Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 juin 2016 et 21 mars 2017, la SCM Domaine Saint-Louis, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 24 mai 2016 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 213 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration ne lui a pas communiqué les éléments en sa possession, en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ; elle se prévaut du point 6 de l'instruction administrative 13 L-6-06 du 21 septembre 2006, du point 250 du BOI-CF-PGR-30-10 du 12 septembre 2012 et de la réponse ministérielle au sénateur Marini n° 37556 publiée au Journal Officiel du Sénat le 13 juin 2002 p 1405 ;
- l'avis de mise en recouvrement du 22 novembre 2013 méconnaît les dispositions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ;
- elle peut bénéficier de l'exonération prévue à l'article 261 B du code général des impôts en ce qui concerne les remboursements de frais effectués par ses associés ; elle se prévaut de l'instruction administrative du 15 février 1979, du point 5 de la documentation de base 3 A-315 du 20 octobre 1999 et du point 50 du BOI-TVA-CHAMP-30-10-40 du 1er octobre 2012.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SCM Domaine Saint-Louis ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 11 juillet 2017 par une ordonnance du 12 juin 2017.
Le ministre de l'action et des comptes publics a produit un mémoire, enregistré le 21 août 2017, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chollet,
- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public,
- et les observations de M.B..., représentant le ministre des finances et des comptes publics.
1. Considérant que la société civile de moyens (SCM) Domaine Saint-Louis relève appel du jugement du 24 mai 2016 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. (...) " ;
3. Considérant que la proposition de rectification du 3 juin 2013 mentionne l'impôt concerné, la période d'imposition et la base imposable et expose les éléments de fait et de droit sur lesquels le service entendait fonder les rehaussements envisagés ; qu'en particulier, elle indique de façon complète les motifs sur lesquels il entend se fonder pour remettre en cause le bénéfice de l'exonération prévue par l'article 261 B du code général des impôts en ce qui concerne les remboursements de frais effectués par ses associés, en énonçant que les éléments en possession du service, soit, est-il précisé, relatifs à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Chirurgiens-dentistes Racines, ont permis d'établir qu'à compter de 2010, les recettes taxables à la taxe sur la valeur ajoutée de cette société, adhérente à la SCM Domaine Saint-Louis, dépassaient le seuil de 20 % ; que, dans ces conditions, la proposition de rectification est suffisamment motivée au regard des prescriptions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales sans que la requérante puisse utilement reprocher à l'administration de ne pas avoir porté à sa connaissance les indications relatives, d'une part, à la qualité d'assujetti de la SELARL Chirurgiens-dentistes Racines, d'autre part, aux recettes taxables à la taxe sur la valeur ajoutée perçues par cette SELARL ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. (...). " ; qu'il incombe à l'administration fiscale d'informer le contribuable dont elle envisage de rehausser les bases d'imposition de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a pu recueillir auprès de tiers, notamment par l'exercice de son droit de communication ou à l'occasion d'une vérification de comptabilité, et qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements, afin que le contribuable ait la possibilité de demander, avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition ; qu'elle ne peut, en revanche, mettre à la disposition du contribuable des renseignements obtenus auprès de tiers, notamment à l'occasion d'une vérification de comptabilité, s'ils sont couverts par le secret professionnel ;
5. Considérant que la SCM Domaine Saint-Louis soutient qu'aucun renseignement portant sur le dépassement du seuil de 20 % des recettes taxables à la taxe sur la valeur ajoutée de la SELARL Chirurgiens-dentistes Racines ne lui a été communiqué ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que les rappels en litige ont été établis en tenant compte des éléments issus du contrôle de la SELARL ; que la proposition de rectification du 3 juin 2013 mentionne la nature et l'origine des renseignements et des moyens procéduraux sur lesquels l'administration s'est fondée pour établir les impositions ; que l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne vise pas les documents, au surplus couverts par le secret professionnel, élaborés par l'administration fiscale elle-même, au nombre desquels figure une proposition de rectification adressée à un tiers ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration se serait fondée sur d'autres documents obtenus auprès de tiers ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 256-1 du même livre, dans sa rédaction applicable : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications (...) " ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement du 22 novembre 2013 se réfère à la proposition de rectification du 3 juin 2013 d'où les rappels sont issus ainsi qu'à la réponse aux observations du contribuable du 2 août 2013 et la lettre d'information du 20 septembre 2013 mais ne mentionne pas la lettre du 7 octobre 2013 informant la SCM Domaine Saint-Louis d'une modification, à la baisse, des droits et pénalités mis à sa charge, pour des montants correspondant à ceux qui ont été finalement mis en recouvrement ; que, toutefois, il n'est pas contesté que cette dernière lettre a été régulièrement notifiée à l'intéressée ; qu'ainsi, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, l'avis de mise en recouvrement est seulement entaché d'une erreur matérielle qui n'a pas privé l'intéressée de la possibilité de contester utilement les montants mis en recouvrement ; que, dès lors, l'erreur matérielle ainsi commise n'a pas entaché d'irrégularité la procédure suivie ;
8. Considérant, en dernier lieu, que la SCM Domaine Saint-Louis ne peut utilement se prévaloir du point 6 de l'instruction administrative 13 L-6-06 du 21 septembre 2006, du point 250 du BOI-CF-PGR-30-10 du 12 septembre 2012 et de la réponse ministérielle au sénateur Marini n° 37556 publiée au Journal Officiel du Sénat le 13 juin 2002 page 1405, qui, ayant trait à la procédure d'imposition, ne comportent pas une interprétation d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé des impositions :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 261 B du code général des impôts : " Les services rendus à leurs adhérents par les groupements constitués par des personnes physiques ou morales exerçant une activité exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée ou pour laquelle elles n'ont pas la qualité d'assujetti sont exonérées de cette taxe à la condition qu'ils concourent directement et exclusivement à la réalisation de ces opérations exonérées ou exclues du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et que les sommes réclamées aux adhérents correspondent exactement à la part leur incombant dans les dépenses communes. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'exonération qu'elles prévoient s'applique seulement aux services rendus par un groupement qui concourent à l'activité économique exonérée de taxe sur la valeur ajoutée des adhérents de ce groupement ou à une activité pour laquelle ils n'ont pas la qualité d'assujetti et ne s'étend pas aux services personnels rendus à ces adhérents sans rapport avec une activité économique exercée par eux en cette qualité ;
10. Considérant que l'administration fait valoir sans être sérieusement contredite qu'une partie des recettes de la SELARL Chirurgiens Dentistes Racines, un des deux membres du groupement SCM Domaine Saint-Louis, est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, dans ces conditions, la SCM Domaine Saint-Louis n'est pas fondée à invoquer le bénéfice des dispositions de l'article 261 B du code général des impôts ;
11. Considérant que l'instruction administrative du 15 février 1979, le point 5 de la documentation de base 3 A-315 du 20 octobre 1999 et le point 50 du BOI-TVA-CHAMP-30-10-40 du 1er octobre 2012 admettent que la circonstance que des membres du groupement soient redevables de la taxe sur la valeur ajoutée pour certaines de leurs opérations n'exclut pas nécessairement ce groupement du bénéfice de l'exonération prévue à l'article 261 B du code général des impôts au titre des services qu'il rend dès lors que, pour chacune des personnes physiques ou morales adhérentes des groupements, le pourcentage des recettes donnant lieu au paiement de la taxe par rapport aux recettes totales traduit le caractère nettement prépondérant des opérations qui échappent à l'imposition et précisent que cette condition sera présumée remplie si ce pourcentage est inférieur à 20 %, sous réserve toutefois que les autres conditions pour bénéficier de l'exonération soient respectées ;
12. Considérant que si la SCM Domaine Saint-Louis soutient que le pourcentage des recettes taxables de la SELARL Chirurgiens-dentistes Racines s'élève à 16 % au titre des années 2010 et 2011 et 13 % au titre de l'année 2012, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations ; que, par suite, elle ne peut invoquer, sur le fondement de l'article
L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale telle qu'énoncée au point 11 du présent arrêt ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCM Domaine Saint-Louis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SCM Domaine Saint-Louis est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile de moyens (SCM) Domaine Saint-Louis et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 31 août 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Delesalle, premier conseiller,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 septembre 2017.
Le rapporteur,
L. CholletLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°16NT01979