Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 août 2018 et 8 mars 2019, M. et Mme B..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 3 octobre 2015 du directeur de la direction spécialisée de contrôle fiscal Ouest rejetant leur réclamation ;
3°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010, 2011 et 2012 pour un montant total de 129 970 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les premiers juges n'ont pas examiné l'ensemble de leurs moyens ;
- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant de l'existence d'un contrat de travail, du lieu d'établissement de la société Mwana Africa Plc, du décompte du nombre de jours de congés et de la condition prévue au II de l'article 81 A du code général des impôts ;
- ils ont accepté en cours de procédure les rectifications liées à la remise en cause des crédits d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile mais l'avis de recouvrement et la décision du 3 octobre 2015 du directeur de la direction spécialisée de contrôle fiscal Ouest n'en ont pas tenu compte ;
- à titre principal, ils peuvent bénéficier de l'exonération d'impôt sur le revenu, prévue au I de l'article 81 A du code général des impôts, s'agissant des rémunérations perçues par M. B... ;
- à titre subsidiaire, ils peuvent bénéficier des dispositions du II de l'article 81 A du code général des impôts, s'agissant des rémunérations perçues par M. B... ;
- ils peuvent se prévaloir de l'instruction administrative référencée BOI-RSA-GEO-10-20 n°s 340 et 360 et des paragraphes 1 et 10 du bulletin officiel des impôts RSA-CHAMP-10-10.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour de rejeter la requête.
Il fait valoir que :
- à défaut de moyens spécifiques développés au titre des rectifications liées à la remise en cause des crédits d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile et de l'accord donné à celles-ci dans leurs observations du 26 mai 2014, les conclusions des requérants relatives aux impositions supplémentaires ne sauraient être recevables à concurrence des sommes, en droits, de 1 040 euros (année 2011) et de 1 336 euros (année 2012) ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Un mémoire, enregistré le 4 juin 2019 et présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., haut fonctionnaire, fiscalement domicilié en France, à Erquy (Côtes-d'Armor), a été recruté à compter du 1er janvier 2007 jusqu'au 10 juin 2015 par la société minière Mwana Africa Plc (MAP) établie à Londres, sur la base d'un contrat tacite, à durée indéterminée, qui n'a pas été formalisé, en qualité de vice-président chargé du développement. Ses fonctions consistaient dans la prospection commerciale et la défense des intérêts de la société MAP auprès notamment de personnalités politiques françaises et étrangères ainsi que de groupes bancaires et miniers. Il a perçu à ce titre une rémunération mensuelle de 16 000 euros nets d'impôt et de charges sociales au titre des années 2010 à 2012, qu'il n'a pas mentionnée dans la déclaration d'ensemble de ses revenus des années en cause, estimant remplir les conditions d'exonération prévues à l'article 81 A du code général des impôts. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, à l'issue duquel l'administration a remis en cause le régime d'exonération dont ils s'étaient prévalus au titre des années en cause, et leur a adressé, le 17 décembre 2013, une première proposition de rectification au titre de l'année 2010 et, le 26 mars 2014, une seconde proposition de rectification au titre des deux années suivantes. Ayant vainement contesté les suppléments d'impôt sur le revenu en procédant, ils ont présenté, devant le tribunal administratif de Rennes, une demande en décharge, s'élevant à un montant total, en droits et pénalités, de 129 970 euros, sur le fondement du I de l'article 81 A du code général des impôts et ont sollicité, à titre subsidiaire, le bénéfice du II du même article. Par un jugement du 27 juin 2018, le tribunal a rejeté leur demande. Ils font appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, si les requérants soutiennent que " les premiers juges n'ont pas examiné l'ensemble de leurs moyens ", ils n'indiquent pas quels moyens n'auraient pas été examinés et, dès lors, le moyen doit être écarté comme étant dépourvu des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, les premiers juges n'avaient ni à répondre à l'ensemble des arguments soulevés par les requérants à l'appui du moyen tiré de la méconnaissance des I et II de l'article 81 A du code général des impôts, ni à examiner si l'ensemble des conditions cumulatives prévues au 2° du I de l'article 81 A étaient remplies, dès lors qu'ils ont jugé que certaines d'entre elles n'étaient pas remplies et que d'autres n'étaient pas contestées par l'administration. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement en raison du défaut de réponse à un moyen ne peut qu'être écarté.
3. En second lieu, il ressort du jugement attaqué que ce dernier est suffisamment motivé, dans son point 3, s'agissant de la réponse apportée au moyen tiré de la méconnaissance de I de l'article 81 A du code général des impôts, alors même qu'il mentionne " à supposer même, ainsi qu'il a été dit au point 1, que M. B... ait bénéficié d'un contrat conclu tacitement avec son employeur, ce qui du reste est corroboré par le virement de ses salaires par son employeur domicilié à Londres sur le compte bancaire qu'il détenait à l'agence du Crédit lyonnais de Sceaux Robinson (...) ", dès lors que le tribunal a jugé que la condition relative à la durée d'exercice de l'activité salariée à l'étranger prévue par le I de l'article 81 A n'était pas remplie. Il n'est pas davantage entaché d'une irrégularité liée à une insuffisance de motivation s'agissant du lieu d'établissement de la société Mwana Africa Plc et de la condition prévue au II de l'article 81 A. Enfin, si les requérants soutiennent que le jugement est insuffisamment motivé s'agissant du décompte du nombre de jours de congés, cet argument, eu égard à sa formulation, est relatif au bien-fondé du jugement et non à sa régularité.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Les décisions par lesquelles l'administration fiscale notifie au contribuable des rectifications de ses bases imposables, procède à la mise en recouvrement des impositions qui en résultent, et statue sur les réclamations d'un contribuable qui entend contester l'imposition à laquelle il a été assujetti ne constituent pas des actes détachables de la procédure d'imposition. Elles ne peuvent, en conséquence, être déférées à la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir et ne peuvent faire l'objet d'un recours contentieux que dans le cadre de la procédure prévue aux articles L. 199 et suivants du livre des procédures fiscales. Par suite, les conclusions présentées par M. et Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 3 octobre 2015 par laquelle l'administration a rejeté leur réclamation préalable sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées. Dès lors, la fin de non-recevoir soulevée en ce sens par le directeur de la direction spécialisée de contrôle fiscal Ouest en première instance doit être accueillie.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
5. En premier lieu, aux termes du I de l'article 81 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années en litige : " Les personnes domiciliées en France au sens de l'article 4 B qui exercent une activité salariée et sont envoyées par un employeur dans un Etat autre que la France et que celui du lieu d'établissement de cet employeur peuvent bénéficier d'une exonération d'impôt sur le revenu à raison des salaires perçus en rémunération de l'activité exercée dans l'Etat où elles sont envoyées. L'employeur doit être établi en France ou dans un autre Etat membre de l'Union européenne, ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. L'exonération d'impôt sur le revenu mentionnée au premier alinéa est accordée si les personnes justifient remplir l'une des conditions suivantes : (...) 2° Avoir exercé l'activité salariée dans les conditions mentionnées aux premier et deuxième alinéas : (...) - soit pendant une durée supérieure à cent vingt jours au cours d'une période de douze mois consécutifs lorsqu'elle se rapporte à des activités de prospection commerciale (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que, pour qu'il bénéficie de l'exonération d'impôt sur le revenu à raison des salaires perçus en rémunération de l'activité exercée dans l'Etat où il est envoyé, l'article 81 A du code général des impôts exige du contribuable qu'il établisse avoir exercé une activité salariée de prospection commerciale à l'étranger pendant une durée supérieure à cent vingt jours au cours d'une période de douze mois consécutifs. La durée totale d'activité à l'étranger comprend notamment les congés payés et les congés de récupération auxquels donne droit la réalisation de la mission confiée au salarié par son employeur, quel que soit le lieu dans lequel ces congés sont effectivement pris.
7. Au vu des éléments apportés par M. et Mme B... et notamment des attestations du directeur de la société MAP et des virements bancaires correspondant à un salaire, M. B... occupait une activité salariée au sein de cette société, caractérisée par un lien de subordination juridique, sans qu'y fissent obstacle un courrier type du 10 juin 2015 adressé à M. B... par la société MAP et la circonstance que les autorités fiscales britanniques aient indiqué, le 16 décembre 2013, que l'intéressé n'apparaissait pas en tant qu'employé de cette société. Il est constant qu'il s'agissait d'une activité de prospection commerciale. Toutefois, M. B... n'établit pas qu'il aurait exercé cette activité salariée, y compris les temps de transport, pendant plus de 120 jours à l'étranger, en dehors de l'Angleterre, en 2010, 2011 et 2012, le requérant produisant, certes, de très nombreux documents attestant de voyages mais ne faisant pas état, à plusieurs reprises, d'un motif professionnel ou n'identifiant pas l'intéressé, les attestations de son employeur étant notamment rédigées dans des termes très généraux, alors que l'administration indique de manière précise et argumentée le nombre de jours retenu pour chaque année. S'agissant des éléments apportés par les requérants, il convient d'exclure les périodes passées à Paris au moment du départ vers l'étranger ou du retour de voyage (par exemple en février 2010 où le requérant est revenu de Bruxelles à Paris le 3 février mais n'en est reparti pour Rennes que le 7 février suivant), les séjours sans justificatifs probants (tel le séjour en Belgique pour la période du 10 au 13 février 2010) ou sans lien probant avec son activité professionnelle (comme le séjour en Suisse en février 2010 ou en République Tchèque en novembre 2010). Ainsi, M. B... doit être regardé comme ayant passé 41 jours à l'étranger en 2010, 40 jours en 2011 et 78 jours en 2012. En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérants, c'est à bon droit que l'administration a pu prendre en compte un nombre de jours de congés calculés au prorata du nombre de jours passés à l'étranger tel que précédemment retenu, et non pas un nombre correspondant à la totalité des jours de congés annuels. Dès lors, M. et Mme B... n'établissent pas que M. B... remplissait la condition posée par le 2° du I de l'article 81 A du code général des impôts.
8. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article 81 A du code général des impôts : " Lorsque les personnes mentionnées au premier alinéa du I ne remplissent pas les conditions définies aux 1° et 2° du même I, les suppléments de rémunération qui leur sont éventuellement versés au titre de leur séjour dans un autre Etat sont exonérés d'impôt sur le revenu en France s'ils réunissent les conditions suivantes :1° Etre versés en contrepartie de séjours effectués dans l'intérêt direct et exclusif de l'employeur ; 2° Etre justifiés par un déplacement nécessitant une résidence d'une durée effective d'au moins vingt-quatre heures dans un autre Etat ; 3° Etre déterminés dans leur montant préalablement aux séjours dans un autre Etat et en rapport, d'une part, avec le nombre, la durée et le lieu de ces séjours et, d'autre part, avec la rémunération versée aux salariés compte non tenu des suppléments mentionnés au premier alinéa. Le montant des suppléments de rémunération ne peut pas excéder 40 % de celui de la rémunération précédemment définie ".
9. Il résulte de ces dispositions, en particulier des termes de la seconde phrase du 3° du II de l'article 81 A du code général des impôts, rapprochés de ceux de la première phrase du même 3°, que le législateur a entendu, d'une part, subordonner le bénéfice de l'exonération d'impôt sur le revenu des suppléments de rémunération versés à un salarié envoyé par son employeur à l'étranger à des conditions tenant, notamment, à ce que le montant de ces suppléments soit déterminé préalablement et en rapport avec le nombre, la durée et le lieu de ses séjours hors de France, d'autre part, ces conditions étant remplies, limiter le montant du revenu pouvant être exonéré pendant la période d'imposition à 40 % de la rémunération, laquelle doit ainsi s'entendre comme correspondant au montant global de la rémunération hors suppléments versée au salarié pendant cette période, et non à celui de la seule rémunération perçue pendant la durée des séjours hors de France donnant lieu au versement de ces suppléments.
10. M. et Mme B... n'établissent pas que la rémunération mensuelle de 16 000 euros perçue par M. B... correspondrait pour partie, dont le montant n'est pas même précisé par M. et Mme B..., à des suppléments déterminés préalablement et en rapport avec le nombre, la durée et le lieu de ses séjours hors de France et hors du pays siège de l'entreprise qui l'employait. Dès lors, M. et Mme B... n'établissent pas qu'ils pouvaient bénéficier du II de l'article 81 A du code général des impôts.
11. En troisième et dernier lieu, les requérants reconnaissent qu'ils ont accepté auprès de l'administration fiscale, le 26 mai 2014, les rectifications liées à la remise en cause des crédits d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, à concurrence des sommes, en droits, de 1 040 euros (année 2011) et de 1 336 euros (année 2012), et ils n'ont soulevé aucun moyen à l'encontre de ces rectifications. Dès lors, leurs conclusions à fin de décharge, en tant qu'elles portent sur ces impositions, ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
12. En premier lieu, les paragraphes 1 et 10 du bulletin officiel des impôts RSA-CHAMP-10-10 du 12 septembre 2012 définissent la notion de personnes placées dans un état de subordination envers leur employeur et ne comportent pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.
13. En deuxième lieu, l'instruction administrative du 12 septembre 2012 référencée BOI-RSA-GEO-10-20 n° 340 porte sur la nature de l'activité salariée en cause. M. et Mme B... ne sauraient s'en prévaloir s'agissant de la durée d'exercice de cette activité à l'étranger.
14. En troisième et dernier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'instruction administrative du 12 septembre 2012 référencée BOI-RSA-GEO-10-20 n° 360 ne s'oppose pas à la prise en compte, par l'administration, d'un nombre de jours de congés calculés au prorata du nombre de jours passés à l'étranger tel qu'indiqué au point 8.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a, par le jugement attaqué, rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Brasnu, premier conseiller,
- Mme D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.
Le rapporteur,
P. D...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
P. Chaveroux
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT03137
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