Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 janvier 2015, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 15 décembre 2014 en tant qu'il a annulé sa décision du 12 décembre 2014 ordonnant le placement en rétention de M. A... dans un local non pénitentiaire et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Kling, avocat de M. A..., la somme de 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs ;
- M. A... ne justifiait pas de garanties de représentation effectives.
La requête a été communiquée à M. A..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. A..., ressortissant algérien né le 1er janvier 1992, est entré en France le 7 août 2014, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour d'une durée de quatre-vingt-dix jours, valable du 15 juillet au 28 octobre 2014 ; qu'à la suite de son interpellation pour vol à l'étalage, le préfet du Haut-Rhin, par un arrêté du 12 décembre 2014, l'a obligé à quitter territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé ; que par décision du même jour le préfet a décidé de son placement en rétention dans un local non pénitentiaire pour une durée de cinq jours ; que le préfet du Haut-Rhin relève appel du jugement du 15 décembre 2014, en tant que par ce jugement, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 12 décembre 2014 ordonnant le placement en rétention administrative de M. A... ;
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " (...) l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation " ; qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 de ce code, le risque que l'étranger se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, " (...) b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;(...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 " ;
3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle entend mettre à exécution une des décisions d'éloignement visées à l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prise à l'égard d'un étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français, d'apprécier, au regard des circonstances propres à l'intéressé, notamment au regard du risque que celui-ci tente de se soustraire à la mesure d'éloignement et aux garanties de représentation effectives dont il dispose, si elle peut le laisser en liberté, l'assigner à résidence, ou le placer en rétention administrative ;
4. Considérant, d'autre part, qu'au sens et pour l'application des dispositions précitées, la notion de " garanties de représentation effectives " propres à prévenir un risque de fuite doit être appréciée au regard, notamment, des conditions de résidence et de logement de l'étranger, de la possession ou non de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ou encore du respect ou non, par l'étranger, des obligations lui incombant en matière de police des étrangers ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision en litige M. A... n'était pas en possession d'un document d'identité ou de voyage en cours de validité ; que, par ailleurs, il n'avait pas déclaré avant son interpellation le lieu de sa résidence effective ou permanente ; que, par suite, et alors même que l'intéressé est inscrit depuis le 22 septembre 2014 au club de football d'Illzach et vivait depuis son arrivée en France le 7 août 2014 chez sa soeur à Kingersheim, adresse qu'il n'a au demeurant déclarée que lors de son audition par les services de police le 11 décembre 2014, le préfet du Haut-Rhin a pu sans commettre d'erreur d'appréciation décider de placer M. A... en rétention administrative ; que, par suite, le préfet du Haut-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 12 décembre 2014 de placement en rétention administrative de M. A... au motif qu'elle était entachée d'une erreur d'appréciation ;
6. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...en première instance ;
Sur les autres moyens soulevés par M.A... :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté du 21 août 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Haut-Rhin le même jour, le préfet du Haut-Rhin a donné à M. B..., directeur de la réglementation et des libertés publiques de la préfecture, délégation à l'effet de signer notamment les décisions en matière de police des étrangers au nombre desquelles figure la décision contestée ; que par cet arrêté le préfet du Haut-Rhin a donné délégation à l'effet de signer ces mêmes décisions à M. C..., chef du service de l'immigration de la préfecture, signataire de la décision contestée, en cas d'absence ou d'empêchement de M. B... ; que le requérant n'établit ni même n'allègue que M. B... n'aurait pas été absent ou empêché à la date de la décision en litige ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III " ; que la décision en litige, après avoir notamment visé le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que M.A..., né le 1er janvier 1992, de nationalité algérienne, est entré en France le 7 août 2014 selon ses déclarations, sous couvert d'un passeport, revêtu d'un visa court séjour valable du 15 juillet au 28 octobre 2014 et qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français après l'expiration de son visa ; que la décision contestée mentionne également qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à ses droits ainsi qu'à sa vie privée et familiale, dès lors que M.A..., célibataire sans enfant à charge, arrivé très récemment en France, n'établit pas avoir constitué une vie privée stable sur le territoire français et ne déclare pas être dépourvu d'attache familiale dans son pays d'origine ; que, par suite, la décision contestée comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes de la décision en litige que le préfet du Haut-Rhin n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de M.A... ;
10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
11. Considérant que M. A... soutient qu'il entretient une relation avec une ressortissante française depuis quatre mois et demi précédée d'échanges épistolaires et qu'il a manifesté sa volonté de s'intégrer en France où il suit des cours de français et s'est inscrit dans un club de football ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France très récemment, au mois d'août 2014 ; qu'en outre, il ne justifie pas d'une communauté de vie suffisamment ancienne et stable avec sa compagne de nationalité française et il est sans enfant à charge ; que, par ailleurs, l'intéressé n'établit par aucun document probant du décès allégué de ses parents et ne justifie pas davantage être dépourvu de toutes attaches personnelle et familiale en Algérie, où il a vécu jusqu'à l'âge de 22 ans ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu notamment de la durée de son séjour en France, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, le moyen tiré de l'inexacte application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :
12. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français " ; que la décision en litige, après avoir notamment visé le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment les dispositions des b) et f) du 3° du II de l'article L. 511-1 de ce code, indique que l'intéressé s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français après l'expiration de son visa et qu'il ne présente aucune garantie de représentation notamment parce qu'il ne dispose d'aucune adresse personnelle et stable, déclarant être logé gracieusement chez sa soeur, qu'il déclare avoir perdu son passeport et est donc dépourvu de tout document de voyage en cours de validité ; que, par suite, la décision en litige comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et ainsi est suffisamment motivée ;
13. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes de la décision en litige que le préfet du Haut-Rhin n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de M.A... ;
14. Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. A... n'établit pas l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; que, dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit être écarté ;
15. Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...est arrivé en France le 7 août 2014 avec un visa de quatre-vingt-dix jours, qui a expiré le 28 octobre 2014 ; qu'en se maintenant sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa et sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour, M. A... s'est placé dans une situation relevant des dispositions susmentionnées du b) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'au surplus, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision en litige M. A... n'était pas en possession d'un document d'identité ou de voyage en cours de validité et n'avait pas, au demeurant, déclaré préalablement à son interpellation le lieu de sa résidence effective ou permanente ; que, par suite, doit être écarté le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché la décision en litige d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'accorder à M. A...un délai de départ volontaire ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision fixant le pays de destination :
16. Considérant, en premier lieu, que les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision en litige et de l'inexacte application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui reprennent ce qui a été précédemment développé à l'appui de la contestation de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment ;
17. Considérant, en second lieu, qu'ainsi qu'il a été précédemment dit M. A... n'établit pas l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision de placement en rétention administrative :
18. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté pour les mêmes motifs que précédemment ;
19. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de placement est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue (...). Elle est écrite et motivée " ;
20. Considérant que la décision contestée, après avoir visé le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionné notamment les dispositions du f) du II l'article L. 511 1 du même code, indique plus particulièrement que l'intéressé a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire le 12 décembre 2014, qu'il a été interpellé à la suite d'un vol, qu'il ne dispose pas d'une adresse personnelle et stable sur le territoire français et est dépourvu de tout document de voyage à son nom et qu'il ne présente pas ainsi de garanties suffisantes de représentation et présente un risque de fuite ; que la décision attaquée indique également que l'exécution de la mesure d'éloignement n'est pas susceptible d'être assurée à ce jour en raison notamment de contraintes matérielles ; que la décision en litige comporte ainsi les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et est donc suffisamment motivée ;
21. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes de la décision en litige que le préfet du Haut-Rhin n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de M.A... ;
22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 12 décembre 2014 par laquelle il a décidé du placement de M. A... dans un local non pénitentiaire pour une durée de cinq jours et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Kling, avocat de M. A..., la somme de 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n°1406894 du 15 décembre 2014 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il a annulé la décision du préfet du Haut-Rhin du 12 décembre 2014 décidant du placement de M. A...en rétention dans un local non pénitentiaire pour une durée de cinq jours et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Kling, avocat de M. A..., la somme de 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 15NC00062