Procédure devant la cour avant cassation :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 3 avril 2017 et le 6 octobre 2017 la SCI Saint Léonard et la SARL Hathor, représentées par Me Pinguet, ont demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutenaient que :
- l'usufruitier n'est pas le redevable de l'impôt dû sur le transfert des constructions et améliorations au propriétaire ; seul le nu-propriétaire aurait dû être imposé ;
- le retour des constructions et améliorations au propriétaire n'a pas pu intervenir à la date du dépôt de bilan mais à la date de la résiliation du bail par le liquidateur en janvier 2012 après la vente aux enchères qui s'est déroulée dans les locaux de la société ; les rectifications doivent concerner ainsi l'année 2012 et non l'année 2011 ;
- la société est imposée sur des agencements qui n'existaient plus le jour de la vente aux enchères et la valeur nette comptable de ces agencements chez le locataire était inférieure ; seuls sont imposables les travaux conférant une plus-value à l'immeuble et dont la remise gratuite ne peut s'analyser que comme un avantage pour le bailleur ; le vérificateur aurait dû rechercher quelle était l'augmentation de valeur de l'immeuble sur la base de l'évaluation des agencements repris ou l'augmentation de la valeur vénale ; il n'y a pas d'enrichissement du propriétaire puisque le loyer normal après une période d'un an est en baisse de 23 % ;
- à titre accessoire, il convient de retenir le prix de vente aux enchères des agencements, soit la somme de 140 210, 40 euros toutes taxes comprises.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 août 2017 le ministre de l'action et des comptes publics a conclu au rejet de la requête.
Il a fait valoir que les moyens invoqués par la SCI Saint Léonard et la SARL Hathor ne sont pas fondés.
La clôture d'instruction a été fixée au 11 octobre 2018 en vertu d'une ordonnance du 13 septembre 2018 du président de la première chambre.
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées le 20 décembre 2018 que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la SCI Saint Léonard tendant à " contester le bien-fondé des rectifications pour 503 268 euros de quote-part de résultat pour la SCI " dès lors qu'aucune somme n'a été mise en recouvrement au nom de la SCI Saint Léonard ainsi que des conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés mise à la charge de la SARL Hathor au titre de l'exercice clos le 30 novembre 2012, dès lors que la SARL Hathor est une entité juridique distincte de la SCI Saint Léonard.
Par un mémoire enregistré le 28 décembre 2018 la SCI Saint Léonard et la SARL Harthor ont présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public et à la demande de production d'une copie lisible d'une pièce complémentaire déjà produite formulée le 20 décembre 2018 en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative en soutenant, d'une part, que la SCI a reçu un avis de mise en recouvrement pour la taxe sur la valeur ajoutée mais qu'il est exact qu'elle ne conteste pas l'imposition et n'agit que comme entité rectifiée, d'autre part, que la SARL Hathor agit en qualité d'associée de la SCI Saint Léonard et de redevable de l'impôt.
Par un arrêt n°17NT01078 du 31 janvier 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête de la SCI Saint Léonard et de la SARL Hathor.
Par une décision n° 429332 du 19 mai 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a rejeté les conclusions présentées par la SCI Saint Léonard, annulé l'arrêt du 31 janvier 2019 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'il a rejeté la requête de la société Hathor et renvoyé dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Nantes l'affaire, qui porte désormais le n°21NT01384.
Procédure devant la cour après cassation :
Par un mémoire enregistré le 19 juillet 2021 et un mémoire enregistré le 7 février 2022 qui n'a pas été communiqué la SARL Hathor, représentée par la SCP Claire Le Bret-Desache, maintient ses conclusions, demande le bénéfice du sursis de paiement et porte sa demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à la somme de 6 000 euros.
Elle reprend ses précédents moyens et soutient en outre que :
- le jugement attaqué n'a pas répondu à l'argument tiré de ce que les agencements et améliorations ont été vendus en deux lots par le liquidateur à la SARL Hathor le 13 février 2012 alors qu'ils lui appartenaient déjà puisque selon le tribunal, le bail a été résilié le 29 décembre 2011 ;
- le tribunal a méconnu son office en n'ordonnant aucune mesure d'instruction afin d'établir la date réelle de résiliation du bail.
Par des mémoires en défense enregistrés les 12 août 2021 et 21 janvier 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL Hathor ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, le 29 octobre 2021, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des moyens portant sur la régularité du jugement attaqué, ces moyens ayant été présentés après l'expiration du délai d'appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société Saint Léonard a acquis, le 25 mai 2009, un immeuble à usage commercial qu'elle a donné en location à compter du 1er juin 2009. A l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a rehaussé le résultat imposable de la société Saint Léonard au titre de l'année 2011, à hauteur du montant des dépenses de travaux d'aménagement réalisés par son locataire en cours de bail, qu'elle a considéré comme un supplément de loyer imposable en fin de bail. La société Hathor, en sa qualité de propriétaire de l'usufruit de 4 399 parts sociales de la SCI Saint Léonard, soit 99,98% du capital social, a été assujettie, au titre de son exercice clos le 30 novembre 2012, à des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés résultant de cette rectification du résultat de la SCI. Par un jugement du 10 février 2017 le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de la SCI Saint Léonard et de la SARL Hathor tendant à la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la SARL Hathor a été assujettie à hauteur d'une somme de 168 427 euros. Par un arrêt n° 17NT01078 du 31 janvier 2019, la cour a rejeté l'appel que ces deux sociétés avaient formé contre ce jugement. Les sociétés Saint Léonard et Hathor ont formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt. Par une décision du 19 mai 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a rejeté les conclusions présentées par la société Saint Léonard, annulé l'arrêt du 31 janvier 2019 en tant qu'il a rejeté la requête de la société Hathor et renvoyé dans cette mesure devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n° 21NT01384.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Dans sa requête introductive d'instance, la SARL Hathor s'est bornée à contester le bien-fondé des impositions en litige. C'est seulement dans un mémoire complémentaire, présenté après l'expiration de délai d'appel et après le renvoi de l'affaire devant la cour par le Conseil d'Etat, le 19 juillet 2021, qu'elle a soulevé des moyens portant sur la régularité du jugement attaqué et qui ne présentent pas de caractère d'ordre public. La SARL Hathor a ainsi émis une prétention fondée sur une cause juridique distincte constituant une demande nouvelle qui, ayant été présentée tardivement, n'est pas recevable.
Sur le bien-fondé des impositions :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article 29 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Sous réserve des dispositions des articles 33 ter et 33 quater, le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires et diminué du montant des dépenses supportées par le propriétaire pour le compte des locataires (...) ". Lorsqu'un contrat de bail prévoit la remise gratuite au bailleur, en fin de bail, des aménagements ou constructions réalisés par le preneur, la valeur de cet avantage constitue, pour le bailleur, un complément de loyer imposable au titre de l'année au cours de laquelle le bail arrive à expiration ou fait l'objet, avant l'arrivée du terme, d'une résiliation. Le montant du complément de loyer imposable correspond, sauf disposition législative ou réglementaire contraire, au surcroît de valeur vénale conféré, à la fin du bail, à l'immeuble donné en location, du fait des aménagements ou constructions réalisés par le preneur.
4. En cas de démembrement de la propriété, l'usufruitier, imposé à raison des loyers procurés par le bien cédé à bail, l'est également sur la valeur des aménagements ou constructions effectués par le preneur dont la remise gratuite constitue pour le bailleur, ainsi qu'il a été dit au point 3 ci-dessus, un complément de loyer imposable au titre de l'année au cours de laquelle il en a eu la disposition.
En ce qui concerne la personne imposable :
5. La SCI Saint Léonard a donné en location pour une durée de neuf ans à compter du 1er juin 2009 à la SARL History Restauration, moyennant un loyer annuel de 3 000 euros hors taxe pendant les trois premières années puis 6 500 euros hors taxe au-delà, un immeuble à usage commercial situé au Mans. Il était stipulé au 2 de l'article 8 du contrat de bail commercial que " tous embellissements, améliorations et installations faits par la partie preneuse pendant le cours du bail resteront la propriété de la partie bailleresse à la fin du bail, sans aucune indemnité pour la partie preneuse ". Il est constant que le locataire a fait exécuter sur l'immeuble loué, pour les besoins de son commerce, au cours de la période de juin 2009 à avril 2011, des travaux d'un montant total de 503 369 euros hors taxe. Compte tenu de ce qui a été dit au point 3, c'est à bon droit que l'administration a regardé ces dépenses comme constituant, d'abord, un supplément de loyer résultant de l'attribution gratuite en fin de bail des aménagements réalisés et devant être intégré dans les revenus fonciers perçus par la SCI Saint Léonard, société bailleresse, puis un revenu imposable pour la SARL Hathor, en sa qualité d'usufruitière, à proportion de ses droits dans la SCI Saint Léonard.
En ce qui concerne l'année d'imposition :
6. Aux termes de l'article L. 641-12 du code de commerce : " Sans préjudice de l'application du I et du II de l'article L. 641-11-1, la résiliation du bail des immeubles utilisés pour l'activité de l'entreprise intervient dans les conditions suivantes : / 1° Au jour où le bailleur est informé de la décision du liquidateur de ne pas continuer le bail ; / (...) ".
7. Il résulte de l'instruction que la SARL History Restauration, qui a effectué les travaux en litige, a été placée en liquidation judiciaire le 12 juillet 2011. Le liquidateur judiciaire a envoyé au gérant de la SCI Saint Léonard, M. A..., un courrier daté du 29 décembre 2011 indiquant qu'il n'entendait pas poursuivre le contrat de bail. Si la SARL Hathor soutient que ce courrier n'a été reçu qu'en 2012, de sorte que les revenus fonciers en litige n'auraient été en tout état de cause perçus par la SCI Saint Léonard qu'au titre de l'année 2012, elle ne l'établit pas, alors qu'elle était la seule en mesure de le faire, en se bornant à produire l'accusé de réception qui porte un cachet du 3 janvier 2012 mais ne mentionne pas la date à laquelle le pli a été réceptionné par la société destinataire. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que les aménagements et constructions de nature immobilière réalisés par le preneur avaient été transférés gratuitement au bailleur au cours de l'année 2011.
8. Par ailleurs, la circonstance que le mobilier et le matériel appartenant à la SARL History Restauration, qui sont des biens meubles, ont été acquis par la SARL Hathor lors d'une vente aux enchères publiques le 13 février 2012 est sans incidence. En outre, les bordereaux d'adjudication produits ne mentionnant pas qu'ils portent sur le local en cause situé boulevard Pierre Lefaucheux, la SARL Hathor n'est pas fondée à soutenir que le propriétaire a payé deux fois les aménagements litigieux, une première fois lors de la résiliation du bail et une seconde fois le 13 février 2012. La circonstance que la vente aux enchères s'est tenue dans les locaux en cause et que la remise des clés à la SCI Saint Léonard a eu lieu postérieurement à cette vente est également sans incidence sur la date à laquelle le bail a été résilié.
En ce qui concerne la détermination de la base d'imposition :
9. Comme il a été dit au point 3, pour évaluer le complément de loyer imposable, il convient d'apprécier si la réalisation des travaux en cause a conféré au bien un surcroît de valeur vénale à la fin du bail. L'administration a déterminé le montant des aménagements et constructions réalisés par la SARL History Restauration en se fondant sur la " liste des acquisitions du 13 mai 2009 au 31 août 2010 en date d'arrêté du 31 août 2010 " qu'elle a obtenue dans le cadre de la vérification de comptabilité de cette société, sur les constatations effectuées par le vérificateur lors de ces opérations de contrôle ainsi que sur certaines factures fournies à l'administration par la même société dans le cadre d'une demande de remboursement de taxe sur la valeur ajoutée. Elle a évalué les aménagements remis à la SCI bailleresse, correspondant à des travaux de second œuvre de menuiserie, peinture, plomberie, électricité, clôtures, terrasses, plantations, réfection des sols et parquets, par la seule référence à leur coût de revient pour le preneur, égal à 503 369 euros.
10. Toutefois, la SARL Hathor fait valoir qu'un nouveau bail de location a été conclu pour une période de vingt-trois mois pour la période du 1er novembre 2012 au 30 septembre 2014 pour un loyer de 4 166 euros jusqu'au 31 octobre 2013, inférieur à celui qui aurait dû être versé par la SARL History Restauration à compter du 1er juin 2012, qui était de 6 500 euros. De même, elle produit des évaluations qui établissent que la valeur de l'immeuble en cause, qui avait été acquis au prix de 530 000 euros en mai 2009, a été estimée à 480 000 euros par un notaire le 10 avril 2013 et entre 400 000 euros et 430 000 euros par un agent immobilier le 17 février 2014. Dans ces conditions, et en dépit du caractère récent des aménagements, l'évaluation du surcroît de valeur vénale constituant l'avantage du bailleur, réalisée par l'administration à hauteur du prix de revient total des travaux effectués par le preneur, était, en l'espèce, excessive.
11. Dans ses dernières écritures, l'administration fiscale admet la possibilité de retenir, à titre subsidiaire, une évaluation du surcroît de valeur vénale par application sur la hausse de loyer d'un taux de capitalisation de 12%. Compte tenu des facteurs économiques rappelés au point 10, il sera en l'espèce fait une juste appréciation du surcroît de valeur vénale de l'immeuble loué en le déterminant par application d'un taux de capitalisation de 12%, soit à hauteur de la somme de 350 000 euros. Il suit de là que le rehaussement de base d'imposition au niveau pour la SARL Hathor doit être limité à la somme de 349 930 euros, à la hauteur de ses 99,98% de ses parts dans la SCI Saint Léonard, au lieu de 503 268 euros.
12. Il résulte de ce qui précède que la requérante est seulement fondée à soutenir, dans la mesure définie au point 11, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté en totalité sa demande de décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 novembre 2012, alors que les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos au 30 novembre 2012 devaient être réduites à concurrence de 349 930 euros.
13. Le présent arrêt se prononçant sur le fond de l'affaire, les conclusions tendant au sursis de paiement se trouvent privées d'objet.
Sur les frais liés au litige :
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au profit de la SARL Hathor, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Les bases d'imposition de l'impôt sur les sociétés auquel la SARL Hathor a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 novembre 2012 sont réduites à concurrence de 349 930 euros.
Article 2 : La SARL Hathor est déchargée, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 novembre 2012 correspondant à la réduction de base d'imposition prononcée à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement no 1409679 du 10 février 2017 du tribunal administratif de Nantes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à la SARL Hathor la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Hathor est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Hathor et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 10 février 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. Brasnu, premier conseiller,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2022.
La rapporteure
P. B...La présidente
I. Perrot
La greffière
P. Chaveroux
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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