1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'annuler les décisions préfectorales précitées et celle de rejet de sa demande d'énonciation des motifs du refus implicite ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique d'accorder le bénéfice du regroupement familial ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à Me C..., en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi sur l'aide juridique.
Elle soutient que :
- elle n'a pas manqué, en application des dispositions de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative, de faire part de sa volonté de maintenir, après rejet du recours en référé-suspension par ordonnance du 29 avril 2019, le recours en annulation qu'elle avait préalablement introduit et le tribunal a donc dénaturé les pièces du dossier ;
- le délai prévu à l'article L. 211-6 du code des relations entre le public et l'administration n'a pas été respecté ;
- elle justifie de ressources stables, et ce depuis le mois de novembre 2016, à hauteur de plus de 900 euros par mois et sa fille Maria ne pourrait bénéficier des soins et traitements appropriés en Algérie ;
- les décisions méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 janvier 2020, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en remet à la sagesse de la cour s'agissant du moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative et qu'aucun des autres moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les observations de Me C..., représentant la requérante.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... épouse B..., ressortissante algérienne née le 11 mars 1976, est entrée en France en décembre 2012, accompagnée de sa fille mineure, sous couvert d'un visa de court séjour, puis est retournée en Algérie et est revenue en France en 2014. Elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français jusqu'en septembre 2015 et a ensuite bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour et de certificats de résidence algériens. Elle a sollicité du préfet de la Loire-Atlantique le bénéfice du regroupement familial au profit de son époux et de ses deux fils. Par une décision implicite puis par une décision expresse du 19 décembre 2018, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de faire droit à sa demande. Le 25 janvier 2019, Mme E... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de ces décisions ainsi que l'annulation du rejet de sa demande de communication des motifs de la décision implicite. Le même jour, Mme E... a demandé au juge des référés du tribunal d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision implicite de rejet de sa demande de regroupement familial ainsi que du rejet du 19 décembre 2018 de son recours gracieux. Sa demande de suspension a été rejetée par une ordonnance du tribunal du 12 février 2019, au motif qu'il n'était pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Le 5 avril 2019, l'intéressée a de nouveau demandé au juge des référés du tribunal d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision implicite de rejet de sa demande de regroupement familial au bénéfice de son époux et de ses deux fils ainsi que de la décision explicite du 19 décembre 2018 prise dans le même sens. Sa demande de suspension a été rejetée par une ordonnance du tribunal du 29 avril 2019, au motif qu'il n'était pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Par une ordonnance du 21 octobre 2019, le tribunal administratif a donné acte de son désistement. Mme E... fait appel de cette ordonnance.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative : " En cas de rejet d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartient au requérant, sauf lorsqu'un pourvoi en cassation est exercé contre l'ordonnance rendue par le juge des référés, de confirmer le maintien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le requérant est réputé s'être désisté. / Dans le cas prévu au premier alinéa, la notification de l'ordonnance de rejet mentionne qu'à défaut de confirmation du maintien de sa requête dans le délai d'un mois, le requérant est réputé s'être désisté. ". Le délai d'un mois prévu par ces dispositions revêt, à l'instar de tout délai de procédure et en l'absence de disposition contraire, le caractère d'un délai franc qui, s'il expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
3. Il ressort des pièces du dossier que l'ordonnance du 12 février 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes rejetant la demande de Mme E... à fin de suspension de la décision contestée, lui a été notifiée le même jour, accompagnée d'un courrier l'invitant à confirmer, dans le délai d'un mois à compter de la notification du rejet, le maintien de sa requête à fin d'annulation, sous peine d'être réputée s'être désistée de cette demande en application des dispositions de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative. Ainsi, le délai d'un mois imparti à Mme E... pour confirmer le maintien de sa demande au fond expirait le 13 mars 2019. Toutefois, comme il lui était loisible de le faire, l'intéressée a présenté une nouvelle demande de suspension le 5 avril 2019. L'ordonnance du 29 avril 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes rejetant la seconde demande de Mme E... à fin de suspension de la décision contestée, lui a été notifiée le même jour, accompagnée d'un courrier l'invitant à confirmer, dans le délai d'un mois à compter de la notification du rejet, le maintien de sa requête à fin d'annulation, sous peine d'être réputée s'être désistée de cette demande en application des dispositions de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative. Ainsi, le délai d'un mois imparti à Mme E... par le courrier précité pour confirmer le maintien de sa demande au fond expirait le 30 mai 2019. La requérante, par un mémoire enregistré au greffe du tribunal le 2 mai 2019, a indiqué qu'à la suite de l'ordonnance de rejet du référé suspension du 29 avril 2019, elle confirmait le maintien de sa demande d'annulation.
4. Si l'ordonnance attaquée du 21 octobre 2019 se fonde, au point 3, non pas sur l'ordonnance de référé suspension du 12 février 2019 mais sur l'ordonnance du 29 avril 2019, il ressort de ce même point 3 qu'il s'agit d'une simple erreur matérielle, le tribunal précisant que le délai prévu à l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative a couru à compter du 12 février 2019. Toutefois, si une ordonnance de désistement pouvait être prise par le tribunal à compter du 14 mars 2019, l'intéressée n'ayant pas confirmé sa demande d'annulation dans un délai d'un mois suivant la notification de la première ordonnance de référé, le courrier notifié le 29 avril 2019 à Mme E... et mentionnant un nouveau délai d'un mois pour confirmer sa demande d'annulation de la même décision faisait obstacle, alors même que cette mention serait erronée, à ce qu'une ordonnance de désistement soit prise à compter du 29 avril 2019, alors que la requérante avait confirmé sa demande d'annulation le 2 mai, soit dans le délai d'un mois imparti par ce second courrier. Dès lors, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée du 21 octobre 2019, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nantes a donné acte du désistement de sa demande. Ainsi, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur ces conclusions d'annulation par voie d'évocation.
Sur le bien-fondé de la demande :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite du préfet :
5. Aux termes de l'article L. 211-6 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsque l'urgence absolue a empêché qu'une décision soit motivée, le défaut de motivation n'entache pas d'illégalité cette décision. Toutefois, si l'intéressé en fait la demande, dans les délais du recours contentieux, l'autorité qui a pris la décision devra, dans un délai d'un mois, lui en communiquer les motifs. Les dispositions du présent chapitre ne dérogent pas aux textes législatifs interdisant la divulgation ou la publication de faits couverts par le secret. " et aux termes de l'article L. 234-6 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ". En l'absence de communication des motifs dans le délai d'un mois, la décision implicite se trouve entachée d'illégalité.
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... a demandé au préfet, par télécopie le 8 novembre 2018 et par l'intermédiaire de son avocate, la communication des motifs de la décision implicite rejetant sa demande de regroupement familial au profit de son époux et de ses deux fils. Les motifs ne lui ont été communiqués que le 19 décembre 2018, au-delà du délai prévu par les dispositions citées au point 5. Le tampon mentionné sur le courrier et faisant état d'une réception, par la sous-préfecture de Saint-Nazaire, le 27 novembre 2018, à côté de la date d'envoi par télécopie le 8 novembre, ne saurait établir à lui seul une date de réception ultérieure au 8 novembre, le préfet n'apportant aucune explication sur le délai pouvant exister entre l'envoi et la réception de la télécopie. Il s'ensuit que la décision implicite attaquée est entachée d'illégalité, sans que le préfet puisse utilement faire valoir que la demande de communication par télécopie ne faisait pas courir ce délai, dès lors que les dispositions citées au point 5 ne prescrivent pas de forme particulière pour une telle demande. La décision implicite attaquée doit donc être annulée pour vice de forme, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête dirigés contre cette décision.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision préfectorale du 19 décembre 2018 :
7. Aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du décembre 1968 modifié : " Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité de la personne qu'ils rejoignent. / Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. / Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1. Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance. 2. Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. (...) ".
8. Il est constant que Mme E... ne justifie, depuis novembre 2016, que de ressources d'environ 900 euros par mois, ce qui ne peut être regardé comme des ressources suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille composée de cinq personnes. De plus, si elle se prévaut de l'état de santé de sa fille qui est suivie en France, la décision litigieuse n'a pas pour objet d'obliger cette dernière, qui a accompagné sa mère, à quitter la France. Enfin, un certificat médical du 21 juin 2016 mentionne que sa fille peut effectuer un séjour en Algérie de plusieurs semaines pour rendre visite à sa famille, avec sa mère. Au vu de l'ensemble de ces éléments, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences quant à leur vie personnelle et familiale doivent être écartés.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... est seulement fondée à demander l'annulation de l'ordonnance de la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nantes du 21 octobre 2019 et de la décision préfectorale implicite de rejet de sa demande de regroupement familial, le surplus de sa demande d'annulation étant rejeté. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et, dans les circonstances de l'espèce, celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi sur l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1900907 de la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nantes du 21 octobre 2019 est annulée.
Article 2 : La décision implicite de rejet du préfet de la Loire-Atlantique de la demande de regroupement familial présentée par Mme E... est annulée.
Article 3 : Le surplus de la demande de Mme E... et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... épouse B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Brasnu, premier conseiller,
- Mme D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.
Le rapporteur,
P. D...
Le président,
F. Bataille
Le greffier,
P. Chaveroux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 19NT04968