Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2019, M. et Mme B... D..., représentés par Me E... et Me A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de réduire, en droits et pénalités, à hauteur de 17 664 euros, la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'article 24 de la convention franco-britannique du 19 juin 2008 n'est pas applicable aux traitements et salaires ;
- la notice de la déclaration 2047, puisqu'elle interprète les dispositions de l'article 24 de la convention franco-britannique du 19 juin 2008 dont la rédaction rend les dispositions inapplicables aux traitements et salaires de source britannique, est opposable ;
- si l'opposabilité de cette notice devait être discutée, les revenus de 2014 seront exonérés d'impôt en France, sans application de la méthode du taux effectif, pour la part imposable au Royaume-Uni, en application de l'article 15§3 de la convention franco-britannique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour de rejeter la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son article 55 ;
- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital (ensemble un protocole), signée à Londres le 19 juin 2008 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le foyer fiscal de M. D..., qui est commandant de bord d'aéronefs au sein de la société de droit britannique Easyjet, a fait l'objet d'un contrôle sur pièces au terme duquel
des rectifications lui ont été proposées au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2014, procédant de la réintégration à ses revenus imposables d'une somme de 54 834 euros correspondant à des revenus de source britannique et du refus du bénéfice d'un crédit d'impôt. M. et Mme D... ont exprimé leur désaccord avec ces rectifications en tant qu'elles leur refusent un crédit d'impôt égal à l'impôt applicable en France aux revenus perçus à l'étranger, correspondant aux vols internationaux assurés par M. D.... L'administration ayant maintenu la rectification puis rejeté la réclamation de M. et Mme D..., ces derniers ont demandé au tribunal administratif de Rennes de réduire, en droits et pénalités, à hauteur de 17 664 euros la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2014. Par un jugement du 21 novembre 2018, le tribunal a rejeté leur demande. Ils font appel de ce jugement.
2. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.
Sur le fondement de la loi fiscale :
En ce qui concerne l'application du droit interne :
3. L'article 4 A du code général des impôts prévoit que : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. (...) ".
4. Il est constant que M. D... était domicilié fiscalement en France en 2014. En application de l'article 79 du code général des impôts, les rémunérations qu'il a perçues au titre de son activité salariée de commandant de bord sont imposables dans la catégorie des traitements et salaires.
En ce qui concerne l'application de la convention du 19 juin 2008 :
5. L'article 15 de la convention fiscale franco-britannique du 19 juin 2008 stipule que : " (...) 3. Nonobstant les dispositions précédentes du présent article, les rémunérations reçues au titre d'un emploi salarié exercé à bord d'un navire, d'un aéronef ou d'un véhicule ferroviaire exploités en trafic international sont imposables dans l'Etat contractant dont l'exploitant du navire, de l'aéronef ou du véhicule ferroviaire est un résident (...) ". L'article 24 de cette même convention prévoit que : " (...) 3. En ce qui concerne la France, les doubles impositions sont éliminées de la manière suivante : / a) nonobstant toute autre disposition de la présente Convention, les revenus qui sont imposables ou ne sont imposables qu'au Royaume-Uni conformément aux dispositions de la présente Convention sont pris en compte pour le calcul de l'impôt français lorsqu'ils ne sont pas exemptés de l'impôt sur les sociétés en application de la législation interne française. Dans ce cas, l'impôt du Royaume-Uni n'est pas déductible de ces revenus, mais le résident de France a droit, sous réserve des conditions et limites prévues aux alinéas (i) et (ii) et au paragraphe 4, à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français. Ce crédit d'impôt est égal : / (i) pour les revenus non mentionnés à l'alinéa (ii), au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus à condition que le résident de France soit soumis à l'impôt du Royaume-Uni à raison de ces revenus ; (...) ; toutefois, ce crédit d'impôt ne peut excéder le montant de l'impôt français correspondant à ces revenus ; / b) pour l'application de l'alinéa a) du présent paragraphe, l'expression " montant de l'impôt français correspondant à ces revenus " désigne : / (i) lorsque l'impôt dû à raison de ces revenus est calculé par application d'un taux proportionnel, le produit du montant des revenus nets considérés par le taux qui leur est effectivement appliqué ; / (ii) lorsque l'impôt dû à raison de ces revenus est calculé par application d'un barème progressif, le produit du montant des revenus nets considérés par le taux résultant du rapport entre l'impôt effectivement dû à raison du revenu net global imposable selon la législation française et le montant de ce revenu net global. / c) pour l'application de l'alinéa a) du présent paragraphe, l'expression " montant de l'impôt payé au Royaume-Uni " désigne le montant de l'impôt du Royaume-Uni effectivement supporté à titre définitif à raison des revenus considérés, conformément aux dispositions de la présente Convention (...) ".
6. Si les requérants font valoir qu'une partie des rémunérations de M. D... procède d'une activité de commandant de bord d'aéronef exploité en trafic international par la société Easyjet établie en Grande-Bretagne et sont donc imposables dans cet Etat, sur le fondement des stipulations du paragraphe 3 de l'article 15 de la convention conclue entre la France et le Royaume-Uni le 19 juin 2008, il résulte des stipulations du paragraphe 3 de l'article 24 de cette convention, qui sont applicables aux salaires, que ces rémunérations peuvent être également imposées en France sous réserve de l'imputation d'un crédit d'impôt correspondant au montant de l'impôt payé au Royaume-Uni.
7. Dès lors que M. D... n'établit pas que la partie de ses salaires perçus en 2014 et correspondant aux vols effectués en trafic international a été comprise dans la base de " l'impôt du Royaume-Uni " au sens du a) du paragraphe 1 de l'article 2 de la convention fiscale du 19 juin 2008, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé qu'en application des stipulations du paragraphe 3 de l'article 24 de la convention du 19 juin 2008, les requérants ne pouvaient bénéficier d'un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français.
Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :
8. La notice de l'imprimé n° 2047 n'est pas au nombre des instructions ou circulaires publiées par lesquelles l'administration fiscale fait connaître son interprétation des textes fiscaux. Par conséquent, M. et Mme D... ne peuvent utilement s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a, par le jugement attaqué, rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.
Le rapporteur,
P. C...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
P. Chaveroux
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT00334
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