Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 1901459 le 20 mai 2019, M. A..., représenté par Me Thomas, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 2 avril 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 7 novembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer l'autorisation sollicitée dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Thomas sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il n'a jamais fait l'objet de poursuites judiciaires ;
- le tribunal ne peut se fonder sur des faits qui n'étaient plus inscrits au traitement des antécédents judiciaires ;
- ces faits n'auraient jamais dû être inscrits et il en a obtenu l'effacement sur sa demande ;
- l'affaire a été classée sans suite et il bénéficie dès lors de la présomption d'innocence ;
- le préfet ne peut plus se fonder sur son comportement anormal puisqu'il produit un certificat médical de bonne santé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 août 2019, le préfet de la Marne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 18 juin 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Grossrieder, présidente-assesseure,
- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 7 novembre 2017 le préfet de la Marne a refusé de délivrer à M. A... une autorisation d'acquisition et de détention d'arme et de munitions, lui a ordonné de se dessaisir de toutes les armes et munitions dont il est en possession dans un délai de trois mois et lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes et munitions des catégories B, C et D. M. A..., pratiquant le tir sportif, relève appel du jugement du 2 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 312-3-1 du code de la sécurité intérieure : " L'autorité administrative peut interdire l'acquisition et la détention des armes des catégories B et C et des armes de catégorie D soumises à enregistrement aux personnes dont le comportement laisse craindre une utilisation de ces armes dangereuse pour elles-mêmes ou pour autrui." Aux termes de l'article R. 312-67 du même code : " Le préfet ordonne la remise ou le dessaisissement de l'arme ou de ses éléments dans les conditions prévues aux articles L. 312-7 ou L. 312-11 lorsque : (...) 3° Il résulte de l'enquête diligentée par le préfet que le comportement du demandeur ou du déclarant est incompatible avec la détention d'une arme ; cette enquête peut donner lieu à la consultation des traitements automatisés de données personnelles mentionnés à l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978. (...) ".
3. Pour justifier la mesure litigieuse, le préfet de la Marne s'est fondé sur la circonstance qu'une enquête administrative a fait apparaître que le comportement de M. A... était incompatible avec la détention d'armes au seul motif que ce dernier avait été signalé pour des faits de recel de bien commis à Tourcoing le 6 mars 2008 provenant d'un vol.
4. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté que si M. A... a fait l'objet d'un signalement à la date de l'arrêté attaqué comme auteur dans une procédure de recel de bien provenant d'un vol datant de 2008, cette procédure a été classée sans suite. La mention portée à tort dans le traitement des antécédents judiciaires a d'ailleurs été effacée le 11 décembre 2017 par le procureur de la République de Lille sur demande de l'intéressé. En tout état de cause, l'unique fait fondant la décision attaquée et mentionné au point 3, en raison de sa nature et de son ancienneté à la date de la décision attaquée, ne suffit pas à établir que le comportement de M. A..., laisserait craindre une utilisation d'arme ou de matériel dangereuse pour lui-même ou pour autrui au sens de l'article L. 312-3-1 du code de la sécurité intérieure.
5. Dans ces conditions et compte tenu des pièces qu'il a produites à l'instance, le préfet de la Marne a fait une inexacte application des dispositions précitées du code de la sécurité intérieure. Par suite, l'arrêté attaqué du 7 novembre 2017 refusant de délivrer à M. A... une autorisation d'acquisition et de détention d'arme et de munitions est illégal et doit être annulé, ainsi que par voie de conséquence, les décisions contenues dans l'arrêté lui ordonnant de se dessaisir de toutes les armes et munitions dont il est en possession dans un délai de trois mois et lui interdisant d'acquérir ou de détenir des armes et munitions des catégories B, C et D.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".
8. Dans les circonstances particulières de l'espèce et compte tenu notamment des dispositions de l'article L. 312-4 du code de la sécurité intérieure qui définit les conditions d'acquisition et de détention des armes de catégories A et B, le présent arrêt implique seulement qu'il soit ordonné au préfet de la Marne de procéder au réexamen de la demande de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Thomas sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Thomas renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1702526 du 2 avril 2019 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 7 novembre 2017 du préfet de la Marne est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Marne de procéder au réexamen de la demande de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Thomas la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Thomas renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N°19NC01459