Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 décembre 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 octobre 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 24 septembre 2018 pris à son encontre par le préfet du Bas-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, à titre principal, de lui permettre de déposer une demande d'asile en France et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et valable jusqu'à la notification de la décision prise selon la procédure normale par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de transfert en litige méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le préfet n'a pas examiné sa situation au regard des dispositions de l'article 17 de ce règlement ;
- elle méconnaît les dispositions de cet article ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant arménien né le 14 juin 1973, est entré sur le territoire français muni d'un passeport arménien revêtu d'un visa de la République tchèque et a sollicité la reconnaissance de la qualité de réfugié. A la suite de la consultation du fichier Visabio indiquant que son visa délivré par les autorités tchèques était en cours de validité lors du dépôt de sa demande d'asile en France, le préfet du Bas-Rhin a obtenu de ces autorités, le 11 septembre 2018, leur accord pour la prise en charge de l'intéressé. Par des arrêtés du 24 septembre 2018, le préfet du Bas-Rhin a décidé le transfert de l'intéressé vers la République tchèque et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. A...fait appel du jugement du 10 octobre 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile, et en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1 (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a bénéficié d'un entretien individuel le 16 avril 2018, avec l'assistance d'un interprète en langue arménienne, langue qu'il a déclaré comprendre. Si le requérant soutient que le résumé de l'entretien ne correspond pas à sa situation réelle faute de mentionner qu'il est marié avec une ressortissante arménienne ayant sollicité l'asile en France, que plusieurs membres de sa famille sont présents sur le territoire français et notamment sa mère, titulaire d'une carte de séjour provisoire, et qu'il souffre d'une hépatite C pour laquelle il est suivi en France depuis le mois d'avril 2018, M. A... a toutefois signé le compte-rendu de l'entretien en certifiant l'exactitude des renseignements qui y sont relevés et selon lesquels il a déclaré être célibataire, en bonne santé et n'avoir aucun autre membre de sa famille notamment en France. Par suite, et alors qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que les propos échangés lors de l'entretien individuel n'auraient pas été traduits de manière fidèle et intelligible, le moyen tiré de ce qu'il n'a pas bénéficié d'un entretien individuel mené par une personne qualifiée au sens de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".
5. Il ressort des termes de la décision de transfert en litige que le préfet a examiné la vie privée et familiale de l'intéressé en France, indiqué que les autorités tchèques ont accepté de reprendre en charge son enfant mineur, qu'il n'établit pas être dans l'impossibilité de retourner en République tchèque et ne démontre pas encourir un risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de sa demande d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet du Bas-Rhin n'aurait pas examiné sa situation au regard des dispositions précitées doit être écarté.
6. Ensuite, il ne ressort pas des pièces versées au dossier et notamment des certificats médicaux selon lesquels il souffre d'une hépatite C, rédigés en des termes insuffisamment circonstanciés, que le défaut de prise en charge médicale de M. A...entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni, au surplus, qu'il ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en République tchèque. Par ailleurs, en se bornant à soutenir que sa mère, résidant en France au bénéfice d'une carte de séjour temporaire, lui apporte un soutien moral et financier et que son transfert vers la République tchèque le séparerait de son épouse, dont la demande d'asile devra être examinée, ainsi que de son enfant mineur, M. A... n'établit pas qu'à la date de la décision en litige, le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant de ne pas lui faire bénéficier des dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
7. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus exposés, et en l'absence de tout autre élément invoqué par M. A..., le moyen tiré de ce que le préfet du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée quant à sa situation personnelle doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A..., qui n'a soulevé aucun moyen à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de la décision l'assignant à résidence, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 18NC03294