de l'eau en l'absence de turbidimètres. A cet égard, l'expert de la société relève que celle-ci entend désormais proposer systématiquement la mise en place d'un tel turbidimètre en continu de manière à arrêter la production d'eau dès qu'un dépassement du seuil requis pour une eau potable est constaté, corroborant ainsi la critique formulée sur ce point par l'agence. Les rapports d'expertise des 24 août 2017 et 27 février 2018 produits en appel, qui ont pour objet l'évaluation des pertes financières alléguées par la société en préjugeant de ce que la demande de mise sur le marché n'était pas soumise à autorisation, ne sont pas de nature à démontrer le caractère irrégulier des motifs retenus par le ministre pour refuser de délivrer l'autorisation sollicitée. Dans ces conditions, la société Aquatrium n'est pas fondée à soutenir que le ministre de la santé ne pouvait légalement rejeter sa demande de mise sur le marché le 22 février 2008 puis, après que la société ait précisé les modalités d'application de son procédé, le 15 janvier 2009 en ce qui concerne les étapes de clarification et d'affinage.
15. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 14 que si le vice de procédure dont sont entachées les décisions des 12 novembre 2002, 15 octobre 2003, 22 février 2008 et 15 janvier 2009 est susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, la société Aquatrium ne démontre pas qu'elle remplissait les conditions légales pour obtenir l'autorisation sollicitée à la date de chacun des refus litigieux et, par suite, ne justifie pas avoir perdu une chance sérieuse d'obtenir une telle autorisation. Dans ces conditions, les pertes de bénéfices dont elle demande réparation, y compris les pertes de redevances qui résulteraient de l'impossibilité d'exporter son procédé, sont dénuées de lien de causalité direct avec l'illégalité fautive.
En ce qui concerne les frais engagés dans le cadre de la procédure administrative d'autorisation, les honoraires d'avocats et les frais d'expertise :
16. Ainsi qu'il a été dit plus haut, le procédé de traitement de l'eau breveté par la société Aquatrium était soumis à un régime d'autorisation. La société n'établit pas qu'elle remplissait les conditions pour obtenir l'autorisation de mise sur le marché de son procédé. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à demander l'indemnisation des frais qu'elle soutient avoir inutilement engagé au cours des procédures administratives ayant conduit aux refus d'autorisation litigieux.
17. Il résulte de l'instruction que la société Aquatrium a pu bénéficier des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de l'instance engagée devant le Conseil d'Etat et qui a conduit à l'annulation des décisions des 22 février 2008 et 15 janvier 2009. Les frais exposés pour sa défense ont donc fait l'objet d'une appréciation d'ensemble dans ce cadre qui exclut toute demande indemnitaire de ce chef sur un autre fondement juridique. Si elle produit une attestation indiquant le versement d'une somme de 38 197,58 euros à son cabinet d'avocats, ce document ne permet pas d'établir, eu égard à la généralité de ses termes, qu'elle aurait exposé d'autres frais d'avocats que ceux pour lesquels elle a pu bénéficier des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
18. La société Aquatrium justifie seulement avoir exposé la somme de 11 770 euros pour la conception du rapport d'expertise présenté à l'appui de sa requête devant le Conseil d'Etat. Le ministre de la santé ne conteste pas l'indemnité allouée par les premiers juges à ce titre et qu'ils ont évaluée au montant précité de 11 770 euros. Dans ces conditions, la société n'est pas fondée à solliciter une augmentation de son indemnité au titre des frais et honoraires exposés dans le cadre de la procédure administrative d'autorisation et de l'instance contentieuse devant le Conseil d'Etat.
En ce qui concerne le préjudice moral :
19. Eu égard aux conditions dans lesquelles les avis de l'AFSSA des 28 octobre 2002 et 19 septembre 2003 ont été publiés sur le site internet de l'agence et celui du 1er décembre 2008 a été publié sur le site intranet du ministère de la santé, il ne résulte pas de l'instruction que cette publicité aurait porté atteinte à l'image et à la notoriété de la société Aquatrium dès lors notamment que celle-ci ne remplissait pas les conditions requises pour obtenir l'autorisation de mise sur le marché de son procédé de traitement de l'eau. En revanche, contrairement à ce que soutient le ministre de la santé, la circonstance que l'AFSSA a examiné à quatre reprises sa demande d'autorisation de 2002 à 2008 dans des conditions irrégulières, en raison d'un même conflit d'intérêts, est à l'origine d'un préjudice moral dont la société est fondée à demander réparation. Les premiers juges n'ont pas fait une appréciation insuffisante ou excessive de ce préjudice moral en allouant la somme de 20 000 euros à la société requérante.
20. Il résulte de tout ce qui précède que la société Aquatrium n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a limité le montant des indemnités mises à la charge de l'Etat en réparation de ses préjudices à la somme de 31 770 euros. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il suit encore de ce qui précède que le ministre de la santé n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser une somme supérieure à 11 770 euros à la société requérante.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Aquatrium et l'appel incident de la ministre des solidarités et de la santé sont rejetés.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Aquatrium et à la ministre des solidarités et de la santé.
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N° 16NC01686