Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 mars 2018, M.E..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 7 novembre 2017 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de la Moselle des 24 avril et 16 juin 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de rétablir à son profit le bénéfice de l'aide juridictionnelle pour les procédures de première instance ;
5°) d'annuler l'amende pour recours abusif prononcée à son encontre par le tribunal administratif.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité de l'ordonnance :
- il n'a pas été statué sur toutes ses demandes ;
- cette ordonnance est entachée d'omission à statuer sur les moyens tirés de l'absence de désignation du médecin agréé et de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 24 avril 2017 ;
S'agissant de l'arrêté du 24 avril 2017 :
- il a été signé par une autorité incompétente ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
S'agissant de la décision du 16 juin 2017 :
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- l'avis médical ne précise pas la durée prévisible du traitement ;
- il appartient au préfet de verser au débat la décision de désignation du médecin agréé, de justifier de sa publication et de l'effectivité de cette dernière à la date de la décision contestée ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire enregistré le 27 novembre 2018, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Wallerich, président assesseur a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.E..., ressortissant monténégrin né en 1995, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 30 novembre 2014 et a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 11 février 2015. Il a alors fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français et le tribunal administratif de Strasbourg a, par deux jugements des 2 novembre et 15 décembre 2015, rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de ces décisions. Sa demande de réexamen de sa demande d'asile a ensuite été rejetée pour irrecevabilité par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 janvier 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 mai 2016 et M. E...n'a pas davantage pu obtenir l'annulation de l'arrêté du 23 août 2016 par lequel le préfet de la Moselle lui a, une seconde fois, refusé le bénéfice d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français, le tribunal administratif de Strasbourg ayant rejeté, par jugement du 5 janvier 2017, sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. Ayant saisi à nouveau le préfet de la Moselle d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour ainsi que d'une demande de titre de séjour pour raison de santé, M. E... s'est à nouveau vu opposer deux refus par un arrêté du 24 avril 2017 et par une décision du 16 juin 2017. Il relève appel de l'ordonnance n° 1703369-1704287 du 7 novembre 2017 par laquelle la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les demandes de M. E...tendant à l'annulation de cet arrêté du 24 avril 2017 et de cette décision du 16 juin 2017.
Sur la régularité de l'ordonnance :
3. Si le requérant soutient que le premier juge n'a pas statué sur toutes les demandes dont il était saisi, il ne précise pas les conclusions concernées et ne met pas ainsi le juge d'appel en mesure de se prononcer sur le bien-fondé de son moyen.
4. Contrairement à ce qui est allégué par M.E..., il ressort de la lecture de l'ordonnance attaquée que le magistrat a statué, pour l'écarter, sur le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 24 avril 2017. Cette ordonnance n'est donc pas entachée d'omission à statuer à cet égard.
5. En revanche, il résulte des termes de l'ordonnance attaquée que la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg n'a pas statué sur le moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de l'irrégularité de la procédure suivie avant l'intervention de la décision du 16 juin 2017 et portant sur l'absence de mention, dans l'avis du collège des médecins, de la durée prévisible du traitement. Cette ordonnance est, par suite, irrégulière et M. E...est fondé à en demander l'annulation en tant qu'elle a rejeté les conclusions dirigées contre la décision du 16 juin 2017.
6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. E... tendant à l'annulation de la décision du 16 juin 2017 et, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, sur les autres conclusions de la requête.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté du 24 avril 2017 :
7. En premier lieu, la décision attaquée a été signée par M. Alain Carton, secrétaire général de la préfecture de la Moselle. Ce dernier a reçu, par arrêté préfectoral du 1er janvier 2016, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la Moselle, délégation de signature pour signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Moselle, à l'exception " des déclinatoires de compétence et arrêtés de conflit et des réquisitions de la force armée ". Au nombre des exclusions de la délégation ne figure pas la décision en litige. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de cette décision doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
9. Si le requérant justifie qu'il dispose d'une promesse d'embauche en qualité d'aide couvreur et qu'il n'est pas sans ressource, ces éléments ne peuvent être regardés comme des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le préfet de la Moselle aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces dispositions doit être écarté.
10. En troisième et dernier lieu, si le requérant fait valoir qu'il n'a plus de famille au Monténégro alors que son père réside en Italie et que son frère demeure en France, il a toujours vécu dans son pays d'origine jusqu'à 2014. Par ailleurs, l'intéressé est célibataire et sans enfant et ne justifie pas de l'absence d'attaches familiales dans son pays d'origine. Eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France, en édictant l'arrêté attaqué, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 avril 2017.
En ce qui concerne la décision du 16 juin 2017 :
12. En premier lieu, par un arrêté du 15 mars 2017 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, le préfet de la Moselle a donné délégation de signature à Mme D...F..., cheffe du bureau de l'admission au séjour, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme G...C..., à l'effet de signer les décisions relevant du service de l'immigration et de l'intégration. Il n'est ni établi ni allégué que
Mme G...C...n'aurait pas été absente ou empêchée à la date de signature de la décision attaquée. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision attaquée doit être écarté.
13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé.(...)". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé.". Enfin, en vertu des dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 :" Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
14. Il ressort d'une décision du ministre de l'intérieur du 17 janvier 2017 portant désignation au collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, régulièrement publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur le 15 avril suivant, que les médecins ayant rendu l'avis du 12 juin 2017 ont été valablement désignés pour ce faire.
15. En troisième lieu, il ressort des termes de l'avis émis le 12 juin 2017 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que celui-ci comporte les mentions requises par les dispositions précitées de l'arrêté du 27 décembre 2016. Cet avis indique notamment que l'état de santé de M. E...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que le traitement est disponible dans le pays d'origine de l'intéressé et que ce dernier peut voyager sans risque. Dès lors que cette instance consultative estimait qu'un traitement approprié existait dans le pays d'origine de l'intéressé, elle n'était pas tenue d'indiquer la durée prévisible de traitement. Par suite, le moyen tiré du caractère incomplet et insuffisamment motivé de cet avis ne peut qu'être écarté.
16. En quatrième et dernier lieu, les certificats médicaux des 8 juin 2016 et 17 janvier 2017 produits par M. E...se bornent à faire état de la gravité de son état de santé et à mentionner le traitement prescrit sans apporter d'éléments de nature à démontrer l'indisponibilité des soins dans le pays d'origine du requérant. Si l'intéressé produit une attestation d'un médecin psychiatre au Monténégro certifiant que les médicaments qu'il utilise ne sont pas accessibles au Monténégro, ce seul élément, peu circonstancié, n'est pas de nature à contredire l'appréciation du préfet, notamment fondée sur le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Moselle aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
17. Il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 16 juin 2017 prise par le préfet de la Moselle. Par voie de conséquence ses conclusions présentées aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur le retrait de l'aide juridictionnelle :
18. Aux termes de l'article 50 de la loi du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique : " Sans préjudice des sanctions pénales éventuellement encourues, le bénéfice de l'aide juridictionnelle est retiré, même après l'instance ou l'accomplissement des actes pour lesquels il a été accordé, si ce bénéfice a été obtenu à la suite de déclarations ou au vu de pièces inexactes. Il est retiré, en tout ou partie, dans les cas suivants : (...) 3° Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive ". Et aux termes de l'article 51 de la même loi : " Le retrait de l'aide juridictionnelle peut être demandé par tout intéressé. Il peut également intervenir d'office. / Dans les cas mentionnés aux 1° et 2° de l'article 50, le retrait est prononcé par le bureau qui a accordé l'aide juridictionnelle. / Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive, la juridiction saisie prononce le retrait total de l'aide juridictionnelle ".
19. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les demandes présentées devant le tribunal administratif de Strasbourg par M. E...revêtaient un caractère abusif ou dilatoire. Dès lors, M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 de l'ordonnance attaquée, la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg a prononcé le retrait de l'aide juridictionnelle qui lui avait été accordée dans les instances n° 1703369 et n°1704287.
Sur l'amende pour recours abusif :
20. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ". Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, les demandes présentées par M. E... devant le tribunal administratif de Strasbourg ne présentaient pas un caractère abusif. Il suit de là que M. E...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 de l'ordonnance attaquée, la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à une amende de 1 000 euros sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 1er de l'ordonnance n° 1703369-1704287 du 7 novembre 2017 de la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il statue sur la demande tendant à l'annulation de la décision du 16 juin 2017.
Article 2 : La demande de M. E...tendant à l'annulation de la décision du 16 juin 2017 et les conclusions de la requête dirigées contre la décision du 24 avril 2017 sont rejetées.
Article 3 : Les articles 2 et 3 de l'ordonnance n° 1703369-1704287 du 7 novembre 2017 de la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg sont annulés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 18NC00747