Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 avril 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 17 octobre 2017, M. B...A..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 mars 2017 ;
2°) de condamner les Hôpitaux universitaires de Strasbourg à lui verser la somme de 64 974,45 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de faits de harcèlement moral ;
3°) de mettre à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a été victime de faits constitutifs de harcèlement moral qui ont entraîné une dégradation de ses conditions de travail et qui ont eu des répercussions sur sa dignité et sur sa santé mentale mais également sur son avenir professionnel ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues dès lors que la direction de l'établissement n'a pas pris les mesures nécessaires pour faire cesser ces faits de harcèlement moral ;
- il a subi un préjudice financier important qui peut être indemnisé par l'allocation d'une indemnité de 14 974,45 euros ;
- il a subi un préjudice moral important qui peut être indemnisé par l'allocation d'une indemnité de 50 000 euros.
Par un mémoire, enregistré le 25 juillet 2017, les Hôpitaux universitaires de Strasbourg, représentés par la SELARL CM Affaires Publiques, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A...d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé ;
- le comportement de M. A...envers ses collègues et l'ensemble du personnel hospitalier a contribué à la situation dont se plaint M.A... ;
- à titre subsidiaire, M. A...n'établit pas les préjudices qu'il estime avoir subis.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Haudier,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de Me D...pour M. A...et de Me C...pour les Hôpitaux universitaires de Strasbourg.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...a été recruté par les Hôpitaux universitaires de Strasbourg en qualité de faisant fonction d'interne en 1998, puis de chef de clinique associé à temps partiel à compter du mois de novembre 2000. L'activité de transplantation rénale dans laquelle il était spécialisé ayant été transférée au service de chirurgie vasculaire, il a été affecté au sein de ce service à compter du 1er décembre 2011 en qualité de praticien contractuel puis, à compter du 15 août 2012, de praticien hospitalier à titre probatoire. Il a été titularisé dans ce corps à compter du 15 août 2013. Estimant avoir été victime de faits de harcèlement moral émanant notamment et principalement du chef du service de chirurgie vasculaire, il a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner les Hôpitaux universitaires de Strasbourg à réparer les préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de ce harcèlement. Il relève appel du jugement du 9 mars 2017 par lequel le tribunal administratif a rejeté cette demande.
2. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
3. En premier lieu, M. A...a été recruté en qualité de praticien hospitalier à titre probatoire à compter du 15 août 2012. Si son chef de service a émis un avis négatif à sa titularisation à l'issue de son année de stage en raison notamment de son comportement et de ses difficultés de positionnement au sein de l'équipe, il a également indiqué que l'intéressé " était une personne intelligente et de grand intérêt " et n'a pas remis en cause ses capacités techniques. Il s'est de plus prononcé en faveur de la prolongation du stage de l'intéressé. Alors même que la directrice du centre national de gestion ne l'a pas suivi, cet avis négatif, particulièrement circonstancié et rédigé en des termes mesurés, ne peut ainsi être regardé comme un indice du harcèlement moral dont l'intéressé estime avoir été victime.
4. Par ailleurs, M. A...ne produit aucun témoignage faisant état des faits de harcèlement moral dont il estime être victime de la part de son chef de service et notamment des injures, menaces ou dénigrements dont il aurait fait l'objet. Les attestations produites par M. A..., émanant de ses deux anciens chefs de service, qui exercent toujours au sein des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, se bornent à attester de ses compétences techniques et ont été établies avant son changement d'affectation. Le centre hospitalier produit quant à lui de très nombreux témoignages recueillis lors d'une enquête interne réalisée à la suite d'un courrier adressé par M. A...au directeur d'établissement au mois de mai 2014. Il résulte de l'ensemble de ces témoignages, émanant de médecins mais également d'autres professionnels de santé du service de chirurgie vasculaire et d'autres services de l'établissement, que les difficultés existant au sein du service de chirurgie vasculaire sont liées au comportement et à l'attitude de M. A...lui-même et non à des agissements de son chef de service. Le précédent chef de service de M. A... a d'ailleurs fait état " du comportement déplacé du docteur A...au sein du service de chirurgie vasculaire " et du " caractère libertaire et quelque peu indiscipliné du docteurA... ". Il a indiqué que " rares sont les praticiens qui peuvent espérer dans un hôpital universitaire, une opportunité de carrière comme celle qui a été offerte au docteurA.... Son attitude, vis-à-vis de ses collègues et de son chef de service, ainsi que les critiques formulées vis-à-vis de l'institution qui a favorisé sa promotion sont inacceptables ". Il a conclu l'entretien en indiquant qu'il ne peut " plus apporter son soutien au docteurA... ".
5. En deuxième lieu, M. A...n'apporte aucun élément de nature à établir que ses courriers n'étaient dactylographiés par les secrétaires du service que trois à quatre mois après avoir été déposés, contrairement à ceux des autres membres du service. En outre, Il ne résulte pas de l'instruction que M. A...se serait vu imposer de réaliser plus de gardes et d'astreintes que ses autres collègues, alors notamment que le centre hospitalier fait valoir sans être sérieusement contredit que M. A...avait souhaité ne pas réaliser de gardes en chirurgie vasculaire contrairement à ses collègues du service qui assuraient des gardes et astreintes à la fois en chirurgie vasculaire et en transplantation rénale. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que les dates de ses gardes et astreintes aient été sciemment fixées à des dates qui n'arrangeaient pas l'intéressé. Enfin, la circonstance que son badge de parking a été désactivé pendant plusieurs jours à son retour d'un congé de maladie, ne permet pas non plus, en l'absence de tout élément permettant d'établir le caractère malveillant de cette désactivation, de faire présumer de l'existence de faits constitutifs de harcèlement moral.
6. En troisième lieu, si M. A...se plaint de la diminution de ses attributions, et s'il peut être regardé comme établi que la modification de la fiche de poste de l'intéressé au mois de décembre 2013 limitant son activité à la prise en charge des " greffes rénales à donneurs cadavériques ", avait notamment vocation à apaiser les tensions au sein du service, un tel motif n'est pas étranger à l'intérêt du service. De plus, il ne résulte pas de l'instruction que les missions confiées à M. A...ne relevaient pas des attributions qui pouvaient lui être confiées. Par ailleurs, l'intéressé n'apporte aucun élément de nature à établir que son accès au bloc opératoire aurait été limité. Enfin, si le transfert ultérieur de l'intéressé sur un poste purement administratif de coordinateur de transplantation rénale l'empêchait de réaliser des interventions chirurgicales, le centre hospitalier fait valoir que cette nouvelle affectation était purement temporaire et était justifiée par la nécessité de prendre des mesures conservatoires durant l'enquête administrative sur les faits de harcèlement dont M. A...alléguait être victime, mais également par la mauvaise ambiance dans le service. Il résulte par ailleurs de l'instruction que M. A...a été placé auprès de son premier chef de service, avec lequel, aux dires mêmes de l'intéressé, il entretenait de bonnes relations. Enfin, le retrait de son nom du tableau des membres de son ancien service se borne à acter de ce changement d'affectation et ne peut être regardé comme attestant d'une volonté d'évincer l'intéressé de manière définitive. Par suite, la diminution temporaire des attributions de M. A...et son changement d'affectation ne peuvent être regardés, dans les circonstances de l'espèce, comme étant constitutifs de faits de harcèlement moral.
7. Dans ces conditions, s'il est constant que l'intéressé a souffert d'un état anxio-dépressif sévère qu'il relie à son milieu professionnel, il ne peut être regardé comme établi que l'origine de ses troubles serait liée à des faits de harcèlement moral. En outre et en tout état de cause, M. A...n'est pas fondé à soutenir qu'en s'abstenant de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser ces faits, les Hôpitaux universitaires de Strasbourg ont méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. A...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a, en outre, pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M.A..., la somme demandée par les Hôpitaux universitaires de Strasbourg au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions des Hôpitaux universitaires de Strasbourg présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg.
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N° 17NC00979