Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 septembre 2020 et 26 janvier 2021, M. B..., représenté par Me Tournoud, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande de décharge, en droits et pénalités, des impositions auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2009 ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 400 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée ;
- la procédure est irrégulière, en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, dès lors que le service vérificateur n'a pas informé le contribuable de l'origine et de la teneur du renseignement selon lequel la société Heli-Union aurait versé à la société Ofsets en 2009 une somme de 65 433 euros en rémunération des services qu'il avait rendus ;
- il existait un lien de subordination direct entre la société Héli-Union et lui et il pouvait donc bénéficier de l'application de l'article 81 A du code général des impôts ;
- le service ne démontre ni ne soutient que la société Heli-Union a bien versé en 2009 à la société Ofsets une somme de 65 433 euros en rémunération des services qu'il a rendus et dès lors, l'administration n'est donc pas en droit de l'imposer sur le fondement de l'article 155 A du code général des impôts ;
- la " substitution de base légale " demandée par l'administration n'est pas possible et est inopérante.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il renonce à maintenir l'imposition sur le fondement de l'article 155 A et sur la base des sommes versées par la société Heli-Union à Ofsets, l'imposition pouvant être fondée sur les seules dispositions de l'article 79 du code général des impôts, et sur la base des sommes qui ont été versées à M. B... en 2009 par la société Ofsets ;
- l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales n'était pas applicable en l'espèce et les autres moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un droit de visite et de saisie exercé à l'encontre de la société de droit français Heli-Union et d'une vérification de comptabilité de cette société, l'administration a estimé que M. B..., qui exerce la profession de pilote d'hélicoptère, était salarié en 2009 de la société Ofsets Ltd, dont le siège est à Jersey, qui l'avait mis à disposition de la société Heli-Union à titre onéreux et qu'il devait en conséquence être assujetti en France à l'impôt sur le revenu à raison des revenus perçus de la société Ofsets Ltd. A l'occasion de la visite des locaux de la société Heli-Union, l'administration a également constaté que M. B... disposait d'un compte bancaire à l'étranger, sur l'île de Jersey, qu'il n'avait pas déclaré, et lui a infligé une amende de 10 000 euros sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts. Dans sa réclamation contestant les rappels d'impôt sur le revenu et de contribution au remboursement de la dette sociale, M. B... a fait valoir qu'il était salarié de la société Heli-Union et avait été envoyé par son employeur en Angola durant l'année 2009 afin de transporter des personnes ou du matériel à destination ou à partir de plateformes situées en mer ou de chantiers de recherche pétrolière et qu'il devait ainsi bénéficier de l'exonération d'impôt sur le revenu prévue à l'article 81 A du code général des impôts. Le contribuable a également contesté le bien-fondé de l'application de l'amende de 10 000 euros. Ces réclamations ont été rejetées par une décision du 12 juin 2018. Par un jugement du 2 septembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a déchargé M. B... C... la cotisation de contribution au remboursement de la dette sociale à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2009 ainsi que des pénalités correspondantes et a rejeté le surplus de ses demandes. M. B... fait appel de ce jugement en tant seulement qu'il a rejeté sa demande de décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2009.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ".
3. D'une part, la proposition de rectification du 13 décembre 2012, après avoir mentionné l'article 155 A du code général des impôts, qui " permet de faire abstraction de l'existence du bénéficiaire des rémunérations, le prestataire de services devant être imposé à raison des sommes encaissées par ce dernier ", indique que les " sommes en litige ont été versées par la société Heli-Union en rémunération de services rendus par M. B... qui est domicilié en France. Ces sommes ont été perçues par la société Ofsets Limited, personne morale domiciliée hors de France ", soumise à un régime fiscal privilégié. Elle conclut en mentionnant que ces sommes versées à la société Ofsets Limited sont imposables entre les mains de son personnel. D'autre part, si le requérant soutient que la proposition de rectification se référait à l'article 155 A du code général des impôts alors qu'il était inapplicable en l'espèce, cette circonstance est sans influence sur le caractère suffisant de la motivation de la proposition de rectification, laquelle au demeurant fait également référence aux dispositions de l'article 79 du même code. Enfin, s'agissant du montant des salaires retenus, la proposition de rectification mentionne qu'au vu notamment de dossiers saisis et portant les intitulés " salaires " pour l'année 2009, " M. B... a signé un contrat de travail avec la société Ofsets Limited et a disposé en 2009 de revenus dans le cadre de son activité de pilote " et que " les informations saisies dans le cadre de la procédure de l'article L. 16 B et celles relevées lors de la vérification de comptabilité de la société Heli-Union ont permis de calculer la rémunération perçue en 2009. ". Dès lors, la proposition de rectification comportait des indications suffisantes pour permettre à M. B... d'engager valablement une discussion avec l'administration, conformément aux prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".
5. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, M. B... n'apportant aucun nouvel élément en appel.
Sur le bien-fondé des impositions :
6. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...). ". M. B... n'ayant pas présenté d'observations en réponse à la proposition de rectification dans le délai légal, il lui appartient d'établir le caractère exagéré des impositions en litige.
7. En premier lieu, aux termes du I de l'article 155 A du code général des impôts : " Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : / (...) - soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A. ". Les prestations dont la rémunération est susceptible d'être imposée, en application de ces dispositions, entre les mains de la personne qui les a effectuées correspondent à un service rendu pour l'essentiel par elle et pour lequel la facturation par une personne domiciliée ou établie hors de France ne trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de cette dernière, permettant de regarder ce service comme ayant été rendu pour son compte. Ces dispositions ne dispensent pas l'administration, pour soumettre cette rémunération à l'impôt sur le revenu entre les mains de la personne ayant rendu les services, de faire application des règles de taxation relatives à la catégorie de revenus dont elle relève. La détermination de cette catégorie ne saurait dépendre que de l'analyse des relations existant entre la personne domiciliée ou établie en France qui a rendu pour l'essentiel les services facturés et le bénéficiaire de ces services.
8. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que l'administration, pour imposer entre les mains de M. B..., en application des dispositions précitées de l'article 155 A du code général des impôts, dans la catégorie des traitements et salaires, les sommes versées par la société Heli-Union en rémunération des prestations effectuées par M. B..., ne pouvait pas se fonder uniquement sur ce que l'intéressé avait conclu un contrat de travail avec la société Ofsets, société établie hors de France ayant facturé les services qu'il rendait, et qu'il était dans un état de subordination vis-à-vis de cette dernière.
9. Toutefois, lorsque l'administration a donné dans sa proposition de rectification une exacte base légale à des redressements, la circonstance qu'elle ait par ailleurs ou, le cas échéant, par la suite devant le juge, invoqué une base légale erronée, voire contradictoire avec la précédente, est sans incidence sur le bien-fondé des impositions contestées.
10. Il résulte de l'instruction que si, dans la proposition de rectification du 13 décembre 2012 qu'elle a adressée à M. B..., l'administration fiscale a estimé que les dispositions du I de l'article 155 A du code général des impôts justifiaient la réintégration aux revenus de M. B..., dans la catégorie des traitements et salaires, du montant des rémunérations que la société Ofsets lui avait versées, elle a concurremment retenu pour motif du redressement que les dispositions du premier alinéa de l'article 79 du code général des impôts, aux termes desquelles " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu ", justifiaient également la réintégration, dans la catégorie des traitements et salaires et à concurrence de leur montant, des sommes versées par la société Ofsets à l'intéressé à titre de salaire.
11. A cet égard, l'administration fait valoir qu'elle a saisi, dans le cadre de la procédure d'imposition, les contrats de travail signés par la société Ofsets, dont un contrat de travail signé avec M. B... et qu'au vu notamment de dossiers portant les intitulés " salaires " pour l'année 2009, " M. B... (...) a disposé en 2009 de revenus dans le cadre de son activité de pilote " et que " les informations saisies dans le cadre de la procédure de l'article L. 16 B et celles relevées lors de la vérification de comptabilité de la société Heli-Union ont permis de calculer la rémunération perçue en 2009 ", représentant une somme de 65 433 euros nets.
12. Si M. B... conteste l'existence de ce contrat de travail et d'une telle rémunération, il n'apporte aucun commencement de preuve contraire alors qu'il lui incombe d'établir que le montant de l'imposition en litige présente un caractère exagéré. En invoquant le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 9 avril 2018 déclarant la société Heli-Union coupable de faits de fourniture illégale de main-d'œuvre et de travail dissimulé et, notamment, la circonstance que la majorité des pilotes recevaient leurs ordres de la société Heli-Union, M. B... n'établit pas qu'il était placé dans un rapport de subordination avec cette société, alors que, comme les autres pilotes, il était mis à la disposition de cette société par la société Ofsets. Il n'établit pas davantage que les contraintes fixées par la société Heli-Union excédaient celles résultant d'une mise à disposition et caractérisaient un rapport de subordination permettant de regarder la société française comme étant son véritable employeur. Par conséquent, au vu de ces éléments, l'administration a pu, à bon droit, estimer qu'il existait un lien de subordination entre la société Ofsets et M. B.... Il suit de là que le motif tiré de l'article 79 du code général des impôts est susceptible de justifier à lui seul l'imposition contestée. Par conséquent, le moyen tiré de ce que l'administration n'était pas en droit d'imposer M. B... sur le fondement de l'article 155 A du code général des impôts doit être écarté.
13. En second lieu, aux termes du premier alinéa du I de l'article 81 A du code général des impôts : " Les personnes domiciliées en France au sens de l'article 4 B qui exercent une activité salariée et sont envoyées par un employeur dans un Etat autre que la France et que celui du lieu d'établissement de cet employeur peuvent bénéficier d'une exonération d'impôt sur le revenu à raison des salaires perçus en rémunération de l'activité exercée dans l'Etat où elles sont envoyées. / L'employeur doit être établi en France ou dans un autre Etat membre de la Communauté européenne, ou dans un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale. ". Pour les motifs indiqués au point 12, la société Heli-Union ne pouvait pas être regardée comme l'employeur de M. B.... Par suite, ce dernier, dont l'employeur implanté à Jersey ne répondait pas aux conditions posées à l'article 81 A précité du code général des impôts, n'est pas fondé à demander le bénéfice de l'exonération prévue par cet article pour les revenus qu'il avait perçus au titre de l'année 2009.
14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de sa demande de décharge. Par voie de conséquence, sa demande relative aux frais liés au litige doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 10 février 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. Brasnu, premier conseiller,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2022.
La rapporteure
P. PICQUETLa présidente
I. PERROT
La greffière
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02885
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