Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 avril 2019, Mme I..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 14 mars 2019 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme G... et M. F... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
3°) de mettre à la charge de Mme G... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. F... ne pouvait être regardé, ni comme un preneur en place, ni comme un candidat à la reprise au sens du 1° de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime, qui renvoie aux dispositions des articles L. 411-47, L. 411-57 et L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime ;
- le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a commis une erreur de droit en estimant que le rang de priorité de sa demande devait être comparé à celui de la demande de M. F..., alors que ce dernier n'avait pas besoin d'autorisation préalable d'exploitation, l'article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Champagne-Ardenne n'étant, en conséquence, pas applicable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'il s'en remet à la sagesse de la cour.
La procédure a été communiquée à Mme D..., épouse G... et à M. F... qui n'ont pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Grenier, présidente assesseur,
- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G..., épouse I... a déposé une demande d'autorisation d'exploitation pour des parcelles de vigne d'une superficie totale de 30,09 ares situées sur le territoire de la commune de Trépail. Par une décision du 13 octobre 2017, le préfet de la région Grand Est lui a délivré une autorisation d'exploiter ces parcelles. Ces terres, qui appartiennent à M. A... et à Mme J... G..., parents de Mme I..., étaient auparavant exploitées par Mme G... en vertu d'un bail rural verbal du 1er novembre 1991, conclu pour une durée de 9 ans et renouvelé tacitement. Le 22 décembre 2016, les propriétaires ont cependant informé Mme G... qu'il serait mis fin à ce bail à compter du 31 octobre 2018. Mme G... et son fils, M. F..., auquel Mme G... souhaite céder son bail, ont demandé l'annulation de la décision du 13 octobre 2017 du préfet de la région Grand Est au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. Par un jugement du 14 mars 2019, dont Mme I... relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à la demande de Mme G... et de M. F... et a annulé la décision du 13 octobre 2017.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime : " Le contrôle des structures des exploitations agricoles s'applique à la mise en valeur des terres agricoles ou des ateliers de production hors sol au sein d'une exploitation agricole, quels que soient la forme ou le mode d'organisation juridique de celle-ci et le titre en vertu duquel la mise en valeur est assurée. / L'objectif principal du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive. / Ce contrôle a aussi pour objectifs de : / 1° Consolider ou maintenir les exploitations afin de permettre à celles-ci d'atteindre ou de conserver une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles ; / 2° Promouvoir le développement des systèmes de production permettant de combiner performance économique et performance environnementale, dont ceux relevant du mode de production biologique au sens de l'article L. 641-13, ainsi que leur pérennisation ; / 3° Maintenir une agriculture diversifiée, riche en emplois et génératrice de valeur ajoutée, notamment en limitant les agrandissements et les concentrations d'exploitations au bénéfice, direct ou indirect, d'une même personne physique ou morale excessifs au regard des critères précisés par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. ". L'article L. 331-2 du même code énonce que : " I.- Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : (...) / 3° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole : / a) Dont l'un des membres ayant la qualité d'exploitant ne remplit pas les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle fixées par voie réglementaire ; / b) Ne comportant pas de membre ayant la qualité d'exploitant ; / c) Lorsque l'exploitant est un exploitant pluriactif, remplissant les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle, dont les revenus extra-agricoles excèdent 3 120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance, à l'exception des exploitants engagés dans un dispositif d'installation progressive, au sens de l'article L. 330-2 (...) ". En vertu de l'article L. 331-3 du même code : " L'autorité administrative assure la publicité des demandes d'autorisation dont elle est saisie, selon des modalités définies par décret. / Elle vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l'article L. 331-3-1, si les conditions de l'opération permettent de délivrer l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 et se prononce sur la demande d'autorisation par une décision motivée. ". Selon l'article L. 331-3-1 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 (...) ".
3. Aux termes du I de l'article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Champagne-Ardenne : " I. Le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) établit, pour répondre aux objectifs du contrôle des structures et aux orientations de la politique régionale d'adaptation des structures d'exploitations agricoles, l'ordre des priorités entre les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation, en prenant en compte l'intérêt économique et environnemental de l'opération, selon les critères définis dans le présent arrêté. / L'autorité administrative vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l'article L. 331·3-1, si les conditions de l'opération permettent de délivrer l'autorisation et se prononce sur la demande d'autorisation par une décision motivée. / Le cas échéant, les autorisations sont délivrées en observant l'ordre des priorités établi conformément aux dispositions prévues par le présent schéma (...) ".
4. Aux termes du III de l'article 3 du même schéma directeur régional : " III. Priorités applicables aux demandes portant sur des terres destinées à la production des appellations d'origine contrôlées Champagne, Coteaux champenois ou Rosé des Riceys : / 1° Sont classées au premier rang de priorité les opérations non hiérarchisées entre elles et ci-après énumérées, relatives à des biens destinés : (...) / b) à l'installation d'un nouvel agriculteur ou à la consolidation de l'exploitation du demandeur, dans la limite d'une surface totale mise en valeur après l'opération au plus égale à soixante-quinze ares, lorsque le bien agricole à mettre en valeur est reçu par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus et que les conditions suivantes sont remplies : / - les biens sont détenus par un parent ou allié, au sens de l'alinéa précédent, depuis neuf ans au moins ; / - l'exploitation du demandeur comporte au moins un membre qui, à la date du dépôt du dossier de demande, justifie avoir suivi auprès d'un organisme de formation professionnelle un stage de professionnalisation d'au moins cent heures lui assurant : / - un niveau de connaissance équivalent à celui requis pour l'obtention du certificat individuel, nécessaire, conformément à l'article L. 254-3, aux personnes physiques qui utilisent les produits phytopharmaceutiques dans le cadre de leur activité professionnelle ; / - une connaissance suffisante du cahier des charges relatif à l'appellation d'origine contrôlée (AOC) " Champagne " homologué par décret ; / - une initiation aux techniques culturales viticoles. / c) à l'accroissement de la superficie de l'exploitation du demandeur lorsque cette exploitation comporte au moins un membre répondant à l'ensemble des critères suivants : / - ne pas avoir atteint l'âge de la retraite ; / - satisfaire aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle précisées au I de l'article R. 331-2 ; / - avoir la qualité d'exploitant agricole à titre principal ou, le cas échéant, acquérir cette qualité à la date de l'opération. / La priorité accordée au titre du présent c) s'applique dans la limite d'une superficie totale mise en valeur par le demandeur après l'opération au plus égale au seuil d'agrandissement ou de concentration d'exploitations excessifs (...) ".
5. Pour annuler la décision du 13 octobre 2017 par laquelle le préfet de la région Grand Est a accordé à Mme I... une autorisation d'exploiter des parcelles de vigne situées sur le territoire de la commune de Trépail, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a estimé, après avoir comparé les candidatures de Mme I... et de M. F... pour l'exploitation de ces terres, que la demande de Mme I... ne relevait pas du premier rang de priorité en application du b) du 1° du III de l'article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Champagne-Ardenne, contrairement à ce qu'avait estimé le préfet de la région Grand Est et qu'ainsi la demande de M. F..., qui relève du premier rang de priorité prévu au c) du 1° des mêmes dispositions, disposait d'un rang de priorité supérieur à celle de Mme I.... Le tribunal a, en conséquence, jugé que le préfet ne pouvait accorder légalement une autorisation d'exploiter à l'EIRL I... Nadine.
6. Pour contester le jugement attaqué, Mme I... soutient que le préfet de la région Grand Est ne pouvait pas comparer sa demande à celle de M. F..., qui n'avait pas besoin d'autorisation d'exploitation, n'avait pas la qualité de preneur en place et ne pouvait être regardé comme un " candidat à la reprise " au sens du 1° de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime cité au point 2. Par ce moyen, elle conteste cependant la légalité de l'autorisation d'exploitation du 13 octobre 2017 qui lui était favorable et non le motif du jugement attaqué qui a annulé cette autorisation dès lors qu'elle ne relevait pas du rang de priorité du b) du 1° du III de l'article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Champagne-Ardenne. Un tel moyen n'est pas de nature à remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme I... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 13 octobre 2017 du préfet de la région Grand Est lui accordant une autorisation d'exploiter des parcelles de vigne.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme E... G..., qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande Mme I... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme I... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... I..., à Mme E... G..., à M. H... F... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la région Grand-Est.
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N°19NC01323