Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 février 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 8 janvier 2019 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 8 août 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C..., son avocat, de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, il n'est pas établi que le certificat médical rempli par son médecin traitant a été effectivement transmis au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- aucun élément ne permettait au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration d'apprécier les conséquences d'une interruption de son traitement ;
- il existe une véritable déperdition d'informations entre le certificat médical rempli par le médecin traitant et le rapport médical établi par le médecin du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a privé le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de la possibilité de procéder à un examen réel et sérieux de sa situation.
La procédure a été communiquée au préfet de la région Grand Est, préfet du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D..., présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen né le 1er janvier 1988, est entré irrégulièrement en France le 5 mai 2016 selon ses déclarations. Il a déposé une demande de titre de séjour pour raisons de santé, le 26 janvier 2018. Par un arrêté du 8 août 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 8 janvier 2019, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Dans ses écritures en première instance, M. B... soulevait un moyen qu'il qualifiait de vice de procédure tiré de ce que le formulaire médical rempli par son médecin traitant destiné au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne comportait aucune question ou rubrique permettant de préciser les conséquences d'une interruption du traitement médical suivi en France et qu'ainsi le préfet du Bas-Rhin ne pouvait procéder à un examen réel et sérieux de sa situation médicale.
3. Cependant, après avoir visé le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation, qui, contrairement à ce que soutient M. B... relève de la légalité interne et non de la légalité externe, le tribunal administratif de Strasbourg l'a écarté ainsi qu'il ressort des termes mêmes des points 5 et 6 du jugement attaqué.
4. Par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer du tribunal administratif de Strasbourg doit être écarté.
Sur le refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, d'une part, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Selon l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".
6. D'autre part, l'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile énonce que : " L'étranger qui dépose une demande de délivrance ou de renouvellement d'un document de séjour pour raison de santé est tenu, pour l'application des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de faire établir un certificat médical relatif à son état de santé par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier. / A cet effet, le préfet du lieu où l'étranger a sa résidence habituelle lui remet un dossier comprenant une notice explicative l'informant de la procédure à suivre et un certificat médical vierge, dont le modèle type figure à l'annexe A du présent arrêté. ". Selon l'article 2 de ce même arrêté : " Le certificat médical, dûment renseigné et accompagné de tous les documents utiles, est transmis sans délai, par le demandeur, par tout moyen permettant d'assurer la confidentialité de son contenu, au service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". En vertu de l'article 3 du même arrêté : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. ". L'article 6 de cet arrêté énonce que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ".
7. Il ressort des dispositions citées au point précédent que le certificat médical établi selon le modèle figurant à l'annexe A de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est transmis au service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. C'est à partir de ce certificat et des pièces qui l'accompagnent que le rapport médical soumis au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est établi.
8. Il ressort des pièces du dossier que le certificat médical dont le modèle type figure à l'annexe A de l'arrêté du 27 décembre 2016 a été complété par le médecin psychiatre de M. B..., le 7 février 2018. Un médecin du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a établi le rapport médical prévu par l'article 3 du même arrêté, le 11 avril 2018, sur la base de ce certificat. M. B... a, en outre, été convoqué par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ainsi que cela ressort des mentions mêmes de ce rapport. Ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal administratif de Strasbourg, il appartenait au requérant de transmettre, outre le certificat médical prévu par l'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2016, " tous les documents utiles ". Il suit de là, qu'alors même que le certificat médical établi par le médecin psychiatre de M. B... n'a pas été directement adressé au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ce que la réglementation ne prévoit pas en tout état de cause, le collège de médecins disposait cependant du rapport médical prévu par l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 lui permettant de se prononcer sur la situation médicale de M. B....
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge médicale, mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 du CESEDA, sont appréciées sur la base des trois critères suivants : degré de gravité (mise en cause du pronostic vital de l'intéressé ou détérioration d'une de ses fonctions importantes), probabilité et délai présumé de survenance de ces conséquences. / Cette condition des conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge doit être regardée comme remplie chaque fois que l'état de santé de l'étranger concerné présente, en l'absence de la prise en charge médicale que son état de santé requiert, une probabilité élevée à un horizon temporel qui ne saurait être trop éloigné de mise en jeu du pronostic vital, d'une atteinte à son intégrité physique ou d'une altération significative d'une fonction importante. / Lorsque les conséquences d'une exceptionnelle gravité ne sont susceptibles de ne survenir qu'à moyen terme avec une probabilité élevée (pathologies chroniques évolutives), l'exceptionnelle gravité est appréciée en examinant les conséquences sur l'état de santé de l'intéressé de l'interruption du traitement dont il bénéficie actuellement en France (rupture de la continuité des soins). Cette appréciation est effectuée en tenant compte des soins dont la personne peut bénéficier dans son pays d'origine. ".
10. Si M. B... fait valoir que ni le médecin du service médical du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ni le collège de médecins ne disposaient d'informations leur permettant d'apprécier les conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge en l'absence de tout renseignement sur ce point, il ressort cependant des pièces du dossier que le certificat médical établi par le médecin psychiatre de M. B... comportait des éléments détaillés sur le trouble anxieux réactionnel à un facteur de stress dont il souffre et notamment l'origine de ce trouble et le traitement dont il bénéficie en France. Il se prononçait également sur l'état mental du requérant à la date d'établissement de ce certificat et sur les perspectives et pronostic. Le rapport médical établi par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mentionne également les troubles psychiatriques du requérant, le suivi dont il bénéficie, les perspectives et pronostic. Ainsi qu'il a été dit, ce rapport a, en outre, été établi après convocation de M. B... et prononce un pronostic " réservé " sur l'état de stress post-traumatique dont il souffre. Par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration disposait de tous les éléments lui permettant de procéder à un examen réel et sérieux de la situation de M. B..., qui n'a, en conséquence, pas été privé de la garantie liée à l'examen de son état de santé par cette instance.
11. En dernier lieu, contrairement à ce que soutient M. B..., le rapport médical établi par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mentionne expressément qu'il souffre d'un état de stress post-traumatique avec " troubles névrotiques, troubles liés à des facteurs de stress, troubles somatoformes ", " troubles mentaux et du comportement ". Il précise qu'il est atteint de " troubles anxieux réactionnels ", de cauchemars et d'insomnies. Ainsi, la seule circonstance que les troubles de la mémoire mentionnés par son médecin traitant ne sont pas repris dans ce rapport ne saurait caractériser une " déperdition d'informations " entre le certificat médical établi par le médecin traitant de M. B... et le rapport du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le rapport médical mentionne également le nombre de consultations spécialisées et la date de la première de ces consultations, le 5 mai 2017 ce qui permettait ainsi au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de savoir que M. B... bénéficiait d'un suivi régulier par un psychiatre. Par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration disposait d'éléments suffisamment complets et précis pour prononcer un avis circonstancié sur son état de santé.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 août 2018 du préfet du Bas-Rhin. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles qu'il présente sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la région Grand Est, préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme D..., présidente,
- Mme Antoniazzi, premier conseiller,
- M. Michel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 octobre 2019.
Le président-rapporteur,
Signé : C. D...
L'assesseur le plus ancien,
Signé : S. Antoniazzi
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
2
N° 19NC00554