Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2020, Mme B..., représentée par
Me Cavelier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 7 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros qui devra être versée à son avocat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le préfet a commis une erreur de droit ainsi qu'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 mai 2021, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en rapporte à ses écritures de première instance et au jugement attaqué.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B... épouse C..., ressortissante sénégalaise née le 20 mars 1985 à Guia (Sénégal), est régulièrement entrée en D... le 2 juillet 2007 pour y rejoindre son mari ayant le statut de réfugié. A la suite de son divorce, elle a bénéficié d'une carte de résident de dix ans valable jusqu'au 9 octobre 2027. Saisi le 8 août 2018 d'une demande de regroupement familial en faveur du nouvel époux de Mme C..., le préfet du Calvados a, par une décision du 7 mai 2019, rejeté la demande. Par un jugement du 3 juin 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande d'annulation de cette décision présentée par Mme B.... Cette dernière fait appel de ce jugement.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée aux articles L. 821-1 ou L. 821-2 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code ou lorsqu'une personne âgée de plus de soixante-cinq ans et résidant régulièrement en D... depuis au moins vingt-cinq ans demande le regroupement familial pour son conjoint et justifie d'une durée de mariage d'au moins dix ans ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ; - cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes ; - cette moyenne majorée d'un cinquième pour une famille de six personnes ou plus ". Enfin, il résulte des dispositions de l'article R. 421-4 de ce code que les ressources du demandeur sont appréciées sur la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a perçu, pour son emploi d'agent de caisse, lors de la période de juillet 2017 à juillet 2018, un salaire brut de 18 338, 44 euros alors que les ressources exigées correspondent à un salaire minimum de croissance égal à la somme de 17 763,24 euros, majorée de 10% pour une famille de quatre personnes comme en l'espèce, soit 19 539,56 euros. Ainsi, les revenus de Mme B... étaient en-dessous du seuil fixé par les textes cités au point 2. Si la requérante soutient que son conjoint exerçait, pendant la période de référence, une activité professionnelle au Sénégal, rémunérée à hauteur de
390 euros par mois, ces revenus ne peuvent être regardés, en l'absence de tout élément de nature à l'établir, comme alimentant de façon stable le budget de la famille au sens de l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, alors même que l'écart entre les revenus de Mme B... et les revenus exigés par les textes n'est que d'environ 100 euros par mois et que Mme B... ne peut augmenter son temps de travail qui est déjà de 35 heures par semaine, le préfet du Calvados a pu légalement refuser la demande de regroupement familial présentée par Mme B... au motif qu'elle ne justifiait pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille.
4. En second lieu, Mme B... soutient qu'elle a rencontré M. C... par internet en 2016 et qu'ils se sont mariés au Sénégal le 3 mars 2018. Toutefois, aucun élément n'a été produit de nature à établir la réalité et l'intensité des liens qu'elle aurait avec son époux, dont elle a toujours vécu séparée. En outre, si elle a la garde de ses deux enfants en D..., cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que la requérante puisse rendre visite à son époux au Sénégal, le père de ses enfants disposant d'un droit d'hébergement à l'égard de ces derniers. Dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté à son droit de mener une vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 30 août 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 septembre 2021.
La rapporteure,
P. E...
Le président,
F. Bataille
Le greffier,
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02354