Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 26 juin 2018 sous le n° 18NT02460, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour d'annuler les articles 1er à 4 de ce jugement avec toutes les conséquences de droit.
Il soutient que :
- le rôle supplémentaire de taxe professionnelle au titre de l'année 2009 à l'égard de la société Sotraval en avril 2012, soit après le 30 juin 2011, et le rôle de taxe professionnelle théorique au titre de l'année 2010 homologué en octobre 2012, soit après le 30 juin 2012, ne pouvaient être pris en compte pour le calcul du prélèvement au profit du FNGIR ;
- le versement effectué par le FNGIR de l'année 2012 au titre de la mise en œuvre de l'article 39 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 ne saurait révéler l'existence d'une erreur ; le tribunal administratif a commis une erreur de droit ;
- le débat relatif à la prise en compte des rôles supplémentaires émis au titre de l'année 2009 est dépourvu de portée puisque la compensation relais n'a pas été calculée au vu de ces éléments ; en tout état de cause, aucune faute n'a été commise ;
- l'administration fiscale n'a pas agi tardivement dès lors qu'à la date à laquelle la collectivité s'est manifestée, la compensation relais pouvait être actualisée des rectifications opérées dans le délai de reprise ;
- le rôle de taxe professionnelle théorique 2010 établi à l'égard de la société Sotraval en octobre 2012 étant intervenu dans le délai de reprise, elle n'a pas commis de faute ;
- dès lors que les rôles supplémentaires sont intervenus dans le délai de reprise, aucune faute n'a été commise ;
- l'absence d'émission de rôles supplémentaires de taxe professionnelle à l'égard de la Compagnie de l'eau et de l'ozone n'est pas fautive ; la collectivité n'a apporté aucun élément permettant d'établir l'existence d'un préjudice financier et n'a attiré son attention que le 24 mai 2011 ;
- le préjudice est spéculatif.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2019, Brest Métropole, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Brest Métropole fait valoir que :
- les moyens ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, l'administration fiscale a commis des fautes qui lui ont causé un préjudice financier.
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées le 17 septembre 2019 que la cour était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public.
Des observations en réponse à ce moyen, présentées par Brest Métropole, ont été enregistrées le 1er octobre 2019.
II. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 juin 2018 et 9 juillet 2019 sous le n° 18NT02477, Brest Métropole, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 5 de ce jugement ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 204 268 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Brest Métropole soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé dès lors que les premiers juges n'ont pas précisé la raison pour laquelle ils ont retenu la date butoir du 30 juin 2011 ;
- le jugement est insuffisamment motivé dès lors que les premiers juges n'ont pas précisé sur quel fondement ils ont estimé qu'elle ne s'était pas manifestée en temps utile ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en retenant que seuls les rôles émis avant le 30 juin 2011 pouvaient être pris en compte pour le calcul de la compensation relais et qu'elle devait se manifester pour faire corriger les erreurs ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant qu'elle ne s'était pas manifestée en temps utile ;
- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier en estimant qu'elle n'avait pas fourni des informations claires et précises au regard du contenu du courrier du 24 mai 2011 ;
- l'administration a disposé d'un délai raisonnable pour procéder aux rectifications ;
- la responsabilité de l'Etat est engagée du fait des fautes commises dans la détermination de la taxe professionnelle due par la Compagnie de l'eau et de l'ozone au titre de l'année 2009 à raison des stations d'épuration " Maison Blanche " et " Zone portuaire " et du défaut d'émission de rôles supplémentaires ayant eu un impact sur le calcul de la compensation relais ;
- l'administration fiscale a commis une erreur lors de l'établissement des rôles de taxe professionnelle de la Compagnie de l'eau et de l'ozone ;
- elle subit un préjudice financier lié à la surévaluation du prélèvement au profit du FNGIR de 1 204 268 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête de Brest Métropole.
Il fait valoir que :
- le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en retenant que le rôle supplémentaire de taxe professionnelle 2009 émis en avril 2012 ne pouvait être pris en compte pour le calcul de la compensation relais ;
- le tribunal a pu estimer sans commettre d'erreur de droit qu'il appartenait à la collectivité de saisir en temps utile l'administration ;
- sa responsabilité ne saurait être engagée.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 portant loi de finances pour 2010 ;
- la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 portant loi de finances pour 2011 ;
- la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 portant loi de finances pour 2013 ;
- la loi n°2013-1278 du 29 décembre 2013 portant loi de finances pour 2014 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant Brest Métropole.
Une note en délibéré présentée pour Brest Métropole a été enregistrée le 23 octobre 2019.
Considérant ce qui suit :
L'exposé du litige :
1. La communauté urbaine Brest Métropole Océane, établissement public de coopération intercommunale, devenue Brest Métropole à compter du 1er janvier 2015, a, par courrier du 24 mai 2011, attiré l'attention de la directrice départementale des finances publiques du Finistère sur l'insuffisance des bases d'imposition de taxe professionnelle de l'usine de valorisation énergétique des déchets du Spernot gérée par la société Sotraval et des stations d'épuration " Maison Blanche " et " Zone portuaire ", dont elle est propriétaire et qui sont gérées par la Compagnie de l'eau et de l'ozone. Alors qu'aucun rôle supplémentaire d'imposition à la taxe professionnelle n'a été émis à l'encontre de la Compagnie de l'eau et de l'ozone, l'administration fiscale a, en avril 2012, émis un rôle supplémentaire de taxe professionnelle au titre de l'année 2009 à l'égard de la société Sotraval pour une cotisation revenant à Brest Métropole de 843 734 euros et homologué un rôle supplémentaire de taxe professionnelle théorique au titre de l'année 2010 pour une cotisation revenant à la collectivité de 71 008 euros puis, le 25 octobre 2012, homologué un rôle supplémentaire de taxe professionnelle théorique au titre de l'année 2010 à l'égard de la société Sotraval pour une cotisation revenant à la collectivité de 762 784 euros. La compensation relais au titre de l'année 2010 a été établie en ne prenant en compte que partiellement, à hauteur de 71 008 euros, l'imposition supplémentaire théorique émise au nom de la société Sotraval.
2. Par courrier du 25 février 2015, l'établissement public de coopération intercommunale a sollicité le retrait de la décision portant notification du prélèvement opéré au titre du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) pour l'année 2015 et le remboursement en conséquence de la somme de 5 289 605 euros, assortie des intérêts au taux légal, ou le remboursement de la somme de 1 976 995 euros, assortie des intérêts au taux légal.
3. Brest Métropole a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite par laquelle a été rejetée sa demande de retrait de la décision portant notification du prélèvement opéré au titre du fonds national de garantie individuelle des ressources pour l'année 2015 et de remboursement de la somme de 5 289 605 euros ou, à défaut, de condamner l'Etat à lui verser, en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait de fautes commises par les services fiscaux, la somme de 1 976 995 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
4. Par un jugement n° 1503199 du 26 avril 2018, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à verser à Brest Métropole la somme de 762 784 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2015 et de leur capitalisation (article 1er), a annulé la décision portant notification du prélèvement au profit du FNGIR pour l'année 2015 et la décision implicite de rejet du préfet du Finistère (article 2), a enjoint à l'Etat de restituer à Brest Métropole la somme recouvrée sur le fondement de la décision annulée à l'article 2 du jugement s'il n'a pas édicté une nouvelle décision de prélèvement dans des conditions régulières avant l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification du jugement (article 3), a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Brest Métropole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 4) et a rejeté le surplus de la requête (article 5).
5. Les requêtes d'appel n°18NT02460 et 18NT02477 présentées par Brest Métropole et le ministre de l'action et des comptes public étant dirigées contre un même jugement du tribunal administratif de Rennes, et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par une décision unique.
Le cadre juridique du litige :
6. Dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre ont reçu au titre de l'année 2010, en lieu et place de la taxe professionnelle, une compensation relais prévue par le II de l'article 1640 B du code général des impôts. L'article 78 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 a institué, à compter de l'année 2011, une dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et créé un fonds national de garantie individuelle des ressources communales et intercommunales (FNGIR). Cette dotation de compensation et les prélèvements et versements au profit du fonds national de garantie sont notamment destinés à compenser, pour les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, les pertes de recettes fiscales qu'ils auraient subies du fait de la suppression de la taxe professionnelle. Les montants attribués à partir de 2011 aux collectivités territoriales ou aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre au titre de la dotation de compensation et des prélèvements ou versements du FNGIR sont déterminés à partir de la différence entre leur " panier de ressources 2010 ", tel qu'il existait avant la réforme de la fiscalité locale, et leur " panier de ressources 2010 ", tel qu'il résulterait de l'application de cette réforme. En vertu du 1 et du 2 de l'article 78, les montants de la DCRTP et des prélèvements ou versements au FNGIR sont déterminés en intégrant notamment le montant de la compensation relais définie au II de l'article 1640 B du code général des impôts.
7. Aux termes de cet article 1640 B du code général des impôts : " " II (...) Le montant de cette compensation relais est (...) égal au plus élevé des deux montants suivants : - le produit de la taxe professionnelle qui résulterait de l'application, au titre de l'année 2010, des dispositions relatives à cette taxe dans leur version en vigueur au 31 décembre 2009 (...). - le produit de la taxe professionnelle de la collectivité territoriale ou de l'établissement public au titre de l'année 2009 (...) III. Les services fiscaux opèrent sur les bases de taxe professionnelle de 2010 les contrôles qu'ils auraient opérés si la taxe professionnelle avait été acquittée en 2010. La compensation relais versée en 2010 en application du II fait l'objet d'une actualisation correspondant aux redressements opérés par les services fiscaux au titre de la taxe professionnelle de 2010, pendant le délai de reprise visé à l'article L. 174 du livre des procédures fiscales ". En application de l'article 37 de la loi du 29 décembre 2012, les mots : " à ces contrôles, pendant le délai de reprise mentionné à l'article L. 174 du livre des procédures fiscales " sont remplacés par les mots : " aux contrôles effectués jusqu'au 30 juin 2012 ".
8. En vertu du I du 1.4 de l'article 78 de la loi du 30 décembre 2009, le montant de la compensation relais est corrigé en fonction des impositions à la taxe professionnelle et à la cotisation foncière des entreprises émises jusqu'au 30 juin 2011 et dégrèvements intervenus jusqu'à cette même date. Ce même paragraphe prévoit que le montant définitif des dotations, prélèvements et versements est calculé à partir des impositions établies, des dégrèvements ordonnancés et des produits perçus jusqu'au 30 juin 2011 et actualisé en fonction des redressements opérés par les services fiscaux sur les bases de taxe professionnelle au titre de l'année 2010. Cette actualisation prenait initialement en compte les redressements opérés pendant le délai de reprise visé à l'article L. 174 du livre des procédures fiscales, lequel prévoit une réparation des omissions et erreurs concernant la taxe professionnelle jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due, avant que l'article 37 de la loi du 29 décembre 2012 la limite également aux redressements opérés jusqu'au 30 juin 2012.
9. Aux termes de l'article 39 de la loi n°2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 : " Il est institué un prélèvement sur recettes de correction des calculs de versements de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle et des calculs de prélèvements et de versements au titre des fonds nationaux de garantie individuelle des ressources. Ce prélèvement régularise, pour les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre identifiés par l'administration fiscale avant le 30 juin 2013, les montants de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle ainsi que le montant du prélèvement ou du reversement au titre des fonds nationaux de garantie individuelle des ressources, tels que définis aux 1 et 2 de l'article 78 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, qui n'ont pu être rectifiés au titre des années 2011 et 2012 à l'issue des signalements effectués en application du 2 bis de ce même article 78 ".
Sur la régularité du jugement attaqué :
10. En premier lieu, si les parties soutiennent que le jugement attaqué est entaché d'erreurs de droit, d'erreur d'appréciation et de dénaturation des pièces du dossier, ces moyens, présentés comme devant le juge de cassation, remettent en réalité en cause le bien-fondé du jugement et non sa régularité.
11. En second lieu, il ressort du point 10 du jugement attaqué que le tribunal a rappelé les conditions d'engagement de la responsabilité pour faute de l'Etat lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement ou de recouvrement de l'impôt, notamment la possibilité d'invoquer le fait du demandeur d'indemnité comme cause d'atténuation ou d'exonération de responsabilité et du point 12 de ce jugement que les premiers juges ont exposé, avec une motivation suffisante, les raisons pour lesquelles ils ont estimé que l'administration fiscale n'avait pas commis de faute en n'effectuant pas de correction des bases d'imposition à la taxe professionnelle de la Compagnie de l'eau et de l'ozone. Par suite, Brest Métropole n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier du fait d'une insuffisante motivation sur ce point.
Sur les conclusions indemnitaires :
12. Une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement ou de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard d'une collectivité territoriale ou de toute autre personne publique si elle lui a directement causé un préjudice. Un tel préjudice peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et notamment du fait de ne pas avoir perçu des impôts ou taxes qui auraient dû être mis en recouvrement. L'administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s'il n'est pas le contribuable, du demandeur d'indemnité comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité. S'il appartient, en principe, à la victime d'un dommage d'établir la réalité du préjudice qu'elle invoque, le juge ne saurait toutefois lui demander des éléments de preuve qu'elle ne peut apporter.
En ce qui concerne l'engagement de la responsabilité de l'Etat du fait de carences dans l'établissement des rôles de la société Sotraval :
13. La société Sotraval, titulaire du contrat de bail de l'unité de valorisation énergétique des déchets du Spernot conclu avec Brest Métropole, a initialement déclaré des équipements et biens mobiliers entrant dans les bases d'imposition à la taxe professionnelle pour une valeur de 366 399 euros. Après que Brest Métropole ait averti l'administration fiscale de ce que l'usine a été mise aux normes en 2005, que les travaux ont été financés par elle pour un montant de 27 168 365 euros s'agissant des équipements et " process " et que la base d'imposition au titre des équipements et biens mobiliers s'élevait à 4 246 938 euros, la société Sotraval a transmis, par courrier du 28 juin 2011, des déclarations portant rectification de taxe professionnelle pour les années 2008 à 2010. L'administration fiscale a informé la société des modifications des bases d'imposition à la taxe professionnelle pour les années 2008 et 2009 par courrier du 20 septembre 2011 puis a émis et homologué des rôles dans des conditions rappelées au point 1 du présent arrêt.
S'agissant de la faute dans l'établissement du rôle primitif de taxe professionnelle :
14. Il est constant que les rôles primitifs de taxe professionnelle ont été calculés sur le fondement des déclarations de la société Sotraval, avant l'intervention du courrier de Brest Métropole du 24 mai 2011 alertant l'administration fiscale sur une éventuelle sous-imposition et des déclarations rectificatives déposées par la société. La circonstance que l'administration fiscale n'ait pas spontanément engagé de vérification des bases déclarées n'est pas de nature à caractériser une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, en l'absence de circonstances particulières qui, alors même que la taxe professionnelle est un impôt déclaratif, auraient dû nécessairement conduire l'administration à engager une vérification et à procéder à un rehaussement des bases d'imposition.
S'agissant de la faute dans l'établissement du rôle supplémentaire de taxe professionnelle :
15. L'administration fiscale a, d'une part, en avril 2012 établi un rôle supplémentaire de taxe professionnelle au titre de l'année 2009 pour un montant revenant à Brest Métropole de 843 734 euros et homologué un rôle supplémentaire de taxe professionnelle théorique au titre de l'année 2010 pour un montant de 71 008 euros correspondant aux rehaussements opérés sur la valeur locative de l'entreprise et, d'autre part, homologué en octobre 2012 un second rôle supplémentaire théorique au titre de cette même année pour un montant de 762 784 euros correspondant aux rehaussements opérés sur la valeur des équipements et biens mobiliers. Si Brest Métropole considère que l'établissement en avril 2012 de deux rôles supplémentaires de taxe professionnelle de montants très différents alors qu'ils portent sur le même bien puis d'un second rôle en octobre 2012 procède d'une erreur, aucune faute ne saurait être retenue à ce titre dès lors que l'ensemble de ces rôles ont été établis dans le respect du délai de reprise prévu à l'article L. 174 du livre des procédures fiscales qui expirait le 31 décembre 2013.
S'agissant de la faute commise dans la détermination du montant de la compensation relais en l'absence de prise en compte du rôle supplémentaire de taxe professionnelle 2009 émis le 23 avril 2012 :
16. Il résulte des textes applicables rappelés ci-dessus que seuls les rôles supplémentaires de taxe professionnelle au titre de 2009 émis avant le 30 juin 2011 pouvaient être pris en compte dans le calcul de la compensation relais, des dotations de compensation et des prélèvements au profit du fonds de garantie. Par suite, l'administration n'a pas commis d'illégalité ni de faute en excluant du calcul le rôle supplémentaire de taxe professionnelle au titre de l'année 2009 émis à l'égard de la société Sotraval en avril 2012 dès lors que, d'une part, ne concernant pas la taxe professionnelle théorique au titre de l'année 2010, alors que le montant de la compensation de Brest Métropole était calculée sur le produit théorique au titre de l'année 2010, il n'entrait pas dans les prévisions de l'actualisation prévue au III de l'article 1640 B du code général et des impôts et, d'autre part, qu'émis après le 30 juin 2011, il n'entrait pas dans les prévisions de la correction prévue au I du 1.4 de l'article 78 de la loi du 30 décembre 2009.
S'agissant de la faute commise dans la détermination du montant de la compensation relais en l'absence de prise en compte du rôle supplémentaire de taxe professionnelle théorique 2010 homologué le 25 octobre 2012 :
17. Il résulte des textes applicables rappelés ci-dessus que seuls les rôles supplémentaires théoriques de taxe professionnelle au titre de l'année 2010 émis avant le 30 juin 2012 pouvaient être pris en compte dans le calcul de la compensation relais, des dotations de compensation et des prélèvements au profit du fonds de garantie. Par suite, l'administration n'a pas commis d'illégalité et de faute en excluant le rôle homologué le 25 octobre 2012, quand bien même celui-ci n'avait vocation qu'à compléter le rôle homologué en avril 2012.
S'agissant du retard ayant conduit à l'émission du rôle supplémentaire de taxe professionnelle 2009 après le 30 juin 2011 :
18. La compensation relais de Brest Métropole ayant été établie sur la base de la taxe professionnelle théorique au titre de l'année 2010, l'éventuel retard ayant conduit à l'émission du rôle supplémentaire de taxe professionnelle au titre de l'année 2009 est sans incidence. En tout état de cause, au regard des dates auxquelles l'administration fiscale a reçu le courrier du 24 mai 2011 de la communauté urbaine Brest Métropole Océane et les déclarations rectificatives du 28 juin 2011 de la société Sotraval, du temps nécessaire à l'instruction et alors que l'administration a fait part, par courrier du 20 septembre 2011, à cette société des modifications apportées aux bases d'imposition au titre des années 2008 et 2009, l'absence d'émission du rôle supplémentaire de taxe professionnelle au titre de l'année 2009 avant le 30 juin 2011 ne saurait être regardée comme fautive.
S'agissant du retard ayant conduit à l'émission du second rôle supplémentaire de taxe professionnelle théorique au titre de l'année 2010 après le 30 juin 2012 :
19. Brest Métropole fait valoir, à juste titre, qu'alors qu'ont été émis en avril 2012 un rôle supplémentaire complet pour 2009 ainsi qu'un rôle supplémentaire partiel théorique pour 2010, l'administration fiscale a tardé à homologuer un rôle complémentaire de taxe professionnelle théorique 2010 à l'égard de la société Sotraval. Toutefois, dès lors qu'à la date du 25 octobre 2012 à laquelle il a été homologué, le délai de reprise prévu à l'article L. 174 du livre des procédures fiscales n'était pas expiré et le raccourcissement du délai d'actualisation au 30 juin 2012, introduit par l'article 37 de la loi du 29 décembre 2012, n'avait pas encore été voté, ce retard ne saurait être regardé comme fautif.
20. Le courrier du 31 juillet 2014, qui fait application des dispositions de l'article 39 de la loi du 29 décembre 2013 et mentionne que " la somme de 762 784 euros vient compenser le manque à gagner qu'aurait subi la communauté Brest Métropole Océane du fait d'erreurs de calcul dans le FNGIR 2012 ", ne permet pas de révéler l'existence d'une telle faute, alors que cette disposition n'a ni pour objet ni pour effet de modifier les règles de calcul telles qu'elles ont été rappelées ci-dessus et, en particulier, ne sauraient permettre la prise en compte, pour modifier le montant de la compensation relais, d'impositions supplémentaires établies postérieurement aux délais prévus par la loi.
21. Il résulte de ce qui a été dit aux points 14 à 20 du présent arrêt que Brest Métropole n'est pas fondée à demander que soit engagée la responsabilité de l'Etat en raison d'erreurs ou de fautes commises dans l'établissement des rôles de la société Sotraval.
En ce qui concerne l'engagement de la responsabilité de l'Etat du fait de carences dans l'établissement des rôles de la Compagnie de l'eau et de l'ozone :
S'agissant de la faute dans l'établissement du rôle primitif de taxe professionnelle :
22. Il est constant que les rôles primitifs de taxe professionnelle ont été calculés sur le fondement des déclarations de la Compagnie de l'eau et de l'ozone, avant l'intervention du courrier de Brest Métropole du 24 mai 2011 alertant l'administration fiscale sur une éventuelle sous-imposition. La circonstance que l'administration fiscale n'ait pas spontanément engagé de vérification des bases déclarées n'est pas de nature à caractériser une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, en l'absence de circonstances particulières qui, alors même que la taxe professionnelle est un impôt déclaratif, auraient dû nécessairement conduire l'administration à engager une vérification et à procéder à un rehaussement des bases d'imposition.
S'agissant de la faute dans l'absence d'émission de rôle supplémentaire de taxe professionnelle :
Quant à 2009 :
23. La compensation relais de Brest Métropole ayant été établie sur la base de la taxe professionnelle théorique au titre de l'année 2010, une éventuelle faute liée à l'absence d'émission d'un rôle supplémentaire au titre de l'année 2009 n'a causé aucun préjudice né à l'occasion de la détermination de celle-ci et, par suite, à l'occasion de la détermination du prélèvement au titre du fonds de garantie.
Quant à 2010 :
24. Par courrier du 24 mai 2011, Brest Métropole avait attiré l'attention de l'administration sur la reconstruction des stations d'épuration qui avait eu lieu en 2004 et en 2006, laquelle révélait une insuffisance dans les bases taxées au titre des équipements et biens mobiliers et lui avait expressément demandé de procéder à la rectification de ces bases prises en compte pour la taxe professionnelle au titre de l'année 2008, la taxe professionnelle au titre de l'année 2009, la compensation relais au titre de l'année 2010 et le prélèvement au profit du fonds de garantie au titre de l'année 2011. L'administration fiscale, qui, à cette date, disposait d'un délai de reprise expirant le 31 décembre 2013, s'est abstenue d'engager une procédure de contrôle. Elle a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de Brest Métropole.
S'agissant du retard ayant conduit à l'absence d'émission d'un rôle supplémentaire avant le 30 juin 2012 :
25. Brest Métropole fait valoir, à juste titre, que l'administration fiscale a tardé à instruire le signalement qu'elle avait effectué quant aux bases d'imposition de la Compagnie de l'eau et de l'ozone. Toutefois, à la date du 30 juin 2012, le délai de reprise prévu à l'article L. 174 du livre des procédures fiscales n'était pas expiré et le raccourcissement du délai d'actualisation au 30 juin 2012, introduit par l'article 37 de la loi du 29 décembre 2012 à titre rétroactif, n'était pas entré en vigueur ni même avait été voté. Par suite, la carence à n'avoir pas émis de rôle supplémentaire à cette date ne saurait être regardé comme fautive.
S'agissant du fait exonératoire de responsabilité :
26. Compte tenu du délai restant à courir entre la date à laquelle a été reçu le courrier du 24 mai 2011 et le terme du délai de prescription prévu à l'article L. 174 du livre des procédures fiscales qui expirait le 31 décembre 2013, l'établissement public de coopération intercommunale doit être regardé comme s'étant manifesté en temps utile auprès de l'Etat.
S'agissant du lien direct entre la faute retenue et le préjudice :
27. Brest Métropole se prévaut d'un préjudice financier tiré de l'absence de prise en compte du rehaussement des bases d'imposition des deux stations d'épuration gérées par la Compagnie de l'eau et de l'ozone dans le calcul du prélèvement au profit du fonds national de garantie. Or ce préjudice n'a pas pour origine la faute résidant dans l'absence d'engagement d'une procédure de contrôle avant le 31 décembre 2013 mais, compte tenu de la date du 30 juin 2012 fixée par le législateur, l'absence d'établissement d'un rôle supplémentaire avant cette date qui, ainsi qu'il a été dit au point 25 du présent arrêt, n'est pas en elle-même fautive. En tout état de cause, la somme que réclame Brest Métropole est équivalente à la perte de ressources fiscales qu'elle estime avoir subie du fait de l'insuffisance des bases d'imposition de la Compagnie de l'eau et de l'ozone. Or, compte tenu des modalités de détermination de la compensation relais prévues par l'article 1640 du code général des impôts, cette dernière étant égale au plus élevé des deux montants entre le produit de la taxe professionnelle au titre de l'année 2009 et le produit de la taxe professionnelle théorique au titre de l'année 2010, l'insuffisance d'imposition constatée sur un des opérateurs taxés n'implique pas nécessairement une insuffisance, à due concurrence, de la compensation-relais et, par suite, un prélèvement excessif, à due concurrence, au titre du fonds national de garantie individuelle des ressources.
28. Il résulte de tout ce qui a été dit aux points 22 à 27 du présent arrêt que Brest Métropole n'est pas fondée à demander à être indemnisée du fait des carences de l'administration fiscale dans l'établissement des rôles de la Compagnie de l'eau et de l'ozone.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
29. Le ministre de l'action et des comptes publics conclut à l'annulation des articles 3 et 4 du jugement du 26 avril 2018, par lesquels le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision portant notification du prélèvement au profit du FNGIR pour l'année 2015 et la décision implicite de rejet du préfet du Finistère et a enjoint à l'Etat de restituer à Brest Métropole la somme recouvrée sur le fondement de la décision annulée à l'article 2 du jugement s'il n'a pas édicté une nouvelle décision de prélèvement dans des conditions régulières avant l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sans assortir ces conclusions d'aucun moyen spécifique.
30. Pour prononcer cette annulation et, par voie de conséquence, cette injonction, les premiers juges se sont fondés sur l'irrégularité de la décision portant notification du montant de prélèvement au profit du FNGIR pour l'année 2015 en l'absence de mention des bases de liquidation du prélèvement conformément aux dispositions de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012. En vertu de cet article, toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. Toutefois, dès lors que la décision à caractère financier fixant le montant du prélèvement au profit du fonds national de garantie individuelle des ressources ne constitue ni une créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ni un ordre de recouvrer, elle n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de cet article. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 est inopérant et ne saurait justifier l'annulation de la décision implicite de refus de retrait de la décision portant notification du prélèvement au profit du FNGIR au titre de l'année 2015 ainsi que l'annulation de la décision du 13 janvier 2015, que Brest Métropole devait, en dépit de l'ambiguïté de ses écritures, être regardée comme contestant également.
31. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur ce moyen pour prononcer l'annulation de cette décision. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Brest Métropole devant le tribunal administratif.
32. La décision du 13 janvier 2015 porte la mention, contrairement à ce que soutient Brest Métropole, des nom, prénom, qualité et signature de son auteur.
33. Pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, Brest Métropole n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le montant du prélèvement au profit du fonds national de garantie individuelle des ressources de l'année 2015 est entachée d'erreur de droit ou d'appréciation.
34 Il résulte de ce qui a été dit aux points 30 à 33 du présent arrêt que les conclusions présentées aux fins d'annulation doivent être rejetées.
35. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 26 avril 2018 attaqué, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à verser à Brest Métropole la somme de 762 784 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2015, a annulé la décision portant notification du prélèvement au profit du FNGIR pour l'année 2015 et la décision implicite de rejet du préfet du Finistère, a enjoint à l'Etat de restituer à Brest Métropole la somme recouvrée sur le fondement de la décision annulée à l'article 2 du jugement s'il n'a pas édicté une nouvelle décision de prélèvement dans des conditions régulières avant l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et mis à sa charge une somme de 1 500 euros à verser à Brest Métropole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, d'autre part, Brest Métropole n'est pas fondée à se plaindre de ce que ce tribunal a rejeté le surplus de sa demande.
Les frais liés au litige :
36. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux demandes de Brest Métropole relatives aux frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 1er à 4 du jugement n°1503199 du 26 avril 2018 du tribunal administratif de Rennes sont annulés.
Article 2 : Les demandes d'indemnisation de Brest Métropole en réparation du préjudice subi du fait de fautes commises dans l'établissement des rôles de taxe professionnelle émis à l'encontre de la société Sotraval et d'annulation de la décision implicite par laquelle a été rejetée sa demande de retrait de la décision portant notification du prélèvement opéré au titre du fonds national de garantie individuelle des ressources pour l'année 2015 et de la décision du 13 janvier 2015 sont rejetées.
Article 3 : La requête n°18NT02477 et les conclusions d'appel présentées par Brest Métropole sous le n° 18NT02460 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à Brest Métropole.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 novembre 2019.
Le rapporteur,
F. B...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT02460-18NT02477
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