Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n°16NT00810 le 10 mars 2016, le préfet de la Vendée, représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 février 2016 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Nantes par M. C... ;
3°) de mettre à la charge de M. C...la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier car il mentionne que le rapporteur public était dispensé de conclusions, alors que le sens de celles-ci figurait dans l'application " Sagace " ;
- il démontre en appel que la pathologie dont souffre M.C..., qui ne l'a pas empêché d'entrer sur le territoire français, ne fait pas l'objet d'une contre-indication médicale aux voyages aériens par l'Institut de veille sanitaire, ce qui a d'ailleurs été confirmé par de précédents avis médicaux ;
- il s'en rapporte à ses écritures de première instance s'agissant des autres moyens soulevés devant le tribunal administratif par M.C....
Par un mémoire, enregistré le 11 mai 2016, M.C..., représenté par Me D...A..., conclut à ce que soit confirmé le jugement et annulé l'arrêté du 1er octobre 2015 du préfet de la Vendée, à ce qu'il soit enjoint au préfet de Vendée de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 75 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et à ce que l'Etat verse à son conseil la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le préfet de la Vendée n'est fondé.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 avril 2016.
II. Par une requête, enregistrée sous le n°16NT00813 le 10 mars 2016, le préfet de la Vendée, représenté par MeB..., demande à la cour de surseoir à l'exécution de ce jugement du 19 février 2016 du tribunal administratif de Nantes et de mettre à la charge de M. C...la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté sur le fondement des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif par M. C...ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 11 mai 2016, M.C..., représenté par Me D...A..., conclut au rejet de la requête et au versement à son conseil par l'Etat de la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le préfet de la Vendée n'est fondé.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 mai 2016.
Vu les autres pièces des dossiers, y compris celles versées le 12 mai 2016 pour M. C....
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience dans l'affaire 16NT00813.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bataille,
- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public,
- les observations de Me B...représentant le préfet de la Vendée,
- et les observations de Me Rodrigues-Devesas, représentant M.C....
1. Considérant que les requêtes nos 16NT00810 et 16NT00813 du préfet de la Vendée sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;
2. Considérant que, par sa requête n°16NT00810, le préfet de la Vendée relève appel du jugement du 19 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 1er octobre 2015, lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de M. C...dans un délai de deux mois, a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de l'intéressé de la somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, par sa requête n°16NT00813, il demande à la cour de surseoir à l'exécution de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne. / Lorsque l'affaire est susceptible d'être dispensée de conclusions du rapporteur public, en application de l'article R. 732-1-1, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, si le rapporteur public prononcera ou non des conclusions et, dans le cas où il n'en est pas dispensé, le sens de ces conclusions. " ;
4. Considérant qu'il ressort des mentions du jugement attaqué, qui font foi jusqu'à preuve contraire, que le rapporteur public était dispensé de prononcer des conclusions ; que toutefois, le préfet de la Vendée établit, par la copie d'écran de l'application " Sagace " que le 3 février 2016, la mise en ligne du sens des conclusions du rapporteur public mentionnait une " annulation totale ou partielle " en précisant le motif de cette annulation et l'injonction qu'il envisageait de proposer à la formation de jugement ; qu'il ne ressort pas du dossier de première instance que cette mention aurait fait l'objet d'une rectification ; qu'ainsi le préfet de la Vendée n'a pas été en mesure de savoir, avant l'audience, que le rapporteur public ne prononcerait pas de conclusions sur l'affaire ; que, par suite, il est fondé à soutenir que le jugement du 1er octobre 2015 a été rendu au terme d'une procédure irrégulière au regard des dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative et doit, dès lors, être annulé ;
5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Nantes ;
Sur la légalité de l'arrêté du 1er octobre 2015 :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable aux demandes de certificats de résidence formées par les ressortissants algériens en l'absence de stipulations particulières de l'accord franco-algérien relatives à l'instruction de la demande : " (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...). / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ; qu'en vertu de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé pris en application de ces dispositions, le médecin de l'agence régionale de santé " émet un avis précisant : si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; la durée prévisible du traitement. Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...). " ; qu'il incombe au préfet de prendre en considération les modalités d'exécution d'une éventuelle mesure d'éloignement du territoire dès le stade de l'examen d'une demande de délivrance d'un certificat de résidence présentée sur le fondement du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
7. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ainsi que la possibilité ou non pour l'étranger, compte tenu de son état, de voyager sans risque vers le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
8. Considérant qu'il est constant que M. C...souffre d'une maladie de Scheuermann ; que celui-ci soutient en outre qu'il est atteint d'une autre pathologie grave dont a eu connaissance le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire avant de formuler son avis mais non le préfet de Vendée à la date de l'arrêté ; qu'il entend révéler au cours de la présente instance qu'il s'agit d'une pathologie respiratoire sévère ; que, dans son avis du 1er septembre 2015, le médecin a estimé que l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il avait besoin de soins pendant une durée de six mois ; que si cet avis a toutefois précisé qu'il existait un traitement approprié dans son pays d'origine, il a en revanche mentionné qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de l'intéressé ne lui permettait pas de voyager sans risque vers l'Algérie ; que, pour s'écarter de cet avis sur ce dernier point, le préfet de la Vendée soutient, pour la première fois en appel, que la maladie de Scheuermann, dont souffre l'intéressé, ne figure pas sur la liste des contre-indications aux voyages aériens établie par l'Organisation mondiale de la santé en 2012 et reprise par l'Institut de veille sanitaire dans son bulletin épidémiologique hebdomadaire n° 21-22 du 9 juin 2015 consacré aux " Recommandations sanitaires pour les voyageurs, 2015 " ; que, toutefois, ni cette liste, qui précise d'une part qu'elle n'est pas exhaustive, d'autre part que l'aptitude à voyager doit être décidée au cas par cas et enfin qu'un avis médical est indispensable, ni la circonstance que M. C... a pu voyager en 2009 pour entrer sur le territoire français, ni un précédent avis contraire du médecin de l'agence régionale de santé ne sont de nature à établir qu'à la date de l'arrêté contesté, l'intéressé pouvait voyager sans risque vers l'Algérie en dépit de la maladie de Scheuermann dont il souffrait ; qu'en outre le préfet, qui n'en avait pas connaissance, n'a pas pu prendre en compte la pathologie respiratoire dont souffrait également M.C... ; que, par suite, le préfet ne pouvait, sans méconnaître les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, refuser à M. C... la délivrance d'un certificat de résidence ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande, M. C...est fondé à demander l'annulation de la décision contenue dans l'arrêté du 1er octobre 2015 du préfet de la Vendée portant refus de délivrance d'un certificat de résidence ainsi que, par voie de conséquence, les décisions, également contenues dans cet arrêté, portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Considérant que le présent arrêt n'implique pas nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet de la Vendée délivre le certificat de résidence sollicité par le requérant ; qu'en revanche, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Vendée de procéder à un nouvel examen de la situation de M. C... dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :
11. Considérant que, la cour annulant par le présent arrêt le jugement attaqué, les conclusions à fin de sursis à exécution de ce jugement présentées par le préfet de la Vendée sont devenues sans objet ; que, dès lors, il n'y a pas lieu d'y statuer ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
12. Considérant, d'une part, que M. C... est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle dans les deux instances jointes ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Rodrigues-Devesas, avocat de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros dans l'instance n° 16NT00810 et de rejeter les conclusions présentées à ce titre dans l'instance n° 16NT00813 ;
13. Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. C..., qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, le versement de la somme que le préfet de la Vendée demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 19 février 2016 du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du 1er octobre 2015 du préfet de la Vendée sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Vendée de procéder à un nouvel examen de la situation de M. C...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n°16NT00813 présentée par le préfet de la Vendée tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 19 février 2016 du tribunal administratif de Nantes.
Article 4 : L'Etat versera à Me Rodrigues-Devesas, avocat de M.C..., au titre de l'instance n° 16NT00810 la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Rodrigues-Devesas renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Les conclusions des requêtes nos 16NT00810 et 16NT00813 présentées par le préfet de la Vendée et les conclusions présentées par M. C...dans l'instance n°16NT00813 au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E...C....
Copie en sera transmise au préfet de la Vendée.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 9 juin 2016.
Le président rapporteur,
F. BatailleL'assesseur le plus ancien,
S. Aubert
Le greffier,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Nos 16NT00810, 16NT008132