Procédure devant la cour :
I. Par une requête n° 19NC3432, enregistrée le 25 novembre 2019, M. G... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 2 juillet 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 mars 2019 par lequel le préfet du Haut-Rhin a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée en ce qui concerne sa demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'état de santé de son épouse nécessite un suivi qui ne peut être poursuivi qu'en France ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2020, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 17 octobre 2019.
II. Par une requête n° 19NC3435, enregistrée le 25 novembre 2019, Mme E... épouse B..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 2 juillet 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 mars 2019 par lequel le préfet du Haut-Rhin a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée, notamment en ce qui concerne sa demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que son état de santé nécessite un suivi qui ne peut être poursuivi qu'en France ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2020, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 17 octobre 2019.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., ressortissants albanais nés respectivement le 2 septembre 1978 et le 14 avril 1989, entrés irrégulièrement en France le 7 juillet 2017, ont présenté une demande d'asile le 23 août 2017, rejetée par des décisions du 23 octobre 2017 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmées le 9 juillet 2018 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Mme B... a par ailleurs demandé au préfet du Haut-Rhin la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par des arrêtés du 26 mars 2019, le préfet du Haut-Rhin a refusé de délivrer à Mme B... un titre de séjour notamment pour motif de santé et à M. B... un titre de séjour accompagnant d'étranger malade, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 2 juillet 2019, dont M. et Mme B... relèvent appel, par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur les conclusions tendant à l'annulation des refus de titres de séjour :
2. En premier lieu, le préfet du Haut-Rhin a, par un arrêté du 20 septembre 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 21 septembre 2016 et consultable en ligne, donné délégation à M. Christophe A..., secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département du Haut-Rhin, à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions prises en matière de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de M. A..., signataire des décisions contestées, doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des termes des arrêtés attaqués que le préfet se soit fondé, pour refuser le séjour aux requérants, sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions contestées seraient insuffisamment motivées sur ce point.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre (...) ".
5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout élément permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Le préfet du Haut-Rhin a estimé, au vu notamment de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 18 février 2019, que si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Albanie, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays. La requérante produit un certificat médical, établi le 19 juillet 2019 par un psychiatre praticien hospitalier, qui indique suivre la patiente depuis le mois de juin 2018 pour un état de stress post-traumatique compliqué d'un épisode dépressif majeur d'intensité sévère traité par voie médicamenteuse. Ce seul certificat ne permet toutefois pas de contredire utilement l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration quant à la possibilité, pour l'intéressée, de bénéficier effectivement en Albanie d'un traitement approprié. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet du Haut-Rhin aurait méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... ne peut quant à lui utilement se prévaloir de la situation médicale de son épouse pour contester le refus de titre de séjour qui lui a été opposé.
Sur les conclusions tendant à l'annulation des obligations de quitter le territoire :
7. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...). La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ".
8. Il résulte de ces dispositions que dès lors que le refus de titre de séjour est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation de cette obligation se confond avec celle de la décision de refus de séjour. En l'espèce, il ressort des termes des arrêtés contestés que les refus de titre comportent les considérations de fait qui les fondent et que le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est visé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des obligations de quitter le territoire manque en fait.
9. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions fixant le pays de destination :
11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".
12. M. et Mme B... soutiennent qu'ils risquent de subir les traitements prohibés par les stipulations précitées en cas de retour dans le pays dont ils ont la nationalité, l'Albanie, en raison des agressions dont eux-mêmes ainsi que des membres de la famille de Mme B... ont été victimes et qui auraient été commises par un criminel que la police albanaise ne parvient pas à arrêter. Toutefois, les requérants n'établissent pas, par les pièces qu'ils produisent, la réalité des risques allégués qui n'ont, au demeurant, pas été regardés par l'OFPRA et la CNDA comme suffisamment établis. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions fixant le pays de destination auraient méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes n° 19NC03432 et 19NC03435 de M. et Mme B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... B..., à Mme E... épouse B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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Nos 19NC03432, 19NC03435