Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er et 3 juillet 2020, le préfet de la Loire-Atlantique demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif.
Il soutient que la procédure menée devant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration était régulière et qu'il reprend ses écritures de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2020, M. A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros à Me B... en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi sur l'aide juridique.
Il fait valoir que :
- le préfet méconnaît l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 janvier 2019 ;
- le moyen soulevé par le préfet n'est pas fondé ;
- il n'aura pas un accès effectif à un traitement approprié en cas de retour au Sénégal.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sénégalais, né le 2 janvier 1990, est entré en France le 14 mai 2016, sous couvert d'un visa d'entrée et de court séjour. Sa demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été rejetée par un arrêté de la préfète de la Loire-Atlantique du 16 janvier 2018, décision assortie d'une obligation de quitter le territoire français. Cet arrêté a été annulé par un jugement du 9 janvier 2019 du tribunal administratif de Nantes qui a enjoint au préfet de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de deux mois. A la suite de ce réexamen, le préfet, par un arrêté du 5 février 2019, a de nouveau refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré ou tout autre pays pour lequel il établit être admissible. Par un jugement du 16 juin 2020, le tribunal a annulé l'arrêté du 5 février 2019 (article 1er), enjoint au préfet de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, après avoir sollicité un nouvel avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (article 2), mis à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 000 euros (article 3) et rejeté le surplus de sa demande (article 4). Le préfet relève appel de ce jugement.
Sur le moyen accueilli par les premiers juges dans le jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article (...) ". Enfin, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de cet article : " Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
3. Par un jugement n° 1809141 du 9 janvier 2019, devenu définitif, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 16 janvier 2018 par lequel la préfète de la Loire-Atlantique a refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination vers lequel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré ou tout pays vers lequel il est légalement admissible, aux motifs, dans son point 3, tirés de ce que " le caractère collégial de la délibération constitue une garantie pour le demandeur de titre de séjour. Le conseil de M. A... produit dans le cadre de la présente instance les détails de l'application " Themis " se rapportant à un dossier autre que celui du requérant, laquelle permet de connaître les différentes démarches effectuées par les agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) dans l'instruction des dossiers de demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, et fait valoir qu'il en ressort que les trois médecins composant le collège ne rendent pas leur avis à l'issue d'une délibération collégiale, mais chacun individuellement et à des dates différentes. Compte tenu de ces éléments et en l'absence de preuve contraire apportée en défense, la mention " après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", qui figure sur l'avis du 13 décembre 2017 rendu au sujet de M. A..., n'établit pas le caractère collégial de cet avis. Il suit de là que le requérant doit être regardé comme ayant été irrégulièrement privé de la garantie constituée par un débat collégial sur son cas. ". Le tribunal a enjoint au préfet de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
4. Par le jugement attaqué du 16 juin 2020, le tribunal a annulé l'arrêté du 5 février 2019 pris par le préfet de la Loire-Atlantique en exécution du jugement du 9 janvier 2019, à la suite de ce réexamen, aux motifs, dans son point 4, tirés de ce que " eu égard à l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache [au] dispositif [du jugement du 9 janvier 2019] mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire, et quelle qu'ait été l'évolution ultérieure de la jurisprudence, il incombait au préfet de la Loire-Atlantique de solliciter un nouvel avis du collège des médecins, en s'assurant de son caractère collégial. Dans ces conditions, et alors qu'il résulte des termes même de l'arrêté en litige que, pour refuser le renouvellement du titre de séjour de M. A... pour raison de santé après réexamen de sa situation, le préfet de la Loire-Atlantique s'est de nouveau fondé sur l'avis du 13 décembre 2017 du collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), M. A... est fondé à soutenir que l'arrêté du 5 février 2019 est intervenu en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du 9 janvier 2019 et doit être annulé en toutes ses dispositions. ".
5. Le préfet de la Loire-Atlantique, dans l'arrêté du 5 février 2019, a indiqué : " (...) Au vu des textes qui régissent la procédure, [l'avis du collège des médecins de l'OFII] est réputé résulter d'une délibération collégiale qui peut avoir lieu par conférence téléphonique ou audiovisuelle ; qu'il n'appartient pas au préfet de s'assurer de la régularité de la procédure sur ce point dès lors que cela reviendrait à ajouter des prescriptions non prévues par les textes ; considérant par ailleurs que la production d'historiques de la procédure de dossier relatif à un tiers par M. A... E... ne permet pas d'établir que la procédure n'aurait pas été respectée dans le cas présent ; qu'en tout état de cause, à supposer que ce vice de forme soit établi, ce que le demandeur ne parvient pas à faire en l'espèce, rien ne permet de démontrer que le sens de l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII aurait été différent si les médecins avaient délibéré simultanément. (...) ". Ces éléments ne peuvent être regardés comme la " preuve contraire apportée en défense ", fût-elle nouvelle, requise par les motifs, rappelés au point 3, du jugement du 9 janvier 2019, et revêtus de l'autorité absolue de la chose jugée dès lors qu'ils étaient le soutien nécessaire du dispositif, afin de démontrer le caractère collégial de la délibération du collège de médecins. Ainsi, et alors même que le jugement du 9 janvier 2019 n'avait pas enjoint au préfet de solliciter un nouvel avis du collège de médecins de l'OFII, l'arrêté du 5 février 2019 est intervenu en méconnaissance de l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache au jugement du 9 janvier 2019. C'est donc à bon droit que le tribunal administratif a retenu ce motif pour annuler cet arrêté. Par suite, le préfet n'est pas fondé à soutenir que la procédure qu'il a suivie était régulière.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Loire-Atlantique n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 5 février 2019 par lequel il a refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à la frontière lorsque le délai sera expiré, et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, après avoir sollicité un nouvel avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Sur les frais liés au litige :
7. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me B..., avocat de M. A..., dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Loire-Atlantique est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me B... une somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. E... A... et à Me B....
Copie en sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 25 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Geffray, président,
- M. Brasnu, premier conseiller,
- Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2021.
La rapporteure,
P. D...
Le président,
J-E. Geffray
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01809